Jean Boinod

militaire suisse

Jean Daniel Mathieu Boinod, né le à Vevey, canton de Vaud (Suisse) et mort le à Paris, est intendant militaire suisse puis français.

Jean Boinod
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Décrété de prise de corps[Quoi ?] par Berne pour avoir participé aux banquets de 1791, Boinod (alors appelé l'Américain) s'engagea à la Légion des Allobroges, y fut quartier-maître trésorier (1792), puis commissaire des guerres (1793). Il fait la campagne d'Égypte. Il est Commissaire ordonnateur de l'armée d'Italie en 1800, inspecteur aux revues en 1800, et inspecteur en chef en 1810 avec un prétendu grade de général. D'une probité exemplaire et fidèle à Napoléon, il le suivit à l'île d'Elbe comme administrateur. Inspecteur aux revues de la Garde impériale en 1815, il sera réduit à de modestes emplois sous la Restauration. Intendant militaire (1830-1832). Commandeur de la Légion d'honneur (1831), chevalier de la Couronne de Fer.

Biographie détaillée modifier

Il fut d'abord imprimeur-libraire, entra au service le , comme quartier-maître trésorier dans la légion des Allobroges. il devient Commissaire des guerres provisoire, le 25 brumaire an II, et employé à l'armée de siège de Toulon au service de l'artillerie. C'est là que commencèrent ses relations avec Napoléon Bonaparte et que s'établit entre eux cette intimité qui résista à toutes les épreuves. Boinod ne fit pas partie de l'organisation du 25 prairial an III[1].

Boinod fut nommé enfin commissaire des guerres titulaire, le 17 vendémiaire an IV, à l'armée d'Italie[2]

Boinod fit partie de l'expédition d'Égypte[3].

Nommé inspecteur aux revues le 18 pluviôse suivant, il se rendit à Bourg[Où ?] pour la levée et l'organisation des bataillons du train d'artillerie. Il alla ensuite, en Valais, afin de préparer à assurer les subsistances et les transports pour le passage du Saint-Bernard.

II fit la campagne de l'an VIII à l'armée d'Italie, en qualité d'ordonnateur en chef. Le 25 nivôse an X, il fut nommé inspecteur aux revues, attaché à la place de Besançon.

Boinod, dans l'inflexibilité de ses principes, fut le seul de la vieille armée d'Italie qui protesta par un vote négatif contre le consulat à vie. Le premier consul ne s'en montra point offensé et le 12 vendémiaire an XII, il l'employa auprès de la cavalerie des camps établis sur les côtes de l'océan. Quelque temps après, quand le peuple dut se prononcer au sujet de l'érection de l'Empire, Murat remit au premier consul le vote des corps de cavalerie et lui dit qu'il y avait un seul opposant. « Quel est-il ? demanda-t-il vivement. —C'est l'inspecteur Boinod. — Je le reconnais bien là ; c'est un quaker. »

Le 4 germinal an XII, l'Empereur intégra Boinod à la liste des membres de la Légion d'honneur. Boinod fit les campagnes de l'an XIV à la grande armée et eut, le , l'inspection du 2e corps dans le Frioul.

Le 17 septembre suivant, l'Empereur l'attacha au ministère de la guerre du royaume d'Italie et écrivit au vice-roi : « Je vous envoie Boinod, laissez-le faire. »

Nommé chevalier de la Couronne de Fer et officier de la Légion d'honneur, il reçut en 1808 une mission importante en Dalmatie et s'en acquitta avec le plus grand succès[4].

Nommé inspecteur aux revues de l'armée d'Italie, le prince vice-roi lui confia () l'intendance générale de ladite armée en Allemagne. Inspecteur en chef, par décret impérial du , il continua de servir à l'armée d'Italie.

Vers cette époque, l'armée vivait encore au moyen de réquisitions. Plusieurs des principaux habitants du pays ayant cru nécessaire de demander un abonnement, nommèrent une députation qui devait se rendre auprès de l'Empereur à l'insu de Boinod ; celui-ci, en ayant eu connaissance, prit la poste et arriva à Paris un jour après les députés. Ceux-ci, déjà reçus par l'Empereur, lui avaient proposé un abonnement de 17 millions auquel il paraissait disposé à consentir. Le lendemain, Boinod accourut : « Je viens, dit-il, empêcher Votre Majesté de commettre une grande faute. » Et il expose ses projets[5].

Comme premier administrateur de l'Italie, il lui était alloué 12 000 francs par mois pour frais de bureaux. Après quelques mois de service, il reconnut que 6 000 francs lui suffisaient et il remboursa le surplus au trésor.

Pendant qu'il était au ministère de la guerre du royaume d'Italie, l'Empereur mit à sa disposition des fonds qui ne furent pas tous employés. Le reliquat se montait à une somme d'environ cent mille francs dont il voulut faire le versement au trésor. L'Empereur s'y opposant, Boinod insista, affirmant que son traitement lui suffisait et il réintégra les fonds à la caisse publique.

Après le départ de Napoléon pour l'île d'Elbe, Boinod qui avait protesté contre l'Empire, courut se ranger aux côtés de son bienfaiteur, de son ami. Abandonnant sa position, compromettant son avenir, il se rend en Suisse, y installe sa femme et ses enfants et après avoir traversé l'Italie, il s'embarque incognito à Piombino dans une petite barque qui conduisait des ouvriers tanneurs à l'île d'Elbe.

Il débarque, au mois d'août, à Porto-Longone. L'Empereur s'y trouvait alors et fit à Boinod l'accueil le plus bienveillant. Le lendemain, un ordre du jour apprit aux troupes que M. Boinod était chargé en chef des services administratifs de l'île d'Elbe. L'Empereur le laissa maître de fixer lui-même ses appointements. Celui qui aurait pu recevoir des millions, accepta seulement 3 000 francs, dont 900 francs furent consacrés à son secrétaire et 600 à son domestique.

Rayé des contrôles du corps des inspecteurs aux revues, Boinod revint en France avec l'Empereur et fut nommé inspecteur en chef aux revues de la garde impériale. Il reçut 40 000 francs pour frais d'installation. La caisse d'un des régiments soumis à sa surveillance se trouvant à découvert d'une pareille somme, il envoya au chef du corps ces 40 000 francs en l'invitant à combler un déficit qu'il serait sinon obligé de signaler.

Rayé de nouveau des contrôles après la seconde abdication, il fut admis à la retraite le et se vit bientôt obligé d'accepter, pour soutenir sa famille, le modeste emploi d'agent spécial de la Manutention des vivres de Paris, qu'il exerça pendant douze années. Il apporta dans ce service d'immenses améliorations qui produisirent d'importantes économies pour l'État et une nourriture infiniment supérieure pour le soldat.

Après la révolution de juillet, nommé président de la commission des anciens fonctionnaires militaires, il donna sa démission de directeur des subsistances. Il reprit son rang comme intendant militaire dans le cadre d'active et fut nommé commandeur de la Légion d'honneur.

Admis de nouveau à la retraite le , il avait alors quarante ans de services effectifs et pour toute fortune sa pension de retraite, son traitement d'officier de la Légion d'honneur ainsi que les 50 000 francs auxquels se réduisit en réalité le legs que lui avait fait l'Empereur[6].

Il meurt à Paris le . Le corps de l'intendance militaire lui fit élever un modeste tombeau au cimetière du Montparnasse[7]

Il se signala par son habileté et son intégrité dans le service des subsistances militaires pendant les guerres de l'Empire, ce qui lui valut de figurer pour un legs de 100 000 francs sur le testament de Napoléon Ier par son troisième codicille du .


Hommages modifier

La 24e promotion (2009) des commissaires de l'École militaire supérieure d'administration et de management de l'Armée de Terre a été baptisée "Commissaire ordonnateur Boinod".

Des rues portent son nom, notamment à Paris.

Notes et références modifier

  1. Le général Bonaparte lui écrivait à ce sujet :
    « Je ne vous ai pas écrit, mon ami, parce que je n'avais aucune nouvelle agréable à vous donner. Vous n'êtes pas conservé commissaire des guerres : mais il est possible que cela change avant mon départ de Paris, qui ne sera pas encore d'ici à quelques décennies. Donnez-moi de vos nouvelles. L'on est ici tranquille. Je vous envoie quelques numéros de la Sentinelle de Louvet. Les nouvelles du Midi sont toutes affligeantes ; l'escadre perd un vaisseau; l'armée d'Italie évacue les positions, les places intéressantes et perd son artillerie. Le magasin à poudre de Nice saute ; les terroristes nouveaux ont le dessus ; on égorge de tous côtés. Il faut espérer que bientôt un gouvernement ferme et mieux organisé fera cesser tout cela. Adieu, mon ami, écrivez-moi. « BONAPARTE. »
    Au bas de cette lettre, le général indiquait ainsi son adresse :
    « Au général Bonaparte, sous l'enveloppe du citoyen Casabianca, représentant du peuple, rue de la Michodière, rue 6. »
  2. Il y déploya tant d'intelligence, de probité et d'activité que le général en chef lui envoya une gratification de cent mille francs, Boinod lui écrivit : «Je ne te reconnais pas, citoyen général, le droit de disposer ainsi des deniers de la République. L'armée souffre ; je viens d'employer cette somme à ses besoins. » À cette même armée d'Italie, Boinod signe un marché ; mais il s'aperçoit que le fournisseur a trop d'avantage. Il lui dit : « Je vais faire casser le marché par le ministre, si tu ne me donnes un pot-devin! — Comment, vous, citoyen Boinod, un pot-de-vin! — Oui, moi, et je veux 30.000 francs. » Le fournisseur en prend l'engagement par écrit, et, sur le premier bordereau ordonnancé à son profit, Boinod écrit : « A déduire 30.000 francs que le fournisseur a promis de me donner, et qui appartiennent à la République. »
  3. Le 23 nivôse an VII, en signant sa commission de commissaire ordonnateur, le premier consul ajouta de sa main, en marge du mémoire de proposition : « II sera écrit au citoyen Boinod une lettre de satisfaction sur le zèle qu'il a toujours montré, sur son exacte probité, sur sa sévérité à empêcher les dilapidations, et cette lettre sera imprimée au journal officiel.
  4. Présenté pour le titre de baron lors de la création de la noblesse impériale : « Vous ne le connaissez pas, dit Napoléon en le rayant ; mais moi je le connais ; il refuserait. »
  5. « Je connais les ressources du pays ; chargez-moi de cette négociation et vous obtiendrez près du double. — J'ai confiance en vos lumières et en votre probité, M. Boinod; je vous donne mes pouvoirs, » lui dit l'Empereur. Le même jour, Boinod va trouver les députés qui se croyaient sûrs du succès. Il les détrompe en leur disant : « L'Empereur n'a point donné son consentement. J'ai ses pleins pouvoirs ; vous ne traiterez qu'avec moi et sur les lieux. » De retour à Milan, il obtint trente-deux millions.
  6. Boinod était au nombre de ceux dont le captif de Sainte-Hélène disait : Si je n'avais eu que des serviteurs de cette trempe, j'aurais porté aussi haut que possible l'honneur du nom français. J'en aurais fait l'objet du respect du monde entier.
  7. Il lui consacra une médaille en bronze représentant ses traits avec cette inscription latine : Pure àcta œtas. Portant en exergue, sur le revers, les mots suivants : il eut l'insigne honneur de figurer sur le testament de Napoléon, et au milieu :
    À Boinod,
    Inspecteur en chef aux revues,
    Le Corps de l'intendance militaire.
    Siège de Toulon,
    Italie,
    Égypte,
    Allemagne,
    Île d'Elbe.

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