Jean II d'Alençon (Valois)

duc d'Alençon (1415-1474)

Jean II d'Alençon, né à Argentan le , mort à Paris le , duc d'Alençon, comte du Perche, fils de Jean Ier et de Marie de Bretagne, fille du duc Jean IV, était un prince de sang et un chef de guerre français du XVe siècle et compagnon d'armes de Jeanne d'Arc.

Jean II d’Alençon
Image illustrative de l’article Jean II d'Alençon (Valois)
Jean d’Alençon, en habit de chevalier de la Toison d'or.

Titre Duc d'Alençon, comte du Perche.
(1415-1473)
Grade militaire Lieutenant-général
Années de service 1424 - 1449
Conflits Guerre de Cent Ans
Praguerie
Faits d'armes Siège d'Orléans
Bataille de Jargeau
Bataille de Meung-sur-Loire
Bataille de Patay
Distinctions Chevalier de l'ordre de la Toison d'or
Autres fonctions Poète
Biographie
Dynastie Maison capétienne de Valois (dynastie capétienne)
Naissance
Essay
Décès (à 67 ans)
Paris
Père Jean Ier, duc d'Alençon
Mère Marie de Bretagne
Conjoint Jeanne d'Orléans
Marie d'Armagnac
Enfants Catherine
René

Blason de Jean II d’Alençon

Biographie modifier

Premières armes modifier

Jean n'a que six ans lorsque son père est tué à la bataille d'Azincourt. À 14 ans, en 1423, il est choisi comme parrain du dauphin, le futur Louis XI[1]. L'année suivante, il est fait prisonnier lors de la bataille de Verneuil et ne retrouve la liberté qu'en 1427[2], contre une rançon de vingt mille saluts d'or. La conquête anglaise de la Normandie lui ayant fait perdre ses terres, il se retrouve financièrement aux abois, ce qui explique ses multiples retournements par la suite.

Le « gentil duc » de Jeanne d'Arc modifier

En 1429, il rejoint l'armée de Jeanne d'Arc qu'il rencontre à Chinon. Il devient un des amis proches de la Pucelle qui le surnomme le « gentil duc ». Il l'accompagne dans ses campagnes, et notamment au siège d'Orléans. Par la suite, il est nommé lieutenant-général du roi. Le médiéviste Xavier Hélary précise que Jean d'Alençon est placé à la tête de l'armée royale tant en raison de son rang que de la situation précaire de son duché normand. De fait, le duc est un prince du sang en tant que descendant du frère cadet d'un roi de France ; en outre, fait prisonnier par les Anglais à Verneuil en 1424, dépossédé de ses domaines et ruiné par le paiement d'une énorme rançon, Jean d'Alençon souhaite vivement en découdre avec ses anciens geôliers[3].

Il combat sur la Loire aux côtés de Jeanne. Le , il remporte la victoire de Jargeau et prend la ville, où s'était réfugié le comte de Suffolk. Il contribue aussi au succès de Patay. Il participe en juillet à la marche sur Reims, puis le , arme Charles VII chevalier avant d'assister à son sacre.

Après ses succès, Alençon tente de convaincre le gouvernement de Charles VII de marcher sur Paris, avec l'arrière-pensée que, la capitale prise, on pourrait ensuite libérer ses terres normandes. Il prépare avec Jeanne l'assaut de la capitale mais, le roi hésitant, il le fait ramener à Saint-Denis et ordonne une attaque le 8 septembre, par la porte Saint-Honoré. C'est un échec cuisant : Jeanne est blessée tandis que l'armée royale doit se replier sur la Loire.

Opposé à la trêve de Compiègne signée avec les Bourguignons, Alençon tente à l'hiver 1429-1430 de monter une expédition en Normandie, sans succès, et comme Jeanne doit ronger son frein devant les atermoiements du gouvernement du favori La Trémoille. Ulcéré, il comprend qu'il n'a rien à attendre de La Trémoille et quitte la cour, cédant son poste de lieutenant-général au comte de Vendôme. Les mois suivants, il est occupé par une guerre privée contre le duché de Bretagne.

La Praguerie modifier

En 1435, le duc d'Alençon est fort marri par le traité d'Arras signé entre Charles VII et le duc Philippe le Bon, car elle lui fait perdre ses chances de récupérer un jour son duché. Il estime de plus insuffisante la pension de 12 000 livres que lui accorde le roi.

Ambitieux et mécontent du gouvernement royal, Alençon est avec le duc de Bourbon l'instigateur de la Praguerie en 1440. Déjà trois ans auparavant il avait participé à une tentative de coup de force contre le roi. Cette fois il parvient à obtenir la complicité de son filleul le dauphin Louis contre son père Charles VII. Avec Bourbon, il réclame le renvoi du gouvernement du favori Charles du Maine, et le placement du roi sous la tutelle du dauphin. Il est bien entendu que ce dernier ne doit lui-même n'être qu'un jouet entre les mains des deux ducs, qui se partageraient le pouvoir.

Il voit saisir sur lui pour trahison, en 1431, avec tous ses autres domaines, la baronnie de Château-Gontier. Il en jouissait quand même sous certaines réserves : le (n. s.) il y signe un acte.

Toutefois, il doit rapidement faire face à l'armée royale qui met le siège devant Niort, où s'étaient fixés les princes. Alençon négocie une trêve et tente d'appeler les Anglais à la rescousse mais échoue, ce qui le contraint à fuir en Auvergne. La cause étant perdue, il signe une paix séparée avec le roi et se soumet.

Le duc félon modifier

 
Miniature de Jean Fouquet représentant le lit de justice de Vendôme, « l'un des points d'orgue du procès d'Alençon » (Boccace de Munich)[4].

Pardonné, le duc d'Alençon rentre en grâce mais désormais ne songe plus qu'à ses intérêts propres. Dès 1442, il entame des négociations avec l'Angleterre et ne cesse dès lors de mener double jeu, ce qui ne l'empêche pas de participer aux campagnes de Charles VII, comme en Normandie en 1449. Il occupe alors Sées et Alençon et recouvre ses terres. Mais il ne devient pas fidèle pour autant.

En 1455-1456, il conspire avec le duc d'York en lui proposant de lui livrer des places fortes en Normandie, prélude à une nouvelle invasion du royaume. Mais le complot est découvert à cause de la trahison d'un émissaire nommé Pierre Fortin, et Alençon est arrêté en son hôtel de Paris par Dunois le , puis incarcéré à Aigues-Mortes.

En 1458 Charles VII désireux d’en finir avec cette sombre affaire, invita, par lettre datées du 24 mai de Montrichard, les pairs de France, les membres du parlement et les Grands Officiers de la couronne à se réunir à Montargis du 1er au 8 juin pour y tenir un lit de justice. Devant les refus de quelques-uns, comme le duc de Bourgogne, de rallier cette ville, Charles VII, demeuré alors prudemment à Beaugency, n’insista pas et reporta le procès au mois d'août, mais à Vendôme cette fois.

Le , il est condamné à mort et son duché est confisqué. Toutefois Charles VII le gracie et permet à la duchesse Marie de conserver le comté du Perche.

Gardé sous les barreaux à Loches, Louis XI le libère au moment de son avènement, en 1461, mais le duc doit céder quelques villes au domaine royal.

Libéré, le duc ne s'assagit pas pour autant : il fait assassiner Fortin, qui l'a perdu en 1456, et n'hésite pas à fabriquer de la fausse monnaie. En 1465, il se rallie aux princes rebelles lors de la ligue du Bien Public et livre Alençon au duc de Normandie. Son fils René, resté fidèle à Louis XI, redonne la place à ce dernier, ce qui permet à son père de s'en tirer une nouvelle fois sans dommage.

Charles IV, comte du Maine, lui remet, en 1465, la peine encourue pour défaut d'hommage. Il rentre officiellement dans ses biens en 1466.

En 1468, Jean d'Alençon récidive en se ralliant cette fois-ci à François II de Bretagne, alors en conflit avec la couronne. Il subit une nouvelle confiscation de ses domaines au profit de Jean de Bourbon, comte de Vendôme, en 1469.

La chute d'un aventurier modifier

En 1473, il conspire de nouveau, cette fois avec le duc de Bourgogne Charles le Téméraire, auquel il propose ni plus ni moins de vendre son duché ainsi que le comté du Perche. Il est de nouveau arrêté en février et emprisonné au château de Rochecorbon près de Tours, puis après quelques tribulations, enfermé au Louvre, afin d'être jugé par le Parlement[5]. Louis XI confisque ses terres et prend en personne possession d'Alençon le tandis que la duchesse est chassée du Perche.

En 1474, le duc est pour la seconde fois condamné à la peine capitale. Mais Louis XI ne fait pas procéder à l'exécution de son parrain et le laisse en prison au Louvre. Le , le Parlement de Paris arrête ses procès[5]. Le vieux duc est finalement libéré en 1476 et meurt peu après. Il laisse sa fortune à son fils, en 1476.

Mariages et enfants modifier

Il épousa en premières noces à Blois en 1424 Jeanne (1409 † 1432), fille de Charles, duc d'Orléans, et d'Isabelle de France, mais n'eut pas d'enfants de ce mariage.

Veuf, il se remaria au château de L'Isle-Jourdain le avec Marie d'Armagnac (14201473), fille de Jean IV, comte d'Armagnac, et d'Isabelle de Navarre, fille de Charles III de Navarre, et eut :

Il eut plusieurs enfants bâtards :

Ascendance modifier

Notes et références modifier

  1. Paul Murray Kendall, Louis XI, Fayard, 1974.
  2. Bulletin de la Société historique et archéologique de l'Orne, « Le duc Jean II et ses mandements par L.M. DUMAINE », 1883-1903.
  3. Contamine, Bouzy et Hélary 2012, p. 144-145.
  4. Mercier 2011, p. 151-152.
  5. a et b L'arrêt du Parlement de Paris du 18 juillet 1474 contre Jean d'Alençon, qui condamna à mort, donne des renseignements complets : fabriqué de la fausse monnaie ; des négociations avec les Anglais pour en obtenir des subsides et leur livrer, contre le duché de Gloucester en Angleterre, les places qu'il possédait en Normandie ; des intrigues pour empêcher le mariage d'Édouard IV d'Angleterre avec la fille du comte de Foix, et celui de René d'Alençon, son propre fils, avec la sœur du duc de Bourbon, auxquels Louis XI était favorable ; sa connivence avec les princes français hostiles au roi, et en particulier avec le duc de Bourgogne, auquel il s'était engagé à remettre son apanage, et qui lui avait proposé un asile dans ses États en cas de nécessité. (D'après Anselme, t. III, p. 274 et suivantes, Joseph Vaesen et Étienne Charavay, Lettres de Louis XI t. V p. 107, note no 1, Librairie Renouard, Paris 1895).
  6. Acte de reconnaissance de 1478 - côte 2E-71 et 2E-72 - Archives départementales de l'Orne.
  7. L'abbé Angot s'interroge de savoir s'il portait réellement ce nom ou non ?

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Franck Collard, « Chronique judiciaire ? Le procès du duc d’Alençon et la littérature historiographique du temps », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, no 25 « Le droit et son écriture. La médiatisation du fait judiciaire dans la littérature médiévale (sous la direction de Joël Blanchard et Renate Blumenfeld-Kosinski) »,‎ , p. 129-143 (lire en ligne).
  • Philippe Contamine, « Le premier procès de Jean II, duc d'Alençon (1456-1458) : quels enjeux, quels enseignements politiques ? », dans Peter Hoppenbrouwers, Antheun Janse, Robert Stein (dir.), Power and Persuasion : Essays on the Art of State Building in Honour of W.P. Blockmans, Turnhout, Brepols, , 364 p. (ISBN 978-2-50353-211-0, DOI 10.1484/M.STMH-EB.3.2421), p. 103-122.
  • Philippe Contamine, Olivier Bouzy et Xavier Hélary, Jeanne d'Arc. Histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1214 p. (ISBN 978-2-221-10929-8, présentation en ligne).
  • Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Paris, Fayard, , 678 p. (ISBN 2-213-00898-1).
  • Gaston du Fresne de Beaucourt, « La conspiration du duc d'Alençon (1455-1456) », Revue historique, Paris, Bureaux de la revue, t. V,‎ , p. 410-433 (lire en ligne).
  • Pierre Gourdin, « Monseigneur d'Alençon, le « Beau Duc » de Jeanne d'Arc, en Touraine », Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, vol. 39,‎ , p. 419-428 (lire en ligne).
  • Pierre Gourdin, « Le commandement de Jean II d'Alençon et la date du voyage de Jeanne d'Arc en Anjou », Société des lettres, sciences et arts du Saumurois, no 131 (73e année),‎ , p. 35-42 (lire en ligne).
  • Logeais (abbé), « Jean II, duc d'Alençon, seigneur de Pouancé, Chateaugontier et La Flèche », Revue de l'Anjou et de Maine et Loire, Angers, Librairie de Cosnier et Lachèse, t. 2,‎ , p. 363-380 (lire en ligne).
  • Franck Mauger, « Les Valois-Alençon : une présence armagnaque en Normandie », dans Anne Curry et Véronique Gazeau (dir.), La guerre en Normandie (XIe-XVe siècle), Caen, Presses universitaires de Caen, coll. « Symposia », , 362 p. (ISBN 978-2-84133-889-4, lire en ligne), p. 159-178.
  • Franck Mercier, « Un prince de sang devant le tribunal de « l'opinion publique » ? Le procès pour crime de lèse-majesté de Jean d'Alençon (1456-1458) », dans Laurent Bourquin, Philippe Hamon, Pierre Karila-Cohen et Cédric Michon (dir.), S'exprimer en temps de troubles : conflits, opinion(s) et politisation de la fin du Moyen Âge au début du XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 377 p. (ISBN 978-2-7535-1697-7, lire en ligne), p. 147-158.
  • Franck Mercier, « « Un homme plein du diable ». Astrologie, magie et sorcellerie dans le procès pour crime de lèse-majesté de Jean II d'Alençon (1456-1458) », dans Franck Mercier et Isabelle Rosé (dir.), Aux marges de l'hérésie : inventions, formes et usages polémiques de l'accusation d'hérésie au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 378 p. (ISBN 978-2-35723-021-7, lire en ligne), p. 331-352.

Liens externes modifier