Lucy Burns

suffragette américaine

Lucy Burns, née le à Brooklyn (New York) et morte le à Brooklyn, est une figure majeure du mouvement des suffragettes américaines. Avec Alice Paul et d'autres militantes féministes, elle est une des fondatrices du National Woman's Party. Avec Alice Paul, elle organise des manifestations et diverses actions pour obtenir le droit de vote des femmes aux États-Unis actions qui aboutiront à l'adoption du Dix-neuvième amendement de la Constitution des États-Unis promulgué le 26 août 1920 après sa ratification le 18 août 1920 par le Tennessee.

Biographie modifier

Jeunesse et formation modifier

Lucy Burns est la quatrième des huit enfants d'Edward Burns et d'Ann Burns, des catholiques irlandais qui croyaient en l'égalité des sexes, notamment en matière d'éducation et de droit de vote[1],[2],[3],[4].

Après la fin de ses études secondaires au Packer Collegiate Institute en 1899, elle entreprend des études de littérature anglaise, mais aussi de latin, grec, français et d'allemand au Vassar College, une université pour femmes de Poughkeepsie dans l'État de New York. Étudiante brillante, elle obtient son diplôme en 1902, puis elle étudie l'entomologie à l’université Yale pendant une année[1],[5],[6],[7],[3].

Lucy Burns enseigne l'anglais à l'Erasmus Hall High School (en) de Flatbush, un quartier de Brooklyn[1].

Elle fait deux années d'études, de 1906 à 1908, à l'université de Berlin, puis à l'université de Bonn (1908), puis passe un été à l'université d'Oxford où elle commence ses études doctorales, avec pour sujet de recherches Votes for Women[1],[5],[8],[9].

Carrière de militante modifier

La carrière de militante de Lucy Burns commence en 1909, où pendant son séjour britannique, elle rencontre Emmeline et Christabel Pankhurst qui dirigent le Women's Social and Political Union (WSPU), principal mouvement de suffragettes au Royaume-Uni. Lucy Burns devient un membre actif du WSPU, elle y apprend diverses techniques comme l'art de haranguer les foules. Fortement engagée, elle est arrêtée à plusieurs reprises et est emprisonnée quatre fois[1],[10],[6].

De 1910 à 1912, elle organise des manifestations en faveur du droit de vote des femmes en Écosse[1],[5].

Après une manifestation organisée à Londres devant le Parlement, elle est arrêtée et dans le poste de police elle fait la connaissance d'Alice Paul, américaine comme elle, immédiatement elles sympathisent[11],[5].

Ensemble, elles se font remarquer par leur interpellation adressée à Winston Churchill lors d'un banquet donné au Guildhall de Londres le [12].

De retour aux États-Unis (Alice Paul en 1910, Lucy Burns en 1912), les deux femmes se rejoignent et s'engagent au sein de la National American Woman Suffrage Association (NAWSA)[1],[6].

Alice Paul et elle organisent à Washington, le , le jour précédant la prise de fonctions du président Woodrow Wilson, une manifestation en faveur du droit de vote des femmes, cette manifestation rassemble plus de 5 000 personnes venues de tous les États de l'Union. Les préparatifs des festivités attirent des milliers de badauds et certains s'en prennent aux manifestants. À la fin du défilé, une centaine de suffragettes ont été emmenées à l'hôpital et le régiment de cavalerie de Fort Myer a dû intervenir pour contenir la foule enragée. Malgré le chaos et les violences, la manifestation atteint son objectif : attirer l'attention de la presse nationale sur la question du suffrage féminin et faire valoir une réforme de la constitution des États-Unis par l'adoption d’un amendement constitutionnel accordant le droit de vote aux femmes. C'est un brillant succès politique : non seulement il a sensibilisé davantage de gens à la National American Woman Suffrage Association, mais en plus la violence des contre-manifestants a rendu les femmes encore plus sympathiques. C'était la première étape dans la poursuite de la philosophie d'Alice Paul de "tenir le parti au pouvoir responsable"[1],[5],[6],[13],[14],[11].

Jugeant trop prudentes les positions de la National American Woman Suffrage Association, Lucy Burns et Alice Paul créent, en , une branche dissidente le Congressional Union for Woman Suffrage (en) qui publie son propre journal hebdomadaire, The Suffragist[1],[5],[6],[15].

Lucy Burns organise des campagnes pour le droit de vote des femmes dans l'Ouest américain de 1914 à 1916[1],[8].

Avec le soutien de Jane Addams, Lucy Burns et Alice Paul fondent le National Woman's Party en 1916[1].

Le , Lucy Burns[16], Dora Lewis et Dee Richardson, lors d'une visite d'une délégation russe aux États-Unis, attirent l'attention en dressant bien en vue une bannière à l'extérieur de la Maison Blanche déclarant que l'Amérique n'était pas une démocratie libre tant que les femmes se voyaient refuser le vote. Plusieurs suffragettes sont arrêtées, cette action est désavouée par la NAWSA et d'autres associations de suffragettes[8],[17].

Dans la nuit du 14 au se produit un événement qui est passé à la postérité sous le nom de la Night of Terror (nuit de terreur). Le , trente trois suffragettes membres du National Woman's Party qui manifestaient devant la Maison Blanche pour réclamer le droit de vote sont arrêtées et emprisonnées à la prison, l'Occoquan Workhouse (devenue le Lorton Reformatory (en)). Les choses dérapent à partir de la soirée du , les suffragettes sont matraquées, battues et torturées par les gardiens de l'Occoquan Workhouse, Lucy Burns, mains attachées aux barreaux du soupirail est forcée à rester debout toute la nuit, les gardiens fracassent la tête de Dora Lewis contre un lit de fer, la laissant pour morte et lui refusant tout soins médicaux, Dorothy Day est malmenée, valdinguée par deux fois sur une banquette métallique, les prisonnières ont droit à de la nourriture avariée et autres vexations[18],[19],[20],[21],[22],[23].

La Night of Terror, avec son cortège d'atrocités, suscite l'indignation du public. Doris Stevens, une des suffragettes incarcérées, réussit à divulguer au public des informations sur cette nuit[24].

Lucy Burns, comme d'autres, commence une grève de la faim, elle est nourrie de force par une sonde passant par ses narines, sa résistance est telle qu'il faut cinq gardiens pour la faire tenir tranquille[9].

Lucy Burns est la suffragette qui a purgé le plus de temps en prison[14].

La publicité faite autour de la Night of Terror pousse l'administration Wilson à agir. Le Dix-neuvième amendement de la Constitution des États-Unis, qui donne aux femmes le droit de vote au niveau national, est adopté par la Chambre des représentants en et le Sénat a suivi au début de juin. L’amendement entre officiellement en vigueur le , après sa ratification le par le Tennessee, 36e état à le faire[25],[26].

Vie privée modifier

Après le vote du Dix-neuvième amendement en 1920, Lucy Burns abandonne le mouvement et retourne à un mode de vie simple. Laissant Alice Paul diriger le National Woman's Party, Lucy Burns emménage avec deux de ses sœurs célibataires et passe le reste de ses journées à s'occuper d'une nièce orpheline. Ce retrait de la vie militante et politique a occulté sa contribution à l'émancipation des femmes[1],[13],[5].

Lucy Burns repose au Holy Cross Cemetery (en) de Brooklyn[27].

Hommages modifier

  • En 2006, est créé le Lucy Burns Institute (en), qui a pour mission d'aider les personnes à se déterminer par elles-mêmes pour s'engager dans la vie démocratique américaine en leur fournissant des informations factuelles et neutres sur les élections, les campagnes, les candidats et les politiques[28],[29].
  • En , le Workhouse Arts Center (en) de Lorton (Virginie) ouvre les portes d'un nouveau bâtiment le Lucy Burns Museum[30],[31],[32].

Références modifier

  1. a b c d e f g h i j k et l (en-US) Barbara Sicherman, Harriette Walker et Carol Hurd Green (dir.), Notable American Women : A Biographical Dictionary, vol. 4 : The Modern Period, Cambridge, Massachusetts, Belknap Press of Harvard University Press, , 773 p. (ISBN 9780674627338, lire en ligne), p. 124-125
  2. (en) « Lucy Burns | American suffragist », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  3. a et b (en-US) « Lucy Burns - Vassar College Encyclopedia - Vassar College », sur vcencyclopedia.vassar.edu (consulté le )
  4. (en-US) « Burns, Lucy », sur Social Welfare History Project, (consulté le )
  5. a b c d e f et g (en-US) Anne Commire et Deborah Klezmer (dir.), Women in World History : A Biographical Encyclopedia, vol. 3. Brem-Cold, Waterford, Connecticut, Yorkin Publications / Gale Cengage, , 903 p. (ISBN 9780787640620, lire en ligne), p. 232
  6. a b c d et e (en-US) Lynne E. Ford (dir.), Encyclopedia of Women and American Politics, New York, Facts On File, , 639 p. (ISBN 9780816054916, lire en ligne), p. 81-82
  7. (en-US) « Lucy Burns | The Packer Collegiate Institute: A Story of Education in Brooklyn », sur The Packer Collegiate Institute (consulté le )
  8. a b et c (en-US) « Lucy Burns (1879 – 1966) | Turning Point Suffragist Memorial » (consulté le )
  9. a et b (en-US) « This Militant Women's Suffrage Activist Was Arrested Multiple Times », sur ThoughtCo (consulté le )
  10. (en) « Women's Social and Political Union | British organization », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  11. a et b (en-US) « Visionaries | Selected Leaders of the National Woman's Party | Articles and Essays | Women of Protest: Photographs from the Records of the National Woman's Party | Digital Collections | Library of Congress », sur Library of Congress, Washington, D.C. 20540 USA (consulté le )
  12. (en) « TWO AMERICANS IN GUILDHALL EXPLOIT; It Was Lucy Burns, Friend of Miss Paul of Philadelphia, Who Accosted Churchill at Banquet. LATTER EXPECTS TO BE FED Had Her Own Apparatus When Arrested -- Originated Hunger Strike -- Both Women Have Been in Jail. », sur timesmachine.nytimes.com (consulté le )
  13. a et b (en-US) « Burns, Lucy (1879–1966) | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com (consulté le )
  14. a et b (en-US) « Forgotten Women: Alice Paul and Lucy Burns », sur Her Campus (consulté le )
  15. (en-US) « Historical Overview of the National Woman’s Party », sur Bibliothèque du Congrès
  16. (en-US) « Lucy Burns (U.S. National Park Service) », sur www.nps.gov (consulté le )
  17. (en-US) « CROWDS AGAIN REND SUFFRAGE BANNERS; Mrs. Dee Richardson Leads Attack on Pickets at WhiteHouse Gates.POLICEWOMAN SEIZES HERAnother Inscription Aimed at Wilson and Root Destroyed to Prevent More Disorder. », sur timesmachine.nytimes.com (consulté le )
  18. (en) « Visit a former prison of suffragists now turned into an arts center in Virginia », Los Angeles Times,‎ (ISSN 0458-3035, lire en ligne, consulté le )
  19. (en) March 21 et 2018 | Wilson Korges | Comments, « The Lasting Legacy of Suffragists at the Lorton Women’s Workhouse », sur Smithsonian Center for Folklife and Cultural Heritage (consulté le )
  20. (en-US) Sarah Pruitt, « The Night of Terror: When Suffragists Were Imprisoned and Tortured in 1917 », sur HISTORY (consulté le )
  21. (en-US) Terence McArdle, « ‘Night of terror’: The suffragists who were beaten and tortured for seeking the vote », The Washington Post,‎ (lire en ligne)
  22. (en-US) « Lucy Burns - Imprisoned at the Occoquan Workhouse », sur AwesomeStories.com (consulté le )
  23. (en) « This Week in 19th Amendment History: The Night of Terror », sur library.arlingtonva.us (consulté le )
  24. (en-US) « 1917 Suite | Silent Sentinels and the Night of Terror | Blackbird v17n1 | #gallery », sur blackbird.vcu.edu (consulté le )
  25. (en) English Language and Literature B. A., « How Did the 19th Amendment Came to Pass in the United States? », sur ThoughtCo (consulté le )
  26. (en) « Nineteenth Amendment | History & Facts », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  27. (en-US) « Lucy Burns », sur Find a Grave
  28. (en-US) « Lucy Burns Institute », sur Ballotpedia (consulté le )
  29. (en-US) « Lucy Burns Institute | American Philanthropic » (consulté le )
  30. (en-US) « Workhouse Arts Center: Lucy Burns Museum Grand Opening », sur ARTSFAIRFAX (consulté le )
  31. (en-US) « Museum honoring suffragists who fought for women's voting rights opening this weekend », sur WJLA, (consulté le )
  32. (en-US) Catharine Hamm, « Visit a former prison of suffragists now turned into an arts center in Virginia », Los Angeles Times,‎ (ISSN 0458-3035, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en-US) Barbara Sicherman, Harriette Walker et Carol Hurd Green (dir.), Notable American Women : A Biographical Dictionary, vol. 4 : The Modern Period, Cambridge, Massachusetts, Belknap Press of Harvard University Press, , 773 p. (ISBN 9780674627338, lire en ligne), p. 124-125.  ,
  • (en-US) Inez Haynes Gilmore, The Story of Alice Paul and the National Women's Party [« The Story of the Woman's Party, 1921 »], Fairfax, Virginie, Denlingers Publishing Ltd, , 516 p. (ISBN 9780877140580, lire en ligne),
  • (en-US) Linda G. Ford, Iron-Jawed Angels : The Suffrage Militancy of the National Woman's Party 1912-1920, Lanham, Maryland, University Press of America, , 314 p. (ISBN 9780819182067),
  • (en-US) Anne Commire et Deborah Klezmer (dir.), Women in World History : A Biographical Encyclopedia, vol. 3. Brem-Cold, Waterford, Connecticut, Yorkin Publications / Gale Cengage, , 903 p. (ISBN 9780787640620, lire en ligne), p. 232.  ,
  • (en-US) Immanuel Ness et James D. Ciment (dir.), Encyclopedia of Third Parties in America, vol. 3 : Biographies, Armonk, état de New York, Sharpe Reference, , 821 p. (ISBN 9780765680204, lire en ligne), p. 630-631,
  • (en-US) Lynne E. Ford (dir.), Encyclopedia of Women and American Politics, New York, Facts on File, , 639 p. (ISBN 9780816054916, lire en ligne), p. 81-82.  ,
  • (en-US) Susan Campbell Bartoletti (ill. Ziyue Chen), How Women Won the Vote : Alice Paul, Lucy Burns, and Their Big Idea, New York, HarperCollins, , 80 p. (ISBN 9780062841315),

Liens externes modifier