Johnny Gravel

Musicien rock québécois

Jean Albert Gravel, né le 12 mars 1948, à Granby, au Québec, plus connu sous le nom de Johnny Gravel, est un musicien québécois, guitariste et compositeur. Son style de musique bluesy est accompagné d'une guitare électrique dont le style musical se caractérise par une intonation puissante et un phrasé rapide, sec et saccadé. Il est principalement connu pour avoir été membre des groupes Les Héritiers, Les Gants Blancs, Patriotes, et surtout Offenbach.

Johnny Gravel
Nom de naissance Jean Albert Gravel
Naissance (76 ans)
Activité principale Musicien / Offenbach
Genre musical Rock, blues
Instruments Guitare

Biographie modifier

Enfance modifier

Jean Gravel naît le 12 mars 1948 à la Crèche Miséricorde de Montréal. Il est le fils adoptif d’Ernest Gravel, originaire de Montréal (né en 1903), et de Marie-Paule Leclerc, originaire d’Acton Vale. Ernest occupe différents emplois au cours de sa vie de travailleur : gérant et vendeur dans un magasin de chaussures et dans un surplus d’armée, barman dans une taverne. Quant à Marie-Paule, elle est femme au foyer et veille à toute l’organisation familiale. Un autre enfant, Raymonde, est la fille de Marie-Paule, soit la demi-sœur de Jean, de dix ans son aîné. La musique est quasi absente de l’environnement familial du petit Jean. Néanmoins, un de ses oncles, Marcel Ledoux, possède une guitare. L’homme remarque avec justesse que son neveu de cinq ans est intrigué et fasciné par l’instrument. Il se résigne ainsi à vendre sa Gibson à la famille pour un montant de cinq dollars. Gravel n’a aucune notion musicale. Laissé à lui-même, il apprend la guitare à la dure[Quoi ?]. Heureusement, à sept ans, il vit une rencontre fortuite et déterminante avec un guitariste western itinérant sur le trottoir de la rue Savage. Ce musicien amateur lui enseigne trois accords majeurs faciles à mettre en pratique : Ré-Sol-La. L’apprenti guitariste se déniche quelques 45 tours pour se faire l’oreille au rock and roll : The Everly Brothers et Elvis Presley figurent parmi ses premières découvertes. Parallèlement à cette passion grandissante, Gravel poursuit ses études au Collège du Mont-Sacré-Cœur de Granby. Toutefois, sa personnalité introvertie et bourrue cadre difficilement avec les préceptes scolaires, surtout que l’établissement est tenu fermement par une communauté de frères. Par exemple, Gravel doit porter l’uniforme et dissimuler ses cheveux longs avec du « Brylcreem ». Les années passant, Jean s’éloigne sérieusement de ses études. Après avoir fait sa neuvième année à deux reprises, il décide d’abandonner l’école pour se consacrer à la musique. Pendant ces premières années clés de son apprentissage musical, il fait l’acquisition de quelques 33 tours, dont certains de Duane Eddy, Chet Atkin et surtout The Ventures, ce groupe instrumental pour lequel il développe une fascination. Autodidacte, il écoute attentivement ces guitaristes, et tente de décortiquer leur langage musical : les grandes lignes des bases de son jeu. En effet, la pièce Walk Don’t Run des Ventures est le premier morceau que Gravel apprend.

Les Héritiers modifier

En 1962, Jean Gravel, avec Roger Belval, André Thibodeau et Réal Perrault, forment le groupe Rockets. Le quatuor, gagnant en assurance, commence à animer des soirées dans des salles paroissiales et scolaires, principalement dans la région des Cantons de l’Est. Leur répertoire est composé de diverses pièces instrumentales pour la danse : du rock and roll, des cha-cha-cha et quelques slows tels qu’« Ebb Tide » et « Sleep Walk », et ce, au grand plaisir des jeunes couples du moment qui en profitent pour danser lascivement. En 1964, le quatuor devient un quintette avec l’arrivée du chanteur Michel Déragon. Le groupe s’appelle maintenant Venthols. Sept mois plus tard, les jeunes musiciens, ayant déjà une centaine de spectacles à leur actif, décident de changer de nom pour celui de Les Héritiers. Comme la plupart des groupes yéyé de cette période, Les Héritiers portent eux aussi un costume façon Beatles : chemise blanche, cravate kaki, costume kaki, bottines brunes, et arborent une canne en bois sculpté lors de leur entrée sur scène. D’octobre 1965 à mars 1968, trois différentes formations composent Les Héritiers, deux 45 tours originaux sont commercialisés et près de deux cents spectacles sont présentés. À la suite de la dissolution des Héritiers, Gravel rejoint le groupe Les Caïds. Sa présence au sein de ce groupe n’est que transitoire, il n’y demeurera qu’une année.

Les Gants Blancs modifier

En 1962, à Saint-Jean-sur-Richelieu, le musicien Gérald Boulet rejoint son frère Denis au sein du groupe Les Doubletones. La formation se nomme successivement Twistin Vampires, Fabulous Kernels, Kernels et, finalement, à l’été 1964, Les Gants Blancs. Le groupe est alors l’un des plus en vue de la région, notamment grâce à Ça claque avec Les Gants Blancs, l’émission hebdomadaire qu’il anime sur les ondes de CHLT-TV, à Sherbrooke. C’est en 1968 qu’une première collaboration a lieu avec Jean Gravel et Les Gants Blancs. On engage le guitariste pour la session d’enregistrement de la pièce Dis-moi son nom, une adaptation française de la pièce Call Me Lightning du groupe The Who. Après le départ du guitariste Rick Horner, Jean Gravel fait officiellement partie des Gants Blancs en mai 1969. Il devient du coup un membre du groupe 7e Invention (Les Gants Blancs avec une section de cuivres), dont le leader est le populaire chanteur Bruce Huard (ex-Sultans). Mais ce groupe de neuf musiciens propose un spectacle d’envergure malheureusement trop onéreux pour les producteurs. L’aventure sera éphémère. L’année suivante, Les Gants Blancs (sans l’ensemble de cuivres) accompagnent tout de même, occasionnellement, Huard en spectacle. En octobre 1969, ils enregistrent avec lui un 45 tours : « Dis-lui je serai là »/« Puisqu’il t’aime ». Le 4 mai 1970, Les Gants Blancs entament une ultime tournée de quatorze spectacles avec Huard. C’est à ce moment-là que le groupe, voulant se débarrasser de son nom à saveur yéyé, songe à se faire appeler Opera Pop d’Offenbach.

Offenbach modifier

Début juin 1970, la vague yéyé des sixties, en effet, est révolue, et Les Gants Blancs ont ressenti ce contrecoup brutal au cours de l’année : peu de spectacles sont au calendrier et on peine à s’imposer avec cette nouvelle sonorité de rock assez hard, encore d’avant-garde au Québec. Les engagements avec Bruce Huard définitivement terminés, on décide que le moment est propice pour renommer le groupe Opera Pop d’Offenbach. À ce moment, le quatuor a déjà présenté plus de deux cents spectacles, soit seul ou avec Bruce Huard. Cette expérience a permis de développer une symbiose musicale impressionnante, ainsi que des habiletés individuelles remarquables. Gérald « Gerry » Boulet s’impose en leader avec sa voix rauque et typée. Cela est sans compter sa qualité phénoménale de multi-instrumentiste. Pour l’instant, du reste, il se consacre à jouer de l’orgue Vox continental, une sonorité qui marque le style du groupe, rappelant celui de The Animals, Iron Butterfly et The Doors. Jean « Johnny » Gravel a un jeu unique à la guitare avec ses riffs percutants dans les basses. Michel « Willie » Lamothe est un bassiste au sens mélodique affuté. Denis « Le vieux » Boulet est un batteur solide qui s’intéresse au swing de Gene Krupa. Dès lors, on compose des chansons en anglais, idée de percer hors Québec, mais c’est surtout dû au fait que le rock est une impulsion de culture anglo-saxonne. Offenbach Pop Opera puise son inspiration à même ce type de rock, tout en s’inspirant du R&B américain et du blues britannique et américain. Immergé dans cet environnement musical, Johnny peaufine son jeu à la guitare, devenant un véritable guitar hero, rappelant certains guitaristes de l’heure, dont Jimmy Page et Alvin Lee. Il est en quelque sorte l’archétype au Québec de ce type de guitariste.

En 1971, Lucien Ménard, un des bons amis du groupe, devient leur gérant. C’est par l’entremise de Ménard que le groupe fait l’importante rencontre de l’artiste multidisciplinaire Pierre Harel. Rapidement, Harel se joint au groupe et s’impose comme chanteur avec Gerry. Qui plus est : il propose des textes en français à forte connotation jouale. Le 20 juillet 1972, le groupe, maintenant Offenbach Soap Opera, lance un premier album éponyme. À peine deux semaines plus tard, Denis Boulet décide d’abandonner le monde de la musique. On engage Roger Wezo Belval pour lui succéder, soit l’ancien collègue de Jean Gravel à l’époque des Héritiers. En août, Harel a l’idée d’un projet audacieux : un étrange spectacle liturgique rock avec des chants grégoriens. Le groupe a réussi à s’entendre avec les autorités de l’Oratoire Saint-Joseph pour concrétiser cette messe des morts. Cet événement unique a lieu le 30 novembre 1972. Le groupe, qui s’appelle désormais Offenbach, fait un album de l’enregistrement de ce spectacle, Saint-Chrone de Néant. La performance de Gravel sur ce disque est salué, sans doute une des plus remarquables de sa carrière. Quasiment tout le vocabulaire de Gravel s’y trouve. Fin septembre 1973, les sessions d’enregistrement sont finalisées pour la bande originale du premier long métrage de fiction réalisé par Harel, Bulldozer.

Depuis décembre 1973, Offenbach est installé à Malesherbes, en France, à la suite de l’invitation du cinéaste français Claude Faraldo. Le réalisateur tourne un film de cinéma-vérité sur le groupe. Dès le début de ce tournage, Harel (lui-même réalisateur) est consterné de constater que l’œil cinématographique de Faraldo s’infiltre de façon trop incisive dans l’intimité du groupe, dénaturant ainsi ses membres en insistant sur leur côté décadent. Il refuse catégoriquement d’être transposé à l’écran de la sorte par Faraldo. C’est d’ailleurs une des raisons qui fait en sorte qu’Harel songe à quitter le groupe. D’autant plus que Gerry et Willie commencent à être à couteaux tirés, ce qui exacerbe le désenchantement d’Harel. Finalement, il rentre au Québec en prévision du lancement de son film Bulldozer. Le long métrage et son disque seront lancés simultanément le 14 février 1974. Il abandonne l’idée de rejoindre Offenbach en France. Pendant des mois, Offenbach est cloîtré dans un manoir en attente de ses instruments. Ceux-ci peinent à traverser l’Atlantique. Seul un piano se trouve sur place. Gravel en profite pour y parfaire ses dispositions avec l’aide de Boulet dans le rôle du mentor. L’expérience est fort probante pour Gravel, qui compose sur ce piano une des chansons phares du catalogue d’Offenbach, La voix que j’ai. De plus, ce long séjour en France permet à Jean de s’ouvrir sur de nombreux nouveaux horizons. Il fait d’ailleurs la découverte du guitariste jazz manouche, Django Reinhardt. Il demeurera fasciné par ce musicien tout au long de sa carrière. Enfin, les instruments parviennent à destination; on met en place une tournée européenne du 1er mai au 15 juillet 1974. Lors de cette série de spectacles, l’auditoire découvre une machine de rock bien huilée au répertoire imposant. En effet, Offenbach a maintenant réussi à s’imposer avec une identité sonore puissante et singulière en métissant plusieurs styles : rock, hard rock, blues et R&B. Le 26 février 1975, le film expérimental Tabarnac, qui expose viscéralement cette aventure rock, est projeté en France. Peu d’intérêt est manifesté envers ce film très brouillon. Finalement, Offenbach rentre au Québec le 8 mars. Malgré l’échec du film, on produit un album double à partir des enregistrements studio et des spectacles de ce périple rock. Cet album, nommé Tabarnac, montre une puissance sans précédent dans le rock québécois. Le 4 novembre 1975, on le présente à la presse montréalaise. Il atterrira tout compte fait dans les bacs des disquaires en janvier 1976. L’opus suscite sérieusement l’attention grâce aux pièces Promenade sur Mars, Québec Rock, Ma Patrie est à terre, Teddy (le chat), Marylin, et à la reprise d’un classique de Piaf, L’Hymne à l’Amour.

Au milieu des années soixante-dix, le label A&M Records est un des plus importants en Amérique. Le major, plus que jamais à la recherche de nouveaux talents, met sous contrat Offenbach. En septembre 1976, le groupe enregistre un album anglophone à Toronto, Never Too Tender. En revanche, son réalisateur, George Semkiw, a laissé en plan le son brut et viscéral du groupe pour l’enrober d’effets, ce qui cadre mal avec la direction artistique du groupe. Offenbach, étant absent lors de l’élaboration du mix, n’a d’autre choix que de se résigner à accepter le produit final qu’on lui présente – ce qui le rend sérieusement amer. A&M Records décide qu’il commercialisera l’album le 30 novembre 1976. Cela coïncidera avec l’élection du Parti québécois, parvenu au pouvoir quelques semaines auparavant : le pire moment pour lancer un album anglophone par un groupe québécois. Offenbach, conscient de ce hasardeux timing, tente de rejoindre la haute direction du label pour l’inviter à déplacer ultérieurement la date du lancement, mais A&M ne réagit pas à cette requête. La commercialisation de Never Too Tender se fait en grande pompe partout en Amérique du Nord et même en Europe. Malheureusement, le succès est loin d’être au rendez-vous. Même si Offenbach est musicalement au top de sa carrière, la discorde entre Lamothe et Boulet est devenue insoutenable au sein de la formation. Malgré cela, on enregistre un ultime album – le plus convaincant de son parcours jusqu’à ce moment (et peut-être même de toute sa carrière). Le 12 avril 1977, l’album Offenbach (surnommé Caricature) est commercialisé – une fois de plus – par A&M Records. Quelques-unes de ses pièces deviennent instantanément des classiques du groupe : Chu un rocker, une adaptation franco de la chanson I'm a rocker de Chuck Berry par Pierre Harel ; et La voix que j’ai, un texte de Gilbert Langevin sur la fameuse musique de Gravel. Le 20 juin 1977, le groupe connu sous cette formule (Gerry, Johnny, Willie et Wèzo) donne un tout dernier spectacle au Café Campus de Montréal – leur rock viscéral et sale vient de s’éteindre à jamais.

Le groupe est maintenant scindé en deux : Lamothe et Belval retrouvent Harel pour constituer le groupe Corbeau, tandis que Boulet et Gravel conservent le nom Offenbach. En effet, la signature d’Offenbach repose sur ces deux musiciens qui forment une unité sonore aisément reconnaissable. On décide de restructurer Offenbach en quintette, soit avec deux guitaristes plutôt qu’un. Les musiciens qui se joignent au groupe sont : le batteur Pierre Lavoie, le bassiste Norman Kerr et le guitariste Jean Millaire (futur membre de Corbeau). Les musiciens se succéderont chez Offenbach jusqu’en mars 1979, jusqu’à la composition d’une convaincante et solide formation, et ce, à l’arrivée successive et récente de trois musiciens : Breen LeBoeuf – basse et voix, John McGale – guitare, flûte traversière, saxophone et voix et, enfin, Robert « Bob » Harrisson – batterie. Cette nouvelle mouture a le vent dans les voiles avec l’album Traversion qui vient tout juste de paraître. Bien que Boulet soit toujours le chanteur soliste d’Offenbach, on constate sur cet album que la voix de LeBoeuf est époustouflante avec son registre haut perché, la chanson Mes blues passent pu dans' porte, deviendra le plus grand succès du groupe. La pièce Ayoye est également un des autres moments forts de l’album. Sa structure musicale à la fois épurée et mélancolique ouvre les portes à l’expression du jeu de Gravel. Au fil de sa carrière, cette pièce est devenue indissociable de sa signature sonore.

Offenbach est maintenant le groupe de l’heure au Québec. Le 23 septembre 1979, il rafle deux Félix au Gala de l’ADISQ : Groupe de l’année et Microsillon de l’année (avec Traversion). Cela est sans compter un projet d’envergure déjà bien actif en cette même période, soit une fusion musicale d’Offenbach avec le Vic Vogel Big Band. L’étincelle qui donne naissance à ce projet serait attribuable à Gravel. Au moment où il assiste à une des répétitions de ce big band, chaque lundi au El Casino, il est stupéfié quand Vogel et ses musiciens interprètent Georgia on My Mind de Ray Charles. Cette chanson faisant partie du spectacle d’Offenbach (Gerry en fait une interprétation saisissante), Johnny incite le chanteur à se rendre au El Casino pour assister à une de ces représentations. C’est ce qu’il fera, et même à plusieurs reprises. Vogel et Boulet font finalement plus ample connaissance jusqu’à envisager une association de ces deux groupes. Après quelques répétitions, deux spectacles sont présentés le 30 et 31 mars 1979 au Théâtre St-Denis. On enregistre celui du 31 et on en tire l’album En Fusion qui sera lancé le 12 février 1980 – il deviendra certifié disque d’or. De plus, une série de concerts époustouflants est présentée, marquant ainsi l’histoire du rock au Québec. En rétrospective à cette remarquable collaboration, le grand Vogel évoquera le talent particulier de Gravel en ces termes, ainsi que le rappelle Marie Desjardins dans Vic Vogel, histoires de jazz : « C’était, précise-t-il, le plus spontané ; il savait prendre des chances quand il jouait, comme un vrai jazzguy. ». Le 5 octobre 1980, au Gala de l’ADISQ, les récompenses fusent à nouveau pour Offenbach avec pas moins de trois Félix remportés : Groupe de l’année, Microsillon de l’année (avec En Fusion), et Spectacle de l’année (avec Offenbach au Forum). Finalement, un groupe de rock québécois a joué au Forum. Et on a même engagé John Mayall (le père du British blues) pour ouvrir l’événement. Avant la fin de cette année faste de 1980, on lance l’impeccable Rock Bottom. Malheureusement, ce deuxième effort anglophone ne récolte guère le succès escompté hors frontière, et il est boudé par l’auditoire québécois, tout comme ce fut le cas pour l’album Never Too Tender. Gravel a toujours été enthousiasmé à l’idée de percer le marché américain, mais, selon lui, ces deux albums anglophones étaient malheureusement condamnés à l’échec dès le départ.

En 1981, Offenbach revient en force avec un album en français, Coup de Foudre. En août et septembre, l’imposante tournée Québec Rock prend la route avec Garolou, Zacharie Richard et, bien sûr, Offenbach en tête d’affiche. D’ailleurs, pour le spectacle présenté au Forum de Montréal, on fait appel à nul autre que Joe Cocker pour réchauffer l’assistance. En 1982, le batteur Pat Martel remplace Robert Harrisson et, l’année suivante, Offenbach lance l’album Tonnedebrick qui connaîtra un succès mitigé. Néanmoins, une tournée comparable à celle de Québec Rock s’organise : À fond d’train. Cette fois, le convoi roule avec Plume Latraverse avec Pierre Flynn aux claviers. Le 17 septembre 1983, on enregistre le spectacle donné au Forum de Montréal et un double album de cet événement sera commercialisé au mois de décembre.

Malgré des succès répétés – surtout en spectacle – le groupe constate que son inspiration s’étiole sérieusement. En fait, la toxicomanie est devenue une sorte de mode de vie. C’est l’une des raisons faisant en sorte que McGale (le plus sobre) devient le membre le plus actif chez Offenbach. Ainsi le rôle de compositeur principal repose de plus en plus sur ces épaules. Quant à Gerry, il flirte avec l’idée de quitter le groupe, question de se retrouver seul maître à bord de son navire. Il s’y essaie en 1984 avec un premier album solo en carrière, Presque 40 ans de blues. De son côté, McGale met en place pour Offenbach un environnement musical avec les nouvelles technologies du moment : batterie électronique et guitare synthétiseur. En mai 1985, RockOrama est lancé et Offenbach renoue avec le succès sur album. Malgré cela, Boulet n’a pas renoncé à son idée de dissoudre le groupe. Au cours de l’été, il l’annonce aux quatre autres membres. Gravel est bouleversé par cette nouvelle, lui qui, avec Boulet, est le seul membre à avoir traversé toutes les époques d’Offenbach. Malgré ce bouleversement, on décide de terminer l’aventure en grande pompe et sur une note positive. Le 1er novembre le groupe présente un ultime spectacle au Forum de Montréal : le temple du rock international au Québec, où Offenbach n’en est pas moins qu’à son quatrième spectacle en carrière. Bien entendu, on en profite pour immortaliser l’événement avec la réalisation d’un double album et d’un film. Si le mois de novembre marque la fin d’Offenbach, Gravel est sur le point de commencer une autre aventure qui n’a rien à voir avec le rock and roll. Le 20 décembre 1985, la conjointe de Jean donne naissance à leur fille, Maude.

Patriotes modifier

Au lendemain du démantèlement d’Offenbach, Jean Gravel est professionnellement laissé à lui-même. Ne faisant pas partie d’un groupe, il n’a aucun spectacle en vue. À Longueuil, dans son nouveau cocon familial, il est confiné pour la première fois de sa carrière. Du reste, cette situation lui donne l’occasion d’expérimenter son nouveau rôle de père – un changement draconien avec sa vie de tournée rock. Heureusement, cette sabbatique ne s’avèrera pas trop longue pour le musicien qu’il est.

Février 1987, le nouveau trio Patriotes (groupe, dont le chanteur guitariste, Réjean Gaudreau, a une voix puissante façon Gerry Boulet) a élaboré un spectacle qui rend un hommage au rock québécois. Bien entendu, les pièces d’Offenbach occupent une place d’importance dans le répertoire. Gravel est invité à participer à quelques concerts pour tenir le rôle du guitariste soliste, et ce, lors de l’interprétation des pièces de son groupe. Gravel améliore la notoriété de cette jeune formation. Après ces quelques spectacles, il rejoint officiellement Patriotes, au plus grand bonheur de ses trois membres et de leur imprésario, Marc Lessard. Rapidement le groupe devient très solide et les spectacles se multiplient. Patriotes accompagne même Gerry Boulet lors de quatre de ces spectacles, qui marque son retour sur scène depuis la dissolution d’Offenbach. De 1987 à 1991, Patriotes présente trois cents spectacles et enregistre en 1990 une version rock de la chanson de Félix Leclerc L’alouette en colère. En juin 1991, Réjean Gaudreau dissout le groupe pour se consacrer à sa carrière solo.

Offenbach avec Martin Deschamps modifier

Les années quatre-vingt-dix se révèlent la période la plus difficile de la carrière du guitariste. En 1994, soit trois ans après la fin de l’aventure Patriotes, Gravel s’associe avec le chanteur-guitariste Michel Laroche. Ensemble, ils forment un groupe de cinq musiciens. Mais, l’aventure tourne rapidement au vinaigre. Il faut préciser que la personnalité du petit Jean de Granby est de plus en plus incarnée en celle du rockeur Johnny, un individu dépendant à l’alcool, dont la consommation atteindra au fil des ans un niveau inquiétant. De fait, sa santé n’est pas à son mieux, ce qui a notamment comme conséquence d’assombrir son jeu à la guitare, causant ainsi des failles dans sa vélocité lors de certains spectacles. Néanmoins, l’émotion sonore qui caractérise ses solos à la guitare est toujours bien présente, palliant en partie auxdites lacunes. À la suite de la mort de Gerry Boulet, en 1990, l’idée d’une reformation d’Offenbach est difficile à envisager sans cette figure de proue à l’avant-scène. Toutefois, en 1997, les trois membres actionnaires d’Offenbach Inc. (Gravel/Leboeuf/McGale) recrutent l’impressionnant Martin Deschamps : un jeune chanteur issu du groupe Câline de Band rendant hommage à Offenbach. On complète le son d’Offenbach avec l’ajout du claviériste-saxophoniste-chanteur Jacques Harrisson et du batteur Christian Lajoie. Ce nouveau partenariat ouvre tout un chapitre dans l’histoire du groupe et redonne par le fait même un nouveau souffle musical à Johnny. Plusieurs spectacles (surtout lors des festivals estivaux) sont présentés en 1997 et 1998, et ce, au plus grand plaisir des fans d’Offenbach. Néanmoins, on décide de mettre la tournée de côté pour composer un album. Toutefois, rien n’avance dans ce projet. Acculé à cette situation, le groupe se met sur pause. En 2000, Deschamps décide de foncer : il entame une carrière solo. Il connaîtra un succès considérable avec son premier album : Comme je suis. Du reste, on y retrouve une composition de Gravel, À soir.

2001. Pierre Harel, bien connu pour sa participation plus qu’importante dans l’éclosion d’Offenbach, conçoit l’audacieux projet de commémorer le fameux spectacle donné en 1972 à l’Oratoire Saint-Joseph. Les musiciens de deux grandes époques d’Offenbach s’unissent en un groupe imposant : les membres actuels d’Offenbach Gravel/LeBoeuf/McGale et certains des anciens Offenbach Belval/Harel/Lamothe. En mai, la formation présente une série de quatre spectacles au Petit Medley de Montréal, idée de souder musicalement les musiciens avant le grand événement. D’ailleurs, au cours de cette même année, Gravel collabore avec ces anciens collègues à l’enregistrement des albums Hotel Univers et Félix Leclerc en colère (ils seront lancés simultanément en février 2002). De plus, lors de l’été 2001, Offenbach donne quelques spectacles en formule Big Band (n’étant pas celle de Vogel) avec Justin Boulet comme chanteur principal. Toutefois, ce partenariat est laissé en plan. Le 10 février 2002, Offenbach présente la fameuse commémoration à l’Oratoire Saint-Joseph, qui profite d’une retransmission radiophonique et télévisuelle en direct. L’événement est un franc succès.

L’année 2004 débute sur une très mauvaise note pour Gravel. En effet, on lui a dérobé sa légendaire guitare : la Fender Stratocaster 1961 de couleur Olympic White qu’il possédait depuis 1984. L’instrument n’a toujours pas été retrouvé à ce jour. En août, Offenbach présente un spectacle à la Place des Arts de Montréal avec un renouvellement de la fusion d’Offenbach et du Vic Vogel Big Band. À cela s’ajoutent quelques chanteurs invités, dont Martin Deschamps. Ainsi, l’association Offenbach et Deschamps reprend du service ; en 2005 on lance l’album Nature, sur lequel on revisite le matériel d’Offenbach. Les guitares électriques ont été remplacées par des acoustiques. La seule chanson inédite est une composition de Gravel, L’amour est cruel. On profite de la sortie de cet album pour présenter un concert d’envergure au Centre Bell avec Michel Pagliaro et April Wine. Il s’ensuit une tournée estivale de spectacles avec la fusion d’Offenbach et du Vic Vogel Big Band. Après ces événements marquants, Deschamps retourne à sa carrière solo avec la sortie, en 2006, de son troisième album studio, Intense. Quant à Leboeuf, il décide de rejoindre April Wine. Ainsi, il se dissocie d’Offenbach Inc. Cette situation pourrait résonner dans l’esprit de Gravel et de McGale comme le son du glas d’Offenbach. Néanmoins, à compter de 2008, on décide de continuer l’aventure avec de nouveaux musiciens.

Le retour à la musique modifier

En septembre 2015, Pierre Harel, avec la collaboration de Patrick « Patsou » Lebrasseur, crée une association de musiciens et paroliers ayant travaillé de près ou de loin avec les groupes Offenbach et/ou Corbeau. Le projet est nommé SOS R'N’R. Il va de soi d’inviter Johnny à participer à l’aventure. En octobre « Patsou » rencontre pour une première fois Gravel. Dès lors une amitié et une collaboration s’établissent entre les deux hommes. Le premier projet de SOS R'N’R est un spectacle à l’Impérial Bell de Québec pour venir en aide à la Maison de Job (maison de thérapie pour polytoxicomanes de la région de la Capitale). Jean accepte de relever ce défi, et ce, malgré le fait qu’il n’ait pas touché à sa guitare depuis son AVC. Il doit quasiment réapprendre à jouer, d’autant plus que son annulaire et son auriculaire sont encore à demi paralysés – la tâche est évidemment ardue. De mars à mai 2016, Harel et « Patsou » (dans un geste de solidarité et d’encouragement) rendent régulièrement visite à Johnny qui s’efforce de réapprendre une dizaine de pièces du répertoire d’Offenbach en vue de ce spectacle. C’est ainsi que le 26 mai 2016, Johnny Gravel fait son retour sur scène dans une salle comble qui accueille chaleureusement le guitariste. Ce spectacle a sans doute été le plus grand défi que le guitariste a relevé dans sa carrière.

Guidé par l’enthousiasme que ce spectacle a suscité chez lui, Gravel décide de monter un court répertoire de chansons. De juin à novembre 2016, il travaille sa voix et sa guitare acoustique en prévision d’une petite performance amicale et sans prétention. Le 28 novembre, à La Marche à Côté, un petit bar de la rue Saint-Denis à Montréal, Jean présente son premier spectacle en solo de sa carrière – un pas de géant vers l’avant pour le musicien.

Jean continue de s’exercer sur sa guitare en prévision des quelques spectacles à venir avec SOS R'N’R en 2017. À force de patience et de détermination, il retrouve graduellement sa dextérité et ses performances sur scène sont de plus en plus convaincantes. En effet, l’aventure se poursuit au cours des années 2018 et 2019 avec quelques spectacles supplémentaires.

2020. Bien que Jean Gravel se considère à la retraite, il participe néanmoins à l’élaboration d’un site Web consacré à sa carrière. Surtout, il a travaillé pendant plus d’un an à l’élaboration de pièces musicales qu’il a enregistrées et lancées en mars 2021 sous le titre Sessions acoustiques Vol. 1. Ce passionné de la musique continue de prendre soin de sa santé. D’ailleurs, il est toujours sobre depuis 2012 et il a bien l’intention de le rester (tête de mule oblige). Amis, musiciens, ainsi que sa fille et son petit-fils, lui rendent visite sporadiquement pour partager de bons moments avec lui.

Jean Gravel, cet homme fascinant, est un des pionniers du rock québécois qui a réussi à force de passion à laisser une empreinte indélébile dans le milieu, notamment grâce à son jeu à la guitare si particulier et grandement inspiré.

Discographie modifier

Solo modifier

  • 2021 : Sessions acoustiques vol. 1 - Phono Records PR-JG-0001
  • 2022 : Sessions acoustiques vol. 2 - Phono Records PR-JG-0008

Notes et références modifier

Bibliographie modifier

  • Marie Desjardins : Vic Vogel « Histoires de jazz, Montréal, 2013, Les Éditions du CRAM
  • Pierre Harel : Harel Rock ma vie, les Éditions Libre Expression, 2005
  • Mario Roy : Gerry Boulet, Avant de m'en aller, Montréal, Art Global, 1991
  • Manon Guilbert : Gerry d'Offenbach La Voix que j'ai, Les Éditions Rebelles, Verchères (Québec), 1985
  • Maryse Pagé : Martin Deschamps Portrait d’un rocker, Les Éditions au Carré inc. 2005