Les Kert[1], Kart[2] ou Kurt[3] forment une dynastie qui a régné sur Hérat et la région qui constitue actuellement l’ouest et le centre de l’Afghanistan de 1245 à 1381.

La dynastie Kert a son déploiement maximum

Histoire modifier

Après le passage du fils de Gengis Khan, Tolui puis de son général Eljigidei en 1222, Hérat et de nombreuses autres villes sont détruites et désertées. Avec l’arrivée au pouvoir du mongol Ögödei (1227-1241), les villes peuvent enfin être reconstruites. Au cours de l’invasion mongole la famille Shansabani, dont sont issus les Ghurides, est parvenue à résister dans leur forteresse de Khaysar au sud-est d’Hérat. Le chef de famille Rukr al-Dîn Abû Bakr[4], marié avec une princesse ghuride, et leur fils Chams al-Dîn Muhammad[5] proclament être les héritiers des Ghurides. Au cours de l’année 1245, Chams al-Dîn sort de Khaysar et s’empare d’Hérat. Les Mongols prennent le parti de s’accommoder de lui comme gouverneur local à l’instar de ce qui se produit dans d’autres régions de Perse. Lui et ses successeurs portent le titre de malek (roi)[6].

Chams al-Dîn Muhammad a conscience qu’il ne peut pas résister aux Mongols et choisit de mener une politique de collaboration avec eux. Il se joint la campagne menée par les Mongols en 1246 au Pendjab à Multan. Il reste ensuite quelque temps en Inde. En 1251, après l’arrivée au pouvoir de Möngke comme grand khan mongol il se rend à la cour pour faire allégeance. Le nouveau khan le confirme dans ses fonctions et ses possessions. Chams al-Dîn Muhammad étend son domaine vers le sud avec le projet de rejoindre la mer. Cette manœuvre inquiète les Mongols et Chams al-Dîn Muhammad doit les affronter en 1258. Il est malgré tout bien reçu par Hülegü qui s’est emparé de la Perse puis de l’Irak sur l’ordre de son frère Möngke. Hülegü devient le suzerain direct de Chams al-Dîn Muhammad. Hülegü autorise Chams al-Dîn Muhammad à rentrer à Hérat mais exige qu’il cède la province du Sistān[6].

En 1266, Chams al-Dîn Muhammad envoie un contingent en renfort de l’armée d’Abaqa, successeur d’Hülegü, dans une expédition dans le Caucase contre les armées de la Horde d'or menées par Berké. En 1270, apparaît un autre adversaire des Il-khanides, le djaghataï Baraq qui contrôle la Transoxiane. Baraq envahit le Khorassan. Sans doute pour se préserver, Chams al-Dîn Muhammad prend contact avec Baraq. En 1273, Hülegü reprend le contrôle de la situation, mais il ne peut plus voir en Chams al-Dîn Muhammad un allié sûr. En 1276, il reçoit une convocation à la cour, mais il n’est pas autorisé à rentrer à Hérat. Il est envoyé à Bakou puis à Tabriz où il est empoisonné au début de 1278[6].

L’absence prolongée de Chams al-Dîn Muhammad à Hérat provoque des troubles à Hérat. Finalement les Mongols nomment les fils de Chams al-Dîn Muhammad comme successeur avec le nom de Chams al-Dîn II, alors qu’il s‘appelait au départ Rukn al-Dîn. Il est reconnu par tous sauf à Kandahar qu’il doit soumettre par la force. Les relations avec les Mongols se durcissent lors de leur intervention dans le Fars. Chams al-Dîn II part alors se réfugier dans la forteresse de Khaysar laissant son fils `Ala’ al-Dîn à Hérat avant qu’il ne vienne rejoindre son père[6].

Les années suivantes Hérat est la proie de bandes armée mongoles, tandis que l’empire il-khanide est lui-même en proie à une situation instable. La confusion est à son comble lors de l’introduction de papier monnaie sur le modèle chinois. Les campagnes sont abandonnées, les villages et les petites villes sont désertés. L’arrivée au pouvoir il-khanide de Ghazan qui se convertit à l’islam sunnite et prend le nom de Mahmud permet un retour à l’ordre (1295). La première décision pratique de Ghazan est de nommer Fakhr al-Dîn, un fils de Chams al-Dîn II, comme nouveau gouverneur d’Hérat. Fakhr al-Dîn commet l’erreur de ne pas reconnaître Oldjaïtou comme successeur de Ghazan. Fakhr al-Dîn est tué en combattant contre Oldjaïtou en 1308. Son frère Ghiyâth al-Dîn lui succède[6].

Ghiyâth al-Dîn Ier modifier

En 1327, le tout puissant émir Chupan tombe en disgrâce à la cour de l’il-khanide Abu Saïd. Il est contraint de se réfugier à Hérat auprès de Ghiyâth al-Dîn. Ce dernier se voit promettre par Abu Saïd la main de Kordotchin une des épouses de Chupan contre son exécution. Ghiyâth al-Dîn le fait étrangler, et « envoie son doigt » à Abu Saïd (octobre/). Ghiyâth al-Dîn n’obtient rien d’autre qu’une certaine tranquillité dans ses terres[7]. Ghiyâth al-Dîn décède en 1328/1329[6].

Les fils de Ghiyâth al-Dîn Ier modifier

De 1329 à 1332, trois fils de Ghiyâth al-Dîn Ier vont se succéder, le dernier des trois, Mu`izz al-Dîn Pîr Husayn Muhammad va régner jusqu’en 1369. En 1335, Abu Saïd décède sans héritier. Le pouvoir des il-khanides n’est plus en mesure d’inquiéter les souverains d’Hérat. En 1338, L’il-khanide Togha Temür, descendant de Khassar frère de Gengis Khan est proclamé khan. Il s’établit à Bastām. Les Sarbadârs qui règnes à Sabzevar reconnaissent nominalement sa suzeraineté[8]. En 1340, Mu`izz al-Dîn essaie d’intervenir dans la province de Kerman, c’est un échec qui affaiblit quelque peu sa position. Des incursions venues de la Transoxiane lui causent aussi quelques préoccupations[6]. En 1342, le sarbadârs Wajîh al-Dîn Mas`ud part en campagne contre Hérat puis en 1344, dans le Mazandaran. Il laisse le commandement à Ay Tīmūr Muhammad, un fils d’esclave, probablement le fils d’un soldat-esclave turc. Wajîh al-Dîn Mas`ud meurt pendant sa campagne dans le Mazandaran, Ay Tīmūr Muhammad prend sa succession. Il reconnaît la suzeraineté de Togha Temür. En aout/, le « fils d’esclave » Ay Tīmūr Muhammad est assassiné par les ennemis qu’il a su se créer[9].

Vers , les Sarbadârs assassinent Togha Temür et restent ainsi maîtres de tout le nord-ouest du Khorassan, les Kert gardent le sud-est avec pour capitale Hérat. Ces deux dynasties se font une guerre acharnée, aggravée des prétextes religieux : les Kert sont des Afghans sunnites, les Sarbadârs des Persans chiites. Une troisième dynastie exactement arabo-iranienne, les Muzaffarides, s’était établie dans la province de Kerman et le Fars. Son fondateur, l’Arabe Mubâriz ad-Dîn Muhammad, déjà installé à Yazd et dans la province de Kerman, se rend maître de Chiraz (1353) et d’Ispahan (1356-1357). En 1358, il est déposé et aveuglé par son fils, Jalâl ad-Dîn Shâh Shujâ` qui lui succède à Chiraz, tandis qu’Ispahan passait à son frère Qutb ad-Dîn Shâh Mahmûd[8].

Néanmoins le règne de Mu`izz al-Dîn est une période de prospérité pour le royaume qui s’étend alors de Merv au nord, Machhad et Nichapur jusqu’en bordure du désert central de l’Iran (Dasht-e Kavir) et d’autre part dans les hautes terres de l’Afghanistan au rebord méridional de l’Hindou Kouch. En 1370/1371, peu avant que Mu`izz al-Dîn décède, l’arrivée d’un émissaire de Tamerlan annonce un nouvel orage[6].

La fin des Kert modifier

Dans un premier temps, Tamerlan accepte que Ghiyâth al-Dîn II Pîr `Alî succède à son père. Il impose néanmoins un partage du royaume avec son frère Muhammad qui règne à Sarakhs dans le Khorassan. En 1381, Tamerlan occupe Hérat et fait prisonnier Pîr `Alî. Ce dernier est cependant libéré est reste en place jusqu’en 1389, lorsque Tamerlan l’élimine[6].

La dynastie modifier

Dates[10] Nom Fils de  
? -1245 Rukn al-Dîn Abu Bakr  
1245-1277 Chams al-Dîn Ier Mahmud Rukn al-Dîn Abu Bakr Prend le pouvoir à Hérat.
1277-1298 Chams al-Dîn II Chams al-Dîn Ier S’appelle d’abord Rukn al-Dîn et change de nom. Meurt en 1305.
1298-1308 Fakhr al-Dîn Chams al-Dîn II
1308-1329 Ghiyâth al-Dîn Ier Chams al-Dîn II
1329-1330 Chams al-Dîn III Muhammad Ghiyâth al-Dîn Ier
1330-1332 Hâfiz Ghiyâth al-Dîn Ier
1332-1370/1371 Mu`izz al-Dîn Pîr Husayn Muhammad Ghiyâth al-Dîn Ier
1370/1371-1381 Ghiyâth al-Dîn II Pîr `Alî Mu`izz al-Dîn Pîr Husayn Muhammad Sous la tutelle de Tamerlan jusqu'en 1389.
1381 Tamerlan met fin au royaume de Kert.

Voir aussi modifier

Liens externes modifier

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. Kert, orthographe adoptée par René Grousset. Voir René Grousset, Op. cit. (lire en ligne), « Apogée du khanat de Djaghataï : Douwa, Esen-bouqa et Kébek », p. 426.
    La forme Kartide(s) ne semble pas usitée en français. On trouve Kartid en anglais et en allemand.
    L’article de l’« Encyclopaedia Iranica » qui leur est consacré a pour titre « Āl-e Kart, or perhaps Āl-e Kort » en persan : āl kart/kort, آل کرت, la dynastie Kart, le mot kart en persan désigne la cenelle, fruit de l’aubépine.
  2. Kart(s) (avec un s) est la forme utilisée par Janine Sourdel et Dominique Sourdel, Dictionnaire historique de l’islam, PUF, coll. « Quadrige », , 1056 p. (ISBN 978-2-13-054536-1, présentation en ligne), « Hérat », p. 346.
  3. Kurt, orthographe adoptée par Constantin d'Ohsson. Voir Constantin d'Ohsson, Histoire des Mongols, depuis Tchinguiz-Khan jusqu'à Timour Bey ou Tamerlan (4 volumes), vol. III, F. Muller, (présentation en ligne, lire en ligne), « Livre IV, chapitre III », p. 103.
  4. Rukr al-Dîn en arabe  : rukn al-dīn, ركن الدين pilier de la religion.
  5. Chams al-Dîn en arabe  : šams al-dīn, شمسالدين soleil de la religion.
  6. a b c d e f g h et i (en) B. Spuler, « Āl-e Kart, or perhaps Āl-e Kort », dans Encyclopædia Iranica (lire en ligne)
  7. René Grousset, Op. cit. (lire en ligne), « Règne d’Abu Saïd. », p. 487 [PDF].
  8. a et b René Grousset, Op. cit. (lire en ligne), « Dissolution du khanat mongol de Perse. », p. 489-490 (.pdf)
  9. (en) J. M. Smith, Jr., « Ay Tīmūr (or Teymūr), Moḥammad », dans Encyclopædia Iranica (lire en ligne)
  10. Dates à ± un an.