Le Samouraï

film de Jean-Pierre Melville, sorti en 1967
Le Samouraï
Description de l'image Le Samourai Logo.png.
Réalisation Jean-Pierre Melville
Scénario Jean-Pierre Melville
Georges Pellegrin
Acteurs principaux
Sociétés de production CICC, Fida Cinematografica
Pays de production Drapeau de la France France
Drapeau de l'Italie Italie
Genre film noir
Durée 105 minutes
Sortie 1967

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Le Samouraï est un film noir franco-italien réalisé par Jean-Pierre Melville, sorti en 1967. Il raconte les parcours croisés d'un tueur à gages professionnel (Delon) qui cherche à savoir qui l'a embauché pour un travail puis a tenté de le faire tuer, et du commissaire parisien (Périer) qui tente de l'attraper.

Le film sort le et fait plus de 1,9 million d'entrées en France[1]. Il reçoit des critiques positives, en particulier pour l'écriture et la réalisation sobre de Melville, ainsi qu'à la prestation de Delon.

Synopsis modifier

Présentation générale modifier

Jef Costello est un tueur à gages qui se fabrique des alibis infaillibles, notamment par le biais de sa maîtresse, Jane Lagrange. Lorsqu'il doit tuer le patron d'une boîte de jazz, il croise le chemin de la pianiste Valérie, qui le disculpera ensuite devant les enquêteurs. La police, toutefois persuadée de sa culpabilité, s'acharne à le démasquer.

Synopsis détaillé modifier

Jef Costello, tueur à gages solitaire et taciturne, vole une DS, puis passe dans un garage clandestin afin de faire changer les plaques d’immatriculation et de se faire remettre une fausse carte grise et un revolver.

Il va ensuite chez Jane Lagrange, sa maîtresse, avec laquelle il met au point l’alibi dont il va avoir besoin la nuit même : celle-ci devra dire qu’il était avec elle de 19 h 15 à h 45, Wiener, qui l’entretient, devant la rejoindre à son appartement à h. Puis Jef rejoint un tripot clandestin dans une chambre d’hôtel et prévient les joueurs qu’il reviendra vers h du matin.

Il se rend au Martey's, une boîte de jazz, enfile des gants blancs, traverse la salle, voûté et le chapeau vissé sur la tête, gagne les coursives, entre dans le bureau de Martey, le patron de la boîte, et l’abat. En sortant de son bureau, il croise Valérie, la pianiste du club, avec laquelle il échange un regard. Après s’être débarrassé de ses gants et du revolver, il revient dans l’immeuble de Jane, guette l’arrivée de Wiener et s’arrange pour le croiser comme s’il sortait de chez elle, puis il abandonne la DS.

Il bénéficie ainsi d’un alibi parfait, conforté par trois témoignages différents : Jane jure qu’il était avec elle à l’heure du crime, et Wiener, au-dessus de tout soupçon, peut le confirmer en témoignant qu’il l'a croisé, sortant de l’immeuble peu avant h du matin ; chacun des joueurs du cercle peut encore témoigner que Jef était là dès h.

La police opère une rafle large et ne tarde pas à débouler dans la chambre d'hôtel hébergeant les joueurs clandestins et embarque Jef, car il n’y est arrivé qu’à h, ce qui fait de lui un coupable possible.

Bien qu’il n’ait pas d’arme et n’ait pas de casier judiciaire, Jef devient rapidement le suspect numéro un du commissaire chargé de l'enquête, car il correspond au portrait-robot du tueur. Il est donc confronté aux employés et aux clients du club. Les témoignages, contradictoires, sont inexploitables. Le témoin clé, Valérie, la pianiste qui l'a vu de face sortir du bureau de Martey, nie catégoriquement le reconnaître et ment même sur la couleur du chapeau du tueur. Jane certifie qu’il était avec elle, alibi confirmé comme prévu par Wiener, qui se révèle être doué d'un remarquable don d'observation. Mais l’opinion du commissaire chargé de l’enquête est faite : pour lui, c’est bien Jef le tueur. Il devient rapidement hostile et se met à le tutoyer : « Je vais te faire changer de ton, moi ! » il s’acharne à le confondre. Cependant, au petit matin, après une nuit d’interrogatoires et de confrontations, faute de preuve comme de témoignages concordants, il ne peut que le relâcher. Il le fait cependant suivre, mais Jef parvient à casser la filature.

Jef se rend sur un pont au-dessus de voies ferrées, lieu de rendez-vous convenu avec un envoyé du commanditaire du meurtre. pour toucher le solde du contrat. Sachant que Jef est suspecté, l'intermédiaire a mission de le liquider, mais ne réussit qu’à le blesser à un bras. Jef rentre chez lui et panse sa plaie sous l’œil intéressé de son bouvreuil qui pépie dans sa cage. Il veut trouver, avant eux, ceux qui ont cherché à l’éliminer, tout en échappant à la surveillance policière.

Le lendemain, Jef retourne au club pour voir Valérie, la pianiste. Quand elle sort, Jef lui demande pourquoi elle a cherché à le couvrir : soit elle ne veut pas jouer le jeu de la police, soit elle ne devait pas le reconnaître. Elle reste évasive et lui demande de lui téléphoner dans deux heures.

Pendant ce temps, deux policiers installent un micro émetteur dans la planque de Jef, intrusion qui affole son oiseau.

Le commissaire et deux de ses hommes débarquent chez Jane et mettent tout sens dessus dessous pour l’impressionner, le commissaire joue l’apaisement et utilise toutes les méthodes possibles pour la faire craquer — chantage, menaces, offre de « protection » —, tentant même de susciter sa jalousie en lui révélant que son amant est au même moment avec la pianiste, en vain.

Jef rentre chez lui. Alors qu'il est prêt à téléphoner, il remarque son bouvreuil affolé et comprend qu’il a eu de la visite. Il fouille la pièce et découvre le micro. Puis, il descend dans un bistrot et tente de rappeler Valérie, qui ne répond pas.

De retour chez lui, Jef est accueilli, pistolet au poing, par l'homme qui l'avait blessé auparavant. Mais ses employeurs ont changé d'avis : l'homme lui règle le solde du contrat sur Martey et le paie, cette fois en totalité, pour une nouvelle mission. Jef parvient à endormir sa méfiance, le maîtrise et l'oblige à lui dire qui l'emploie : Olivier Rey. Il part non sans l'avoir attaché au radiateur pour qu'il ne puisse pas alerter son patron.

En sortant, Jef est longuement pris en filature par un dispositif de dizaines de policiers en civil, dans le métro de Paris et en surface. Il parvient pourtant une fois encore à les semer. Il passe une dernière fois chez Jane pour la rassurer. Puis, il se rend chez Olivier Rey, dont il constate qu'il vit dans le même hôtel particulier que Valérie, comprenant qu'elle est sa maîtresse. Il abat Olivier Rey avant que celui-ci ne puisse le tuer.

Jef retourne dans la boîte de jazz, enfile de nouveau des gants blancs et se dirige vers Valérie, qui lui murmure dans un souffle : « Ne reste pas là ». Il sort alors son revolver et la met en joue. Elle lui demande : « Pourquoi Jef ? », ce à quoi il lui répond seulement : « On m’a payé pour ça ». Mais les policiers, qui l'attendaient, l'abattent. Deux policiers disent à Valérie qui ne peut détacher son regard du corps : « Vous l’avez échappé belle. Sans nous, c’est vous qui seriez morte ». Mais le commissaire répond par la négative en montrant le barillet du revolver vide. Jef n'avait cette fois nul besoin d'alibi et nul besoin de se cacher en venant dans la boîte : tout était prêt pour sa sortie.

Fiche technique modifier

Distribution modifier

Production modifier

Le film commence avec une fausse citation, rédigée par Melville lui-même[2] prétendument tirée du livre du Bushido (Livre des samouraï) : « Il n'y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï si ce n'est celle d'un tigre dans la jungle... peut-être... ».

Le film est adapté d'un roman de Joan MacLeod, The Ronin, non crédité au générique[3]. Par ailleurs, Tueur à gage, film de Frank Tuttle (1942) avec Alan Ladd, « est une inspiration avouée de Jean-Pierre Melville pour Le Samouraï (1967), le mimétisme entre les ouvertures [des] deux films (le réveil, Ladd et son chat/Delon et son canari, leur gestuelle respective et la manière d'occuper le décor) étant frappant »[4].

Acteurs modifier

Nathalie Delon est à l'époque l'épouse d'Alain Delon[5].

Jacques Deschamps, qui joue ici le rôle du policier au micro dans la scène des confrontations, est spécialisé dans le doublage. Au cours des mêmes années, il double les voix de Robert Stack dans la série Les Incorruptibles et de Clint Eastwood dans la Trilogie du dollar, réalisée par Sergio Leone.

Tournage modifier

Le film est tourné du au .

Arrivant sur les lieux du tournage (le studio de la rue Jenner) et découvrant la chambre ascétique de Jef Costello, Alain Delon félicite le décorateur François de Lamothe : « C’est formidable ce que tu as fait, ma poule ! »[6].

C'est pendant le tournage du Samouraï que les studios Jenner, si chers à Jean-Pierre Melville, sont incendiés le . Le décorateur François de Lamothe relate qu'en arrivant au studio le matin, il aperçoit une colonne de fumée et des voitures de pompiers. « Je découvre le studio ravagé par le feu, détruit de fond en comble. Melville, encore en pyjama, totalement trempé par les lances à incendie, déambule hagard au milieu des débris fumants ». Finalement, Lamothe reconstruit un nouveau décor en un temps record : deux semaines[6].

Lieux de tournage modifier

Le tournage a lieu principalement à Paris.

Jef Costello jette dans la Seine, depuis le pont Alexandre-III, l'arme à feu avec laquelle il a abattu Martey, en exécution d'un meurtre commandité.

Pour percevoir l'argent du contrat, il prend le métro et descend à la station Porte d'Ivry. Il emprunte ensuite l'escalier intérieur de la gare du boulevard Masséna, située sur la ligne de Petite Ceinture. Puis il accède au lieu de rendez-vous, sur la passerelle métallique, détruite en 2004, qui franchit le faisceau de voies ferrées reliant Paris-Austerlitz à Juvisy et à Bordeaux.

La filature dans le métro est filmée sur les lignes 11 et 7 (actuelle 7 bis), aux stations Télégraphe, Place des Fêtes et Châtelet, ainsi que dans des rames MP 55.

Costello va voir Jane, qui réside au no 11 du boulevard de l'Amiral-Bruix, dans le 16e arrondissement de Paris.

La pianiste de la boîte de jazz habite dans un hôtel particulier situé au no 22 de l'avenue de Messine (8e arrondissement), qui possède un salon à escalier double. Demeure d'Alain Delon dans les années 1960, il abrite actuellement le Centre culturel de l'ambassade d'Ukraine.

À deux reprises, Jef Costello se rend chez un receleur taciturne pour faire changer sa plaque d'immatriculation, obtenir une fausse carte grise et un revolver. Le garage se trouve au no 118 de la rue de Saint-Antoine à Montreuil (Seine-Saint-Denis), à l'est de Paris.

Influences modifier

Fernando Di Leo a mentionné la grande influence qu'a eu Le Samouraï sur sa trilogie du Milieu et notamment sur Milan calibre 9 (Milano calibro 9), un poliziottesco sorti en 1972[7].

John Woo a régulièrement cité ce film comme source d'inspiration pour ses œuvres Le Syndicat du crime (英雄本色, Ying huang boon sik) et The Killer (喋血双雄, Die xue shuang xiong).

Chow Yun-fat a produit et joué un rôle très similaire dans Un tueur pour cible (The Remplacement Killers).

La saga de jeux vidéo Hitman rend également hommage au film de Jean-Pierre Melville. En effet, l'agent 47, le tueur à gages du jeu, a non seulement une personnalité très semblable à celle de Jef Costello, mais son seul compagnon est aussi un oiseau enfermé dans une cage.

Le cinéaste danois Nicolas Winding Refn cite Le Samouraï comme une de ses influences directes pour son film Drive. Les personnages principaux des deux œuvres ont effectivement de nombreux points communs : ils sont mutiques, froids, et solitaires.

Le film Ghost Dog : La Voie du samouraï (Ghost Dog: The Way of the Samurai) de Jim Jarmusch sorti en 1999 emprunte des références à de très nombreux films de genre (western, film noir, comédie, etc.), mais l'hommage le plus important est celui rendu par Jim Jarmusch à Jean-Pierre Melville pour son film Le Samouraï. On peut ainsi retrouver comme inspiration :

  • le titre et la référence au livre sur le Bushido, le code du samouraï, qui ouvre le film de Melville et est lu tout au long du film de Jarmusch ;
  • le rôle du tueur à gage solitaire, dont les seuls compagnons sont les oiseaux : un chardonneret / des pigeons ;
  • le rôle des oiseaux dans les deux films qui alertent de l'intrusion de l'ennemi ;
  • les scènes de vol de voiture de luxe au début des deux films avec une évolution technologique : un trousseau de clés pour une DS Citroën / un scanner électronique pour des Mercedes ou des Lexus. Puis plus tard le changement des plaques minéralogiques ;
  • le port de gants blancs par les deux tueurs ;
  • le rapport avec le milieu de la mafia qui, dans les deux films, commandite les contrats et décide d'abattre le tueur à gage ;
  • la fin du film pour lequel Ghost Dog, comme Jef Costello, va volontairement se faire abattre avec un pistolet non chargé pour mettre fin à son parcours solitaire.

En 2012, l'album MDNA de Madonna contient une chanson, Beautiful Killer, qui rend hommage à Alain Delon dans Le Samouraï. À cette occasion, la popstar déclare son admiration pour l'acteur, dont elle affirme avoir vu tous les films[8].

Notes et références modifier

  1. « LE SAMOURAI - ALAIN DELON BOX OFFICE 1967 », sur BOX OFFICE STORY (consulté le )
  2. Le cinéma selon Jean-Pierre Melville, Rui Nogueira, Petite Bibliothèque des Cahiers du Cinéma, p. 151, éditions de l'Étoile, 1996.
  3. « Le Samouraï (Jean-Pierre Melville, 1967) - La Cinémathèque française », sur www.cinematheque.fr (consulté le )
  4. Justin, « Chroniques du Cinéphile Stakhanoviste: Tueur à gages - This Gun for Hire, Frank Tuttle (1942) », sur Chroniques du Cinéphile Stakhanoviste, (consulté le )
  5. « Le Samouraï, Secrets de tournage », sur allocine.fr (consulté le ).
  6. a et b « J'ai sauvé Le Samouraï ! Par François de Lamothe. », sur parismatch.com, (consulté le ).
  7. (en) Andre Dellamorte, « Fernando Di Leo:The Italian Crime Collection DVD review », sur collider.com,  : « In the supplements for Caliber 9, Di Leo talks about the influence of Le Samourai’s Jean-Pierre Melville. »
  8. « Beautiful Killer », une chanson de Madonna en hommage à Alain Delon », sur madonnarama.com, (consulté le ) : « J’ai vu tous les films d’Alain Delon. Il est tellement charismatique. ».

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier

  • Xavier Canonne, Requiem pour un homme seul : Le Samouraï de Jean-Pierre Melville, Morlanwelz, Les Marées de la nuit, 2010 (ISBN 978-2-8052-0090-8).

Liens externes modifier