L'Éthiopien

fable d'Ésope

L'Éthiopien[1] est une fable d'Ésope. Elle entre dans la culture populaire au cours de la Renaissance, lorsqu'elle est intégrée dans des livres d'emblèmes. Elle est depuis régulièrement utilisée pour renforcer des attitudes racistes.

La fable modifier

 
Illustration de la fable « Le corbeau et le cygne » par Milo Winter (1919).

La fable raconte l'histoire du propriétaire d'un esclave noir qui croit que ce dernier a cette couleur parce qu'il a été négligé par son ancien propriétaire. Il essaie donc de blanchir l'esclave en le lavant. Il y met tant de vigueur que l'esclave tombe malade (dans certaines versions, il meurt). Dans une autre version, l'homme est d'origine indienne et se lave lui-même dans une rivière[2].

Interprétations modifier

Dans la culture populaire modifier

 
Publicité des savons Pears basée sur la fable (1884).

La plupart des représentations populaires britanniques et américaines de la fable sont plus ou moins offensantes. Ainsi, les paroles de l'opéra comique The Blackamoor Wash'd White (1776) d'Henry Bate Dudley (en) ont été perçues comme véhiculant un stéréotype raciste[3]. En 1805, l'écrivain William Godwin, sous le pseudonyme Edward Baldwin, intègre la fable dans son recueil Fables ancient and modern, adapted for the use of children sous le titre Washing the Blackamoor White[4]. Dans son poème A Black Job, l'humoriste Thomas Hood en fait un faux projet philanthropique pour les Africain, leur permettant « d'y entrer comme un corbeau et d'en sortir comme un cygne »[trad 1],[5].

En 1795, Isaac Cruikshank réalise une caricature intitulée Washing the Blackamoor White, mettant en scène Frances Villiers, maîtresse du Prince de Galles George IV du Royaume-Uni, assise dans un fauteuil alors que deux femmes lui lavent son visage, qui a un teint mulâtre. Le prince est à ses pieds, tenant un bassin. Dans une bulle, il dit : « prenez plus d'eau et frottez encore »[trad 2] alors qu'elle demande : « Est-ce que ça semble plus blanc ? »[trad 3]. La femme à droite tient une brosse à poils raides et appuie un savon sur le visage de Villiers[6].

Le même titre est repris en 1858 dans une bande dessinée du magazine Punch, avec le sous-titre Sir Jung Bahadoor et ses chevaliers du bain[trad 4], faisant référence à l'anoblissement du dirigeant du Népal comme Chevalier de Grand-croix de l'Ordre du Bain en récompense de son soutien lors de la révolte des cipayes[7].

La fable est également reprise dans une série de publicités des savons Pears, montrant d'abord un enfant noir perdant littéralement sa couleur après avoir utilisé le produit (voir l'image ci-contre). La première image du genre a été publiée à Noël 1884, causant un fort impact[8]. Une autre publicité de Noël 1901 montre une mère noire transportant un enfant en crise vers un bain sous l'œil de trois autres enfants, s'exclamant « Oh mon dieu, elle va blanchir ce nègre ! »[trad 5],[9].

Notes et références modifier

Notes modifier

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Washing the Ethiopian white » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) « Go in a raven and come out a swan. »
  2. (en) « Another Scrub & then!! take more water, »
  3. (en) « Does it look any whiter? »
  4. (en) « Sir Jung Bahadoor and his Knights Companions of the Bath. »
  5. (en) « Oh Golly, she’s gwine to make dat nigger white. »

Références modifier

  1. Aesop, Les fables d'Esope Phrygien, avec celles de Philelphe, chez les Heritiers de Rothe et Proft, (lire en ligne), « Fable XXI - L'Éthiopien », p. 366
  2. (en)http://greekaesop.pbworks.com/w/page/15660894/syntipas41
  3. (en) H. L. Malchow, « 19th century AD », Past & Present,‎ , p. 7-8 (lire en ligne)
  4. (en) Edward Baldwin, Fable XLVI (lire en ligne), p. 145-148
  5. (en) The Poetical Works of Thomas Hood (lire en ligne), « poem 162 »
  6. https://www.britishmuseum.org/collectionimages/AN00160/AN00160919_001_l.jpg
  7. http://www.heritage-print.com/washing_the_blackamoor_white_1858/print/1232681.html « Copie archivée » (version du sur Internet Archive)
  8. (en) Anandi Ramamurthy, Imperial persuaders: images of Africa and Asia in British advertising, Presses de l'Université de Manchester, (lire en ligne), chap. 2 (« Soap Advertising – the trader as civilizer and the scramble for Africa »), p. 24-62
  9. http://thumbs2.ebaystatic.com/d/l225/m/mQf0KScnDhtpbkplPof5jLQ.jpg

Bibliographie modifier

  • (en) Anu Korhonen, Black Africans in Renaissance Europe, Presses de l'Université Cambridge, (lire en ligne), chap. 4 (« Washing the Ethiopian white: conceptualising black skin in Renaissance England »), p. 94-112
  • (en) Hazel Waters, Racism on the Victorian Stage: Representation of Slavery and the Black Character, Presses de l'Université de Cambridge,

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier

Liens externes modifier