Langues ouraliennes

famille de langues

Langues ouraliennes
Pays Hongrie et pays voisins, Finlande, Estonie, Lettonie, Russie
Classification par famille
Codes de langue
IETF urj
ISO 639-5 urj
Linguasphere 41=
Glottolog ural1272
Carte
Image illustrative de l’article Langues ouraliennes
Répartition approximative des branches des langues ouraliennes : finno-permiennes (en bleu), ougriennes (en vert), samoyèdes (en jaune). Le youkaguir, peut-être rattaché à l'ouralien, est en magenta.

Les langues ouraliennes (du nom de l'Oural, leur lieu supposé d'origine) ou, plus rarement langues finno-samoyèdes[1] sont une famille d'une trentaine de langues parlées par à peu près 20 millions de personnes en Europe et en Sibérie. Les langues ouraliennes ayant le plus de locuteurs sont le hongrois, le finnois et l'estonien.

Classification interne modifier

Si la répartition interne des langues ouraliennes est sujette à débat depuis sa création, deux sous-familles, les langues finno-ougriennes et les langues samoyèdes, sont reconnues comme bien distinctes, bien que certains considèrent que les langues samoyèdes ne sont qu'une simple branche de la famille finno-ougrienne, qui ne se distinguerait pas alors de l'ouralien tout entier. L'ouralien aurait pour proto-langue le proto-ouralien, qui se serait divisé en proto-finno-ougrien (en) et proto-samoyède (en).

De façon générale, les langues ouraliennes se répartissent actuellement en sous-groupes bien caractérisés, mais les relations plus anciennes de ces sous-groupes sont peu claires, peu étudiées, et rendent difficile de les rassembler en branches plus larges[2].

Arbre généalogique modifier

Classification traditionnelle modifier

La classification traditionnelle des langues ouraliennes est la suivante[3]. Les synonymes sont en italique.

 
Répartition des langues ouraliennes actuelles en Eurasie.
 
Autre carte des langues ouraliennes.
 
Répartition géographique estimée des langues samoyèdes de nos jours.

Classifications alternatives modifier

Classification selon Glottolog modifier

Ci-dessous, la classification utilisée par Glottolog[5].

Classification selon Hölzl modifier

Ci-dessous, la classification utilisée par Hölzl (2018)[6] :

  • langues ouraliennes
    • langues samoyèdes
    • langues finno-ougriennes
      • langues mansiques
        • hongrois
        • mansi
      • langues finno-khantyques
        • langues khantyques
        • langues finno-permiennes
          • langues permiennes
          • langues finno-volgaïques
            • langues mariiques
            • langues finno-saamiques
              • langues saamiques
              • langues finno-mordves
                • langues mordves
                • langues fenniques et para-fenniques
                  • langues fenniques
                  • langues para-fenniques
    • langues para-ouraliennes (?)

Profil typologique modifier

Les principales caractéristiques structurelles communes aux langues ouraliennes sont les suivantes :

  • ce sont des langues agglutinantes ;
  • elles possèdent un grand nombre de cas (en moyenne 13–14), par exemple :
    • erzya : 12 cas,
    • estonien : 14 cas,
    • finnois : 15 cas (ou plus),
    • hongrois : 18 cas (et d'autres suffixes agissant comme des cas),
    • same d'Inari : 9 cas,
    • komi : dans certains dialectes, jusqu'à 27 cas,
    • mokcha : 13 cas,
    • nénètse : 7 cas,
    • same du Nord : 6 cas,
    • oudmourte : 16 cas,
    • vepse : 24 cas ;
  • ces systèmes de cas dérivent tous d'un prototype ouralien commun :
    • le nominatif singulier n'a pas de suffixe casuel,
    • les suffixes d'accusatif et de génitif sont des consonnes nasales (-n, -m, etc...),
    • un système tripartite de cas exprimant le lieu, avec des séries correspondent à peu près à « de », « vers », « dans / à » ; c'est particulièrement visible, par exemple, en hongrois qui en possède plusieurs pour exprimer « à l'intérieur », « à l'extérieur », « au-dessus » ;
  • la présence fréquente de l'harmonie vocalique
  • un accent d'intensité toujours fixé sur la première syllabe, à quelques rares exceptions près ;
  • pas de tons
  • pas de genre grammatical ;
  • un verbe négatif présent dans presque toutes les langues actuelles ;
  • une distinction de palatalisation chez les consonnes coronales, indépendamment de la voyelle qui suit (sauf dans les langues fenniques, qui l'ont perdue ; certaines l'ont ensuite réacquise secondairement devant voyelle antérieure) ;
  • un grand nombre de postpositions alors que les prépositions sont très rares. ;
  • un vocabulaire commun d'à peu près 200 mots, notamment des parties du corps, des membres de la famille, des animaux, des objets naturels, des verbes et pronoms fondamentaux, et des numéraux ; les dérivés augmentent le nombre de mots communs ;
  • des suffixes possessifs, mais pas de pronom possessif ;
  • le nombre duel, perdu dans certaines branches ;
  • des marques communes de pluriel : -j / -i et -t /-d ;
  • les numéraux sont suivis du singulier ;
  • pas de verbe « avoir » mais une structure employant la copule et un suffixe possessif, ou une désinence casuelle ; ex. en finnois « Minulla on kala » (mot à mot « sur-moi est poisson »).

Une sélection de mots apparentés modifier

Français Proto-Ouralien Finnois Estonien Same du Nord Erzya Mari Komi Khanty Mansi Hongrois Nénètse
feu *tuli tuli tuli dolla tol tul tyl- - - tűz tu
poisson *kala kala kala guolli kal kol - kul kul hal xalya
panier *pesä pesä pesa beassi pize pəžaš poz pel pit'ii fészek pyidya
main, bras *käti käsi käsi giehta ked´ kit ki köt kaat kéz -
œil *śilmä silmä silm čalbmi śel´me šinća śin sem šäm szem sæw, häem
brasse *süli syli süli salla sel´ šülö syl löl täl öl tyíbya
veine / nerf *sïxni suoni soon suotna san šün sën lan tān ín teʔ, ten
os *luwi luu luu - lovaža lu ly, lѳ lŏγ, lăw lo, luw -
foie *mïksa maksa maks - makso mokš mus muγəl maat máj mud°
urine *kunśi kusi kusi gožža - kəž kudź kos- końć- húgy -
aller *meni- mennä minema mannat - mija- mun- mən- men- menni myin-
vivre *elä- elää elama eallit - ila- ol- - - élni yilye-
mourir *kaxli- kuolla - - kulo- kola- kul- kol- kool- halni xa-
laver *mośki- - mõskma - muśke- muška- myśky- - - mosni masø-

Possibles parentés linguistiques externes modifier

Des recherches ont été faites pour relier les langues ouraliennes à d'autres familles de langues. Aucune ne fait complètement consensus, mais la moins controversée à l'heure actuelle est celle visant à relier l'ouralien au youkaguir de l'est de la Sibérie au sein d'une famille ouralo-youkaguir.

Michael Fortescue, spécialiste des langues eskimo-aléoutes et des langues tchoukotko-kamtchatkiennes, a trouvé des apparentements entre langues ouraliennes, youkaguires, eskimo-aléoutes, et tchoukotko-kamtchatkiennes dans son livre Language Relations across Bering Strait (1998). En 2011, il a retiré les langues tchoukotko-kamtchatkiennes de sa proposition. La famille regroupant l'ensemble de ces langues est appelée famille « ouralo-sibérienne (en) »[7]. Frederik Kortlandt y inclut le nivkhe[8].

D'assez nombreuses ressemblances existent avec les langues indo-européennes, ce qui s'explique soit par une unité ancienne, ou au moins en partie par des contacts anciens (et toujours d'actualité). C'est l'hypothèse « indo-ouralienne (en) » de Björn Collinder.

La famille ouralienne prend position dans des apparentements encore plus larges, telles les propositions de macro-familles eurasiatique (Joseph Greenberg) ou les nostratique (proposé par des linguistes russes dont certains se sont ralliés à la proposition eurasiatique de Greenberg), assez convergentes l'une avec l'autre.

Ces différentes propositions sont globalement assez cohérentes dans la mesure où elles s'emboîtent. Les proximités lexicales ou grammaticales, de plus en plus ténues, correspondent à des profondeurs historiques différentes d'une unité initiale supposée : l'ouralien serait proche d'abord du yukaguir, puis de langues sibériennes, puis de l'indo-européen, enfin d'autres langues de la proposition eurasiatique (turc, mongol, toungouse, coréen, japonais, aïnou) parfois regroupées dans un ensemble dit macro-altaïque.

Même si les familles ouralienne et altaïque font toutes deux partie de la macro-famille eurasiatique de Greenberg, une proximité particulière entre elles est fortement critiquée aujourd'hui. Toutefois, cette hypothèse, dite théorie ouralo-altaïque, proposée dès le XIXe siècle par Matthias Alexander Castrén a prospéré jusqu'au milieu du XXe siècle, où elle était même assez largement acceptée.

Notes et références modifier

  1. (ru) Linguistica Uralica, Perioodika, (lire en ligne)
  2. (en) Tapani Salminen, « Problems in the taxonomy of the Uralic languages in the light of modern comparative studies », dans Лингвистический беспредел: сборник статей к 70-летию А. И. Кузнецовой, Moscou, Presses Universitaires de Moscou,‎ (lire en ligne), p. 44-55
  3. Lehtinen (2007)
  4. Au sens large, l'estonien comprend à la fois l'estonien littéraire, eesti keel, fondé sur les dialectes du nord de l'Estonie, et les langues sud-estoniennes linguistiquement assez distantes.
  5. « Glottolog 4.6 - Uralic », sur glottolog.org (consulté le )
  6. Hölzl (2018), p. 363
  7. (en) Michael Fortescue, Language Relations across Bering Strait, 1998
  8. Kortlandt (2004)

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • (en) Andreas Hölzl, A typology of questions in Northeast Asia and beyond, Studies in Diversity Linguistics, (lire en ligne)
  • (en) Collinder, Björn (1957), Survey of the Uralic Languages, Stockholm.
  • (en) Collinder, Björn (1960), An Etymological Dictionary of the Uralic Languages, Stockholm.
  • (en) Daniel Mario Abondolo (dir.), The Uralic languages, Londres, New York, Routledge, coll. « Routledge language family descriptions », , XXIV-619 p., 24 cm (ISBN 0-415-08198-X, OCLC 468378953, BNF 37544234, LCCN 96029898, lire en ligne)
  • (en) Décsy, Gyula (1990), The Uralic Protolanguage: A Comprehensive Reconstruction, Bloomington, Indiana.
  • (en) Frederik Kortlandt, NIVKH AS A URALO-SIBERIAN LANGUAGE, Leiden, Leiden University, (lire en ligne)
  • (fr + en) Jocelyne Fernandez-Vest (dir.), Les Langues ouraliennes aujourd'hui. Approche linguistique et cognitive, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque de l'École des hautes études, sciences historiques et philologiques » t. 340, 2005
  • (hu) Hajdu, Péter, (1963), Finnugor népek és nyelvek, Gondolat kiadó, Budapest [Transl. G. F. Cushing as Finni-Ugrian Languages and Peoples (1975), André Deutsch, Londres].
  • (hu) Hajdú, Péter, (1975), Uráli népek. Nyelvrokonaink kultúrája és hagyományai, Corvina Kiadó, Budapest. [trad. Les Peuples Ouraliens Leur Culture Leurs Traditions, Horvath, Roanne].
  • (fi) Laakso, Johanna (1992), Uralilaiset kansat (Uralic Peoples), PorvooHelsinkiJuva, (ISBN 951-0-16485-2)
  • (de) Rédei, Károly (ed.) (1986-88), Uralisches etymologisches Wörterbuch, Budapest.
  • (fi) Sammallahti, Pekka, Matti Morottaja (1983): Säämi – suoma – säämi škovlasänikirje. Helsset/Helsinki: Ruovttueatnan gielaid dutkanguovddaš/Kotimaisten kielten tutkimuskeskus, (ISBN 951-9475-36-2)
  • (en) Sammallahti, Pekka (1988): Historical Phonology of the Uralic Languages, dans Denis Sinor (dir.), The Uralic Languages, pp. 478–554, Leiden, E.J. Brill.
  • (fr) Sauvageot, Aurélien (1930), Recherches sur le vocabulaire des langues ouralo-altaïques, Paris.
  • (fi) Tapani Lehtinen, Kielen vuosituhannet, Tietolipas, Suomalaisen Kirjallisuuden Seura, (ISBN 978-951-746-896-1)

Articles connexes modifier

Liens externes modifier