Letizia Battaglia

photographe italienne
Letizia Battaglia
Letizia Battaglia et Franco Zecchin, à Palerme en 1987.
Fonctions
Député régional
-
Assessore
Palerme
-
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 87 ans)
PalermeVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Maria Letizia BattagliaVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Période d'activité
Autres informations
A travaillé pour
L'Ora (-)
Le Ore (en) (-)
ABC (en) (-)Voir et modifier les données sur Wikidata
Partis politiques
Distinctions

Letizia Battaglia est une photographe et photojournaliste italienne née le à Palerme et morte le à Palerme. Elle est connue pour son travail sur la Cosa nostra au cours des années de plomb qui a été récompensé par plusieurs prix.

Directrice du service photo du quotidien de Palerme L’Ora de 1974 à 1990, Letizia Battaglia capture de nombreuses scènes de crime, documente la corruption avec des rencontres entre membres de la mafia et hommes politiques ou encore des meurtres et arrestations qui font entrer ses clichés dans l’histoire sicilienne. Ses photographies, en noir et blanc, s’ancrent aussi dans le quotidien des habitants de l’île, des plus pauvres à ceux issus de l'aristocratie, marqué par la violence, avec une place spéciale accordée aux jeunes filles et aux femmes.

À la fin des années 1980, son combat contre la mafia se traduit par un engagement politique notamment aux côtés de Leoluca Orlando à la mairie de Palerme et à La Rete. Après l'assassinat des deux juges anti-mafia Falcone et Borsellino en 1992, elle met fin à son travail photographique sur la Cosa nostra au profit d'activités dans d’autres domaines artistiques (littérature, théâtre) tout en réexplorant le passé à travers un projet mêlant archives personnelles et adjonction de nouveaux éléments avec pour thème le corps féminin.

Biographie modifier

Enfance et mariage modifier

Issue d’un milieu bourgeois[1]; avec un père travaillant dans le domaine maritime, Letizia Battaglia passe une partie de son enfance à Trieste, Civitavecchia et Naples pendant la guerre puis revient à Palerme[2],[3]. Libre durant ses trois années à Trieste[4], elle est enfermée chez elle par son père après avoir vu un homme se masturber devant elle dans une rue de sa ville natale à l’âge de dix ans[5].

Élève dans une école catholique mais devenue athée[5], elle souhaite devenir écrivain mais elle n’est pas autorisée à poursuivre ses études[6]. Elle se marie à l’âge de seize ans pour échapper à l’emprise de ce père jaloux[7],[8],[9], autoritaire[10] et violent[11], mais entre ainsi dans une relation tout aussi abusive[12]. Son mari, héritier d’une dynastie de torréfacteurs italiens[13], la contrôle de la même manière refusant, par exemple, qu’elle sorte seule arguant de sa sécurité[14],[n 1]. Avec la naissance de ses trois filles[n 2], elle est cantonnée à un rôle traditionnel de femme au foyer de la classe moyenne car son époux ne la soutient pas dans ses ambitions littéraires[6] et va même jusqu’à la qualifier de « folle » lorsqu’elle émet le souhait de commencer une formation[16]. Elle traverse une dépression de laquelle elle sort après une psychanalyse de deux ans avec Francesco Corrao (it)[14].

Débuts dans le journalisme et la photographie à Milan modifier

 
Un Pentax K1000 (en), appareil photo utilisé par Letizia Battaglia[6].

Après sa guérison, elle débute comme pigiste pour L’Ora à Palerme en 1969[17] puis, en , âgée d’environ trente-cinq ans, elle divorce[6] et quitte la Sicile, avec ses enfants, pour vivre à Milan[1],[13].

Refusant toute pension de la part de son ex-conjoint et devant subvenir aux besoins de sa famille[18], elle commence en tant que journaliste[19]. Collaborant aux revues Le Ore (it) et ABC (it). elle doit illustrer elle-même ses articles[20], découvrant ainsi la photographie en autodidacte, plus par nécessité que par attrait particulier pour ce médium[10],[21]. Elle capture notamment les mouvements étudiants, photographie Pier Paolo Pasolini[22],[23] qui deviendra l’un de ses amis[24], Gae Aulenti, la Palazzina Liberty de Dario Fo et Franca Rame[20].

Retour à Palerme et carrière à L’Ora modifier

Après un séjour à Paris, elle retourne, en 1974, au quotidien de gauche L’Ora[25],[26] dont elle est directrice de la photographie jusqu'en 1990[1],[27]. Palerme est alors le théâtre d'une violente guerre de mafia entre familles rivales et contre les représentants de l’État et des journalistes, et Letizia Battaglia décide de montrer les crimes mafieux par ses photographies[11].

Seule femme dans un milieu d’hommes et évoluant, plus largement, dans une ville où le patriarcat règne alors[28], Letizia Battaglia rapporte avoir subi du harcèlement de la part de ses « collègues »[n 3] à plusieurs reprises[29]. Les relations avec les forces de police sont aussi compliquées, par exemple pour accéder aux scènes de crime car elle n’est pas jugée « crédible »[20] au contraire des hommes qui y accèdent sans problème[30]. Acquérant progressivement une renommée importante en tant que photographe travaillant sur la mafia sicilienne[31],[32], elle « détruit des tabous » selon l’un de ses proches[33].

Elle rencontre Franco Zecchin en à Venise lors d’un stage de théâtre[34] dirigé par Jerzy Grotowski[35]. En couple, ils travaillent ensemble pendant près de deux décennies marquant une tradition de journalisme de « service public » contrastant avec les conglomérats contemporains issus de l’empire de Silvio Berlusconi[36]. Elle crée avec lui en une galerie, Il Laboratorio d’IF, où passent de nombreux photographes italiens ou étrangers[37],[38] comme Josef Koudelka qui enseigne au couple certaines méthodes ce qui leur permet d’améliorer la composition tout en conservant la « dénonciation sociale » dans leurs photographies[35].

En , elle participe avec Franco Zecchin à la création du Centro Siciliano di Documentazione Giuseppe Impastato qui demande la réouverture de l’enquête — bouclée en six heures — ayant conclu au suicide de l'animateur radio tué par la mafia un an plus tôt. Vingt-cinq ans plus tard, le commanditaire de l’assassinat est finalement condamné grâce à cette première forme d’association anti-mafia[34]. Celle-ci constitue, par ailleurs, la plus importante bibliothèque du monde sur la mafia[35]. Toujours en , elle photographie Giulio Andreotti[n 4] en compagnie du mafieux Nino Salvo[4]. Ayant elle-même oublié l’existence de ces clichés, ceux-ci ressortent en lorsque la police fouille ses archives. Ils constituent la seule preuve matérielle du lien unissant les deux hommes[4],[30] et deviennent un symbole de la lutte contre la mafia[39]. Durant la même décennie, elle photographie à plusieurs reprises Vito Ciancimino[n 5] lors de rassemblements du parti Démocratie chrétienne — présent en tant qu'invité d'honneur — alors même que ses relations avec la pègre sont censées, à l’époque, l’avoir rendu persona non grata dans les cercles de pouvoir[40].

 
Arrestation de Vito Ciancimino en – cliché de Letizia Battaglia.

À partir de cette date, Letizia Battaglia réalise des tirages en grand format de victimes de la mafia qu’elle accroche sur la place principale de Corleone, commune connue en tant que repère du clan. Ses expositions sauvages et plus globalement l’ensemble de ses publications lui valent des menaces de mort[33],[31],[30],[13]. La photographe devient plus engagée encore à travers son art à la fin des années qui voit l’arrivée du trafic d’héroïne dans la mafia entraînant, d’une part, une forte augmentation du nombre d’individus dépendant dans la population[28] et, d’autre part, une guerre de clans entre Palerme et Corleone qui coûtera la vie à un millier de personnes[41]. Elle immortalise des photos de rues, manifestations, scènes de crime, etc.[42] :

« Il n’était pas question de faire de belles photos ou de se sentir courageuse, mais simplement de résister, de se tenir face à eux pour dire non. »

Ainsi, le 6 janvier 1980, Letizia Battaglia photographie le futur président de la République, Sergio Mattarella tirant de voiture le cadavre de son frère, le président de la région Sicile, Piersanti Mattarella, mort sous les balles de la mafia[4],[43]. La même année, elle assiste à l'arrestation de Leoluca Bagarella, l’un des tueurs les plus violents de la Cosa nostra, qui essaye de se libérer pour l’attaquer[44],[45]. Sa photographie, très connue depuis lors, montre la « rage » et « férocité » de l’individu[46].

Mandats électoraux modifier

En , elle devient la première femme européenne à se voir remettre le prix Prix W. Eugene Smith[32]. Cette distinction constitue un tournant pour Letizia Battaglia qui considère qu’elle doit « faire plus »[47].

Alors que les exécutions par la Cosa nostra ensanglantent l’île, elle décide de s’engager en politique. Elle est élue au conseil municipal de Palerme[48],[49] avec la Fédération des Verts et Leoluca Orlando en fait son adjointe à la « vivabilité urbaine » de 1987 à 1990[17]. Dans ces fonctions, elle lutte derechef contre la mafia et la corruption[50]. En particulier, elle participe au sauvetage du quartier historique de la ville menacé par les velléités des clans recherchant des contrats de construction lucratifs[27],[7], crée le premier financement municipal en matière culturelle[51], s’implique sur la collecte des ordures dont le système est gangrené par la corruption[48], développe les espaces verts[52] dont la palmeraie du Foro Italico et dégage le front de mer de Mondello des étals[17].

Elle refuse de représenter les Verts aux élections européennes de 1989[53] et est élue députée de l’Assemblée régionale sicilienne[54],[33] aux régionales de 1991 sous l’étiquette du parti La Rete fondé par Orlando[55].

Son militantisme vit également par son travail auprès de prisonniers politiques puis en faveur des Roms[11].

Arrêt du photojournalisme sur les scènes de crime et diversification des activités modifier

 
Les juges Giovanni Falcone, Paolo Borsellino et Antonino Caponnetto en , figures du pool anti-mafia (en).

En , ses amis les juges anti-mafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino sont assassinés[8]. Le , date du meurtre du premier, sous le choc de la nouvelle, elle décide d’arrêter de photographier les scènes de crime. Elle exprime vingt ans plus tard des regrets à ce sujet : « Ces photos, que je n'ai jamais prises, m'ont fait plus de mal que celles que j'ai faites »[56]. Elle réalise cependant en une photographie de Rosaria Cosca, veuve de Vito Schifani, garde du corps de Falcone[57],[20],[58]. En plus de symboliser le deuil d’une épouse et la tristesse d’une nation, le visage de Rosaria Costa — dont une partie sort de l'ombre — représente la population dont la révolte contre la mafia émerge alors publiquement, réclamant une société sicilienne « honnête »[54],[59],[60].

En , elle quitte le conseil municipal de Palerme et s’engage dans un programme d’aide aux prisonniers[61],[62]. Elle va à la rencontre des individus situés au bas de l’échelle hiérarchique dans la Cosa Nostra et refuse de les photographier : « [c]e sont des petits, des victimes de la pauvreté »[1]. Elle crée également sa maison d’édition (Edizioni della Battaglia) en 1992[63],[39] et une librairie dans le centre de Palerme qu’elle est contrainte de fermer rapidement après que la mafia ait tenté de lui extorquer le pizzo[13].

À partir de l’élection de Silvio Berlusconi et en raison d’un recul général dans la lutte contre la criminalité organisée, elle indique que ses photographies ne sont plus publiées dans les journaux italiens et qu’elle ne reçoit plus aucune commande[51],[19].

Nouveaux projets : exploration des archives et documentaires modifier

Au début des années , elle poursuit un projet intitulé Rielaborazioni[29] pour lequel elle ajoute à certaines de ses archives des photos de corps féminins, généralement au premier plan et agrandies. Le but est ainsi de rappeler les événements traumatiques du passé qui ne doivent pas être oubliés tout en incluant, selon Letizia Battaglia, une forme d’espoir incarnée dans l’adjonction de ces nouveaux visuels, les femmes représentant « la possibilité de régénération et de transformation »[64].

En 2003, et pour 2 ans, elle s'installe à Paris avant de retrouver Palerme[65].

En , elle figure au casting de l’adaptation du livre Excellent Cadavers (en) portant sur les relations croisées entre mafia et politique en Sicile avec pour fil conducteur le combat de Falcone et Borsellino[66],[67].

En , elle inaugure un centre international de la photographie à Palerme, espace se voulant à la fois un musée et un lieu destiné à la découverte de nouveaux talents[38],[52]. La même année, à l’occasion des commémorations du vingt-cinquième anniversaire de l’assassinat de Falcone et Borsellino, elle participe à La mafia non è più quella di una volta de Franco Maresco, documentaire dans lequel le réalisateur et la photographe s’interrogent sur le poids actuel de la Cosa nostra sur l’île alors que le mouvement citoyen le combattant est devenu « boiteux »[68],[69].

Letizia Battaglia meurt à Palerme le à 87 ans[4].

Analyse de son œuvre modifier

Si Letizia Battaglia dit ne pas avoir eu de source d’inspiration particulière, elle a cependant admiré deux de ses contemporaines : Diane Arbus et Mary Ellen Mark[70],[33]. Sont aussi cités Sebastião Salgado et Eugene Richards[71].

Histoire de Sicile à travers la mafia et les réalités socio-économiques modifier

Au cours de sa carrière, elle réalise 600 000 clichés en noir et blanc[72],[42],[30] qui ont trait à la criminalité organisée[44],[9] — ce qui amène des comparaisons régulières avec Weegee[26],[24],[12] — et à la vie quotidienne sicilienne[1],[21], passant de la pauvreté des bidonvilles aux salons de la noblesse[8]. Concernant le choix exclusif du monochrome, elle déclare qu’outre le style, il s’agit d’une question de respect pour les victimes[62],[7]. Selon ses propres mots, ses archives sont remplies « de sang, […] de douleur, de désespoir [et] de terreur »[73].

 
Façade du Palais Valguarnera-Gangi.

Alexander Stille (en) relève trois aspects illustrant, selon lui, l’enracinement du travail de la photographe dans l’histoire sicilienne. Premièrement, ses nombreuses captations de processions religieuses dont il ressort une sorte de fervent espoir « semblent représenter la rédemption d'un monde de souffrances presque ininterrompues », les habitants ayant vécu des périodes successives de domination étrangère avant celle de la mafia. Deuxièmement, certains de ses travaux renseignent sur la vie de millions de siciliens marquée par l’illégalité pendant de nombreuses années (contrebande, habitations en dehors des zones constructibles, exploitations commerciales sans licence, fraude fiscale) et sur les conséquences découlant de cet état de fait, les citoyens étant devenus des complices « naturels » de la mafia car craignant les autorités judiciaires. Troisièmement, ses photographies sur l’aristocratie locale, à l’instar d’un de ses clichés notoires pris au Palais Valguarnera-Gangi[n 6], témoignent des liens qui ont toujours existé entre ce monde et celui de la pègre[74]. El País tient globalement la même analyse : le travail de Letizia Battaglia va au-delà de la chronique des crimes mafieux lors des années de plomb : ses photographies dressent le portrait d’une île marquée par la misère économique et culturelle où les habitants sont tués dans l’indifférence générale, problématiques que l’État central italien ignore sciemment des années durant en prétextant de la distance géographique[75]. Luana Ciavola considère, quant à elle, que le travail de la photographe révèle l’ensemble des forces du corps social italien en présence, forces qui s’entremêlent « comme de véritables nœuds où le pouvoir est montré et en même temps défié, interrogé et moqué »[76].

In fine, ces photographies participent à une prise de conscience de la gravité des faits dans l’opinion publique selon le New York Times[27] et le Harper’s Bazaar[30]. Mais la répercussion de ce travail de documentation s’étend bien au-delà de la ville natale de Letizia Battaglia et même de la Sicile comme l’attestent les récompenses qu’elle reçoit à l’image du Prix Cornell Capa décerné outre Atlantique en [77]. Le Corriere della Sera évoque, de son côté, une œuvre « fortement ancrée dans l'imaginaire collectif » et marquée par une dimension éthique[78]. D’un point de vue davantage analytique, Norma Bouchard explique que son travail présente un double aspect : d’une part, il met en avant l’horreur d’un point de vue factuel et objectif ; d’autre part, il reflète la subjectivité d’une photographe traumatisée par les actes dont ses photos constituent une preuve[79]. En ce sens, Letizia Battaglia caractérise son rôle de « combattante » au cours des années de plomb : « Je n'allais pas photographier la guerre ; je vivais de l'intérieur de la guerre »[80].

Le Financial Times voit une filiation entre Le Caravage et Letizia Battaglia notamment à travers les jeux d’ombre et de lumière, le sujet de la souffrance et l’impression, à travers leurs œuvres respectives, que la mort peut adopter la rédemption[26]. Die Zeit la compare à Henri Cartier-Bresson sur le plan de la notoriété[16].

Place des jeunes filles et des femmes modifier

Si une partie de son œuvre, moins connue, concerne les jeunes filles siciliennes[33], elle considère que le féminin reste son sujet de prédilection[81]. Les photographies d’enfants qu’elle réalise pendant sa carrière témoignent d’une représentation de ces derniers en tant que sujets à part entière. Néanmoins, dans le même temps, elles démontrent une vision différenciée de ce que lesdits sujets transmettent par leur présence et leurs expressions : les filles apparaissent comme des « petites créatures solitaires » dont le regard révèle le sentiment d’une enfance enlevée par la pègre. Il ressort de ces clichés un sentiment d’affection et de tendresse. A contrario, les garçons ressemblent à des « petits hommes » qui font usage d’armes et dont les yeux fixent l’objectif avec un regard provocateur[82].

 
Talia Shire, interprète de Connie Corleone au cinéma, fille du patriarche Vitto.

Le documentaire que Kim Longinotto lui consacre met en lumière la façon dont Letizia Battaglia a déconstruit les « récits masculins du pouvoir » organisés autour de l’image de l’homme courageux qui protège sa famille en se lançant dans des activités criminelles. En capturant les répercussions concrètes des actions de la Cosa nostra sur la société sicilienne, la photojournaliste fait montre d’une vision de la mafia à l’opposée de celle véhiculée par le cinéma à travers, par exemple, Le Parrain, où en plus du mythe de l’homme d’honneur, les rôles féminins demeurent exclusivement ceux de l’épouse ou de la fille de mafieux, jamais ceux de femmes qui s’opposent[12].

Le travail de la photographe accorde une place importante à l’imaginaire féminin, à la volonté que les femmes ont de changer le cours des choses à l’image de leur rôle dans l’histoire de la lutte contre la mafia lorsqu’elles sont tour à tour militantes dans des syndicats de travailleurs, témoins devant les tribunaux, citoyennes réclamant des droits. Dans le projet Rielaborazioni, Letizia Battaglia utilise le corps des femmes, nu : ce choix symbolise des êtres humains s’affichant sans artifice pour « exorciser » un passé fait « de violence, de meurtre, de complicité, d'omertà, d'injustice, de peur ». Il rappelle aussi l’espoir et la liberté qu’elle voit à travers les femmes[83]. En , elle explique[84] :

« La liberté est quelque chose d'extraordinaire et d'incommensurable. Personne ne peut vous forcer à vivre d'une manière que vous ne voulez pas. Personne. Je me suis toujours vue comme une créature libre ; j'ai toujours senti que j'avais droit à la liberté et j'ai vécu toute ma vie avec cette idée. »

Féminisme modifier

Dans les années 1980, Letizia Battaglia anime un atelier de théâtre à l'hôpital psychiatrique de via Pindemonte où elle est bénévole[27],[19],[85]. En 1991, elle participe avec l'ancienne député communiste Simona Mafai, Rosanna Pirajno, Carla Aleo Nero et la journaliste Silvia Ferraris, la revue Mezzocielo qu'elle dirige de 2000 à 2003[85], pensée afin de combler le manque d’espace dédié à l’expression des femmes évoluant dans le domaine des arts, de la politique, du journalisme et de l’écologie[86],[49]. Décrite comme défendant la cause féministe[25],[87], elle précise[81] :

« Je n'étais pas féministe même si je me comportais comme telle. J'ai toujours été du côté des femmes. Dans mes photos, je pense que cette complicité avec celles dans le besoin apparaît. »

Prix et récompenses modifier

Sélection d’expositions modifier

Sélection de publications modifier

Documentaires modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Letizia Battaglia décrit ses parents et son époux comme étant imprégnés d’une « culture de la peur ».
  2. L’une d’entre elles, Shobha, exerce la même profession que sa mère[15].
  3. Les guillemets sont utilisés dans la source.
  4. Président du Conseil des ministres à plusieurs reprises entre et .
  5. Il deviendra en le premier homme politique italien condamné pour ses liens avec la mafia.
  6. Le propriétaire des lieux, le prince Vanni Calvello di San Vincenzo, sera arrêté pour ses relations avec la mafia locale.

Références modifier

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Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

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Liens externes modifier