Littérature comparée

étude de littératures de différentes aires linguistiques

La littérature comparée, ou littérature générale et comparée, est une approche multi-disciplinaire qui consiste en l'étude conjointe ou contrastive des littératures de différentes aires culturelles et linguistiques, mais aussi de différents médias, différents types d'arts et aussi différentes approches des textes et des œuvres par les sciences humaines : philosophie, sociologie, anthropologie, psychologie, psychanalyse.

Le comparatiste peut s'intéresser aux littératures nationales, tout comme à la musique, à la peinture, au cinéma, aux productions numériques.

La pratique de cette discipline peut mobiliser la maîtrise de plusieurs langues et plusieurs langages artistiques ainsi que des connaissances dans d'autres domaines et disciplines de recherche. Par sa nature pluraliste, la littérature comparée encourage les échanges entre les disciplines et les lieux de recherche.

Historique modifier

À la fin du XVIIIe siècle se multiplient les ouvrages de comparaison (en sciences et en morale), la démarche qui préfigure l'approche des méthodes comparatives dont relève la littérature comparée naît dans ce contexte où se rencontrent l'érudition, le goût pour les voyages (exotisme), la rencontre entre les cultures mais aussi l'étude comparative et diachronique des mythologies. La dimension "générale" de la "littérature générale et comparée" concerne la théorie générale de la littérature, ses questions fondamentales ou ses approches par genre. La littérature générale et comparée se situe ainsi au croisement des savoirs qui mobilisent l'intérêt de la littérature et justifient sa place dans le champ culturel et celui des idées : sciences humaines, disciplines artistiques, esthétique, philosophie, droit, sciences des médias, cinéma, jeu vidéo.

Selon Daniel-Henri Pageaux dans son ouvrage La Littérature générale et comparée publié en 1994, la littérature comparée serait née en France, en 1830 dans un discours de Jean-Jacques Ampère[1] qui évoquait dans un cours intitulé "Histoire comparative des Littératures", une "histoire comparative des arts et des lettres chez tous les peuples". Le contexte de cette discipline est multiple :

  • le libéralisme qui considérait les arts et les textes littéraires comme une expression des peuples, de leur esprit, de leurs combats aussi et qui aime aussi faire des rapprochements entre les peuples pour en dégager des constantes dans les formes des développements humains.
  • du romantisme, tourné davantage vers l'expression personnelle et vers des formes littéraires et artistiques antérieurs à, ou en marge du classicisme gréco-romain
  • du scientisme qui compare tout, le droit, les sociétés, la philosophie, l'anatomie, les religions[2][source secondaire nécessaire]...

Enseignement universitaire modifier

La littérature comparée est enseignée dans tous les départements de littérature des universités françaises et dans de nombreuses universités américaines (par exemple l'Université d'Indiana, ou l'université Cornell). Dans le monde francophone, cette discipline est également enseignée, entre autres, à l'Université de Montréal et à l'université de Genève. La littérature comparée dite de l'ancienne « école française » s'est autrefois concentrée sur les relations biographiques d'auteurs appartenant à différents pays ou écrivant en différentes langues. Aujourd'hui, sous l'influence, notamment, des recherches américaines, elle s'est ouverte aux études thématiques, idéologiques, culturelles. Son champ disciplinaire couvre la théorie de la littérature (poétique, littérature générale), les relations de la littérature avec les autres arts et médias (cinéma, jeu vidéo), à la traductologie, le dialogue des cultures, l'histoire des représentations.

En France modifier

La première chaire universitaire de « littérature étrangère » est créée à la Sorbonne en 1830 pour Claude Fauriel (1772-1844), auquel succède en 1839 Frédéric Ozanam (1813-1853). Ozanam explique la nécessité d'intégrer l'étude des littératures étrangères par la nécessité de comprendre les civilisations qui entourent la France, et éventuellement de s'armer contre elles en renforçant ce qu'il nomme « le génie français[3] ». La première chaire française de « littérature comparée » proprement dite est créée en 1896 à la Faculté des Lettres de Lyon pour Joseph Texte (1865-1900), qui soutient l'idée, en miroir de celle d'Ozanam, que la littérature comparée est née en Allemagne, incarnée par les tenants du romantisme allemand, en réaction à l'hégémonie française[4]. Développer l'enseignement universitaire de la littérature comparée, c'est selon lui œuvrer en faveur d'une littérature transnationale, donc européenne[4].

En 1921, Fernand Baldensperger (1871-1958) et Paul Hazard (1878-1944) fondent la Revue de littérature comparée à laquelle s’adjoignit une collection, la « Bibliothèque de la Revue de littérature comparée »[5]. La publication de la revue a été suspendue durant l'occupation allemande, et n'a pu reprendre qu'en 1946. Repris et longtemps dirigée par Jean-Marie Carré, professeur à la Sorbonne, et Marcel Bataillon, professeur au Collège de France, elle s'est acquis une réputation mondiale et est devenue la principale revue universitaire française où s'illustre cette discipline. Par la suite, en 1925, un intitulé de chaire comparable est créé à la Sorbonne[6].

L'ouvrage de Paul Hazard La Crise de la conscience européenne, paru en 1935, est une œuvre qui illustre particulièrement bien les ambitions de la discipline naissante[7]. Dans son ouvrage, il invite le monde intellectuel français à l’examen des concepts et la nécessité du doute, des réflexions sur des questions religieuses, les comportements moraux et des idées politiques et artistiques, en comparaison avec des pays voisins tel que l’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et la Russie[5].

L'enseignement de la littérature comparée à la Sorbonne sera ensuite marqué par des personnalités comme Charles Dédéyan (1910-2003) et René Etiemble (1909-2002). Personnalités assez opposées, les deux comparatistes lors de la scission de la Sorbonne en plusieurs universités après 1968 choisissent respectivement Paris IV et Paris III (la « Sorbonne nouvelle ») pour poursuivre leur carrière. En 1981, Pierre Brunel fonde à Paris IV le Centre de Recherche en Littérature comparée CRLC, premier organe de recherche autonome consacré à la discipline. D'autres centres importants se développeront ensuite dans la plupart des universités françaises dispensant un enseignement littéraire, notamment à Paris III (Centre d'études et de recherches comparatistes, CERC, fondé par Jean Bessière), Paris VII (Centre de recherches comparatistes sur les littératures anciennes et modernes, CLAM), Paris X (Centre de recherches « littératures et poétiques comparées », CRLPC, Clermont-Ferrand (Centre de Recherches sur les Littératures Modernes et Contemporaines, CRLMC, devenu CELIS après le départ à la retraite de son fondateur, Alain Montandon). La spécificité de la discipline universitaire est reconnue par le Conseil National des Universités (CNU), dont elle constitue la 10e section, « Littératures comparées ». En revanche, la recherche en littérature comparée n'a jusqu'ici jamais été représentée comme telle au sein du CNRS.

Nombre de comparatistes des universités françaises sont regroupés dans la SFLGC (Société Française de Littérature Générale et Comparée), rattachée à l'AILC (Association Internationale de Littérature Comparée), dont le congrès, en , a eu lieu à Paris[8].

Études modifier

  • Terry Cochran, Plaidoyer pour une littérature comparée, Montréal, Éditions Nota Bene, coll.« Nouveaux Essais Spirale », 2008.
  • Robert Escarpit, « De la littérature comparée aux problèmes de la littérature de masse », Études françaises, vol. 2, n° 3, 1966, p. 349-358 (lire en ligne).

Notes et références modifier

  1. Sainte-Beuve, « Jean-Jacques Ampère (Sainte-Beuve) », 2e période,‎ , p. 5–50 (lire en ligne, consulté le )
  2. « Petite histoire de la littérature comparée - CTT (Comparatisme, Culture, Transmission) », sur comparatismett.univ-lille.fr (consulté le )
  3. Robert Jacquin, « Frédéric Ozanam, professeur en Sorbonne. Quelques témoignages », Revue d'histoire de l'Église de France, vol. 59, no 162,‎ , p. 55–63 (DOI 10.3406/rhef.1973.1488, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b Véronique Gély, « Cosmopolitisme, littérature européenne, littérature comparée : Joseph Texte: », Revue de littérature comparée, vol. n° 379, no 3,‎ , p. 266–275 (ISSN 0035-1466, DOI 10.3917/rlc.379.0010, lire en ligne, consulté le )
  5. a et b « La littérature comparée : Qu'est-ce-que la Littérature générale et comparée ? (1/11) », sur canalacademie.com (consulté le )
  6. « La littérature comparée », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Pierre Brunel, « La littérature comparée : Qu’est-ce-que la Littérature générale et comparée ? », canal académie, 11 septembre 2011.
  8. (en) « ISPConfig », sur paris-sorbonne.fr (consulté le ).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier