Jacques Tardi

auteur de bande dessinée français
Jacques Tardi
Jacques Tardi à BDFIL 2021.
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Voir et modifier les données sur Wikidata (77 ans)
ValenceVoir et modifier les données sur Wikidata
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Dominique Grange (depuis )Voir et modifier les données sur Wikidata
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Jacques Tardi, né le à Valence (Drôme), est un auteur de bande dessinée et illustrateur français. Son œuvre, traduite en plusieurs langues, lui a valu une certaine notoriété et une reconnaissance critique au-delà même du monde de la bande dessinée. Lauréat du grand prix de la ville d'Angoulême en 1985 et du prix Saint-Michel, en 1977 et 1979, il a reçu de nombreuses autres récompenses, dont trois autres prix du festival d'Angoulême, deux prix Max et Moritz (Allemagne) et deux prix Eisner (États-Unis).

Il est surtout connu pour Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, série inspirée par le roman-feuilleton de la Belle Époque, son travail sur la Première Guerre mondiale (C'était la guerre des tranchées), et ses adaptations des romans de Nestor Burma.

Biographie modifier

Enfance et études modifier

Né le à Valence[1], Jacques Tardi passe son enfance dans l'Allemagne d'après guerre avec son père, militaire de carrière.

Il fait ses études à l'École des Beaux-Arts de Lyon, puis à l'École des Arts décoratifs de Paris[2].

Il dessine sa première bande dessinée en 1958-1959, après la découverte des albums d'Edgar P. Jacobs[3] : La Marque verte, en référence au sixième album de Blake et Mortimer, La Marque Jaune.

Carrière modifier

À partir de 1970, Tardi collabore à Pilote pour de courts récits écrits par Jean Giraud et Serge de Beketch[4]. Pour ce même magazine, il dessine en 1972 Rumeurs sur le Rouergue sur un scénario de Pierre Christin (édité en album broché par Futuropolis en 1976) ainsi que Adieu Brindavoine[4]. En 1973, il dessine des westerns de Claude Verrien puis, en 1974, Le Démon des glaces et La Véritable Histoire du soldat inconnu[4]. Il collabore ensuite pour plusieurs périodiques : Libération, Charlie Mensuel, L'Écho des savanes, Ah ! Nana, Métal Hurlant[4]...

En 1976, Tardi s'associe à Picaret pour Polonius et, à la demande de son éditeur Casterman[5], il commence une série qu'il poursuit jusqu'en 2022 : Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec. En 1979, il publie le livre Ici Même scénarisé par Jean-Claude Forest, prépublié l’année précédente dans À suivre. En 1982, il commence une autre grande série, celle des adaptations de Nestor Burma de Léo Malet avec Brouillard au pont de Tolbiac[6].

À la fin des années 1980, il illustre chez Futuropolis, en collaboration avec les éditions Gallimard, trois des principaux romans de Louis-Ferdinand Céline, dont Voyage au bout de la nuit .

À la fin des années 1990, il crée le feuilleton radiophonique Le Perroquet des Batignolles avec Michel Boujut, diffusé en 1997 sur France Inter.

En , il publie chez Futuropolis une adaptation du roman de Jean-Patrick Manchette, La Position du tireur couché[7].

En 2012, il publie Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II-B, à partir des souvenirs de la captivité de son père durant la Seconde Guerre mondiale.

Nommé chevalier de la Légion d'honneur en 2013[8], il refuse cette distinction en indiquant ne vouloir « rien recevoir, ni du pouvoir actuel, ni d'aucun autre pouvoir politique quel qu'il soit »[9].

Jacques Tardi est décrit en 2018 comme « un artiste profondément engagé au service de la mémoire et de l'histoire contemporaine »[10]. Selon Patrick Gaumer, il fait partie des « artistes les plus importants et les plus originaux de la bande dessinée internationale »[4].

Engagement militant modifier

Le , il est parmi les signataires de l'Appel des 58 : « Nous manifesterons pendant l'état d'urgence »[11],[12].

En , Jacques Tardi est signataire d’une pétition en collaboration avec des personnalités issues du monde de la culture pour boycotter la saison culturelle croisée "France-Israël", qui selon l'objet de la pétition sert de « vitrine » à l'État d'Israël au détriment du peuple palestinien[13]. En , il cosigne une tribune dans le Guardian[14] en soutien des artistes palestiniens ayant appelé à boycotter l'édition 2019 du concours de l'Eurovision qui doit se tenir en Israël[15]. En 2019, il cosigne dans Mediapart un appel au boycott de l'Eurovision à Tel Aviv[16].

Il participe régulièrement à des évènements de soutien à la librairie anarchiste Le Jargon Libre, tenue par son amie Hellyette Bess[17].

Vie privée modifier

Jacques Tardi est marié avec la chanteuse et traductrice Dominique Grange[18] depuis le [19] ; ils sont parents, par adoption, de quatre enfants nés au Chili[20].

Style et thématiques modifier

L'œuvre de Tardi présente des thèmes récurrents comme les faubourgs de Paris, les anars, quelques monstres, des soldats et la guerre, et, partout, la misère, la révolte… De ses choix d'auteurs (adaptés, illustrés comme Céline, Daniel Pennac, Jean Vautrin, Léo Malet…) se dégagent des cohérences affectives, imaginaires, mais aussi politiques.

Son style peut sembler proche de la ligne claire de Hergé, mais les ouvrages de Jacques Tardi ont une nette tendance à ridiculiser le concept du « héros », ses personnages peuvent être des antihéros complets, des victimes de la marche du monde sans prise (sauf accidentelle) sur celui-ci, voire de simples témoins refusant d'agir autrement que pour leur propre compte.

Première Guerre mondiale modifier

La Première Guerre mondiale est un événement omniprésent dans l'œuvre de Tardi[21]. Toute l'œuvre de Tardi est ponctuée d'albums qui lui sont directement consacrés (La véritable histoire du soldat inconnu, Le Trou d'obus, Où vas-tu petit soldat ?, C'était la guerre des tranchéesetc.), ou dont l'action se situe en amont ou en aval de cette période (Adieu Brindavoine, et les aventures d’Adèle Blanc-Sec, lesquelles débutent avant la guerre et reprennent après la guerre). On note toutefois une évolution : les premiers ouvrages utilisent la guerre comme un support, un fond pour raconter une histoire de bande dessinée tandis que les ouvrages plus récents sur ce thème sont plus historiographiques, exposant crûment la chronologie et les faits de la « der des ders ».

Son travail sur la Première Guerre mondiale, notamment C'était la guerre des tranchées et Putain de guerre !, est reconnu comme exceptionnel[22], pour sa qualité artistique, sa force expressive et sa grande rigueur historique (grâce à la collaboration avec l'historien Jean-Pierre Verney[23]).

Une exposition de planches originales, au festival d’Angoulême, a d'ailleurs été consacrée à cette partie de l’œuvre de Tardi[24],[25].

Pour finir, certains des détracteurs[Qui ?] de son œuvre lui reprochent son aspect « partisan ». De fait, Tardi dénonce régulièrement, à travers ses personnages, leurs discours et les péripéties auxquelles ils sont mêlés, les notions de patriotisme et de nationalisme[réf. nécessaire], les jugeant responsables de toutes les turpitudes et violences interétatiques du XXe siècle.

Seconde Guerre mondiale modifier

La Seconde Guerre mondiale est aussi présente dans l'œuvre de Tardi : en tant que toile de fond dans les albums des années 1980 (120 rue de la Gare ou Une gueule de bois en plomb, par exemple), et comme thème principal dans les récits plus récents (notamment Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II-B, qui se fonde sur le témoignage du père de l'auteur, officier dans les chars).

Paris modifier

Tardi vit et travaille depuis des décennies dans la capitale française et « a montré son goût certain et son talent extrême pour restituer Paris »[6] ainsi que l'attachement qui le lie à la ville dans la presque totalité de ses albums, de ses adaptations des Nouveaux mystères de Paris de Léo Malet mettant en scène Nestor Burma à la série Adèle Blanc-sec. Le Cri du peuple s'inscrit dans le prolongement de ce thème récurrent[6].

L'auteur a également mis un soin particulier à la réalisation de nombreuses lithographies, sérigraphies, estampes pigmentaires, affiches et cartes postales évoquant Paris:

Image externe
  Nestor Burma dans le 10e arrondissement de Paris, estampe pigmentaire en édition limitée[26].

Œuvres publiées modifier

 
Les neuf tomes originaux d'Adèle Blanc-Sec.

Albums de bande dessinée modifier

  1. Adèle et la Bête, 1976
  2. Le Démon de la Tour Eiffel, 1976
  3. Le Savant fou, 1977
  4. Momies en folie, 1978
  5. Le Secret de la salamandre, 1981
  6. Le Noyé à deux têtes, 1985
  7. Tous des monstres !, 1994
  8. Le Mystère des profondeurs, 1998
  9. Le Labyrinthe infernal, 2007 - Une partie a été prépubliée en trois livraisons mensuelles format journal vendues en librairies.
  10. Le Bébé des Buttes-Chaumont, 2022
  1. Brouillard au pont de Tolbiac, Casterman, 1982
  2. 120, rue de la Gare, Casterman, 1988
  3. Une gueule de bois en plomb, Casterman, 1990 (hors-série)
  4. Casse-pipe à la Nation, Casterman, 1996
  5. M'as-tu vu en cadavre ?, Casterman, 2000
  1. Les Canons du , 2001
  2. L'Espoir assassiné, 2002
  3. Les Heures sanglantes, 2003
  4. Le Testament des ruines, 2004
  1. 1914-1915-1916, 2008. Prépublié en trois livraisons mensuelles format journal vendues en librairies.
  2. 1917-1918-1919, 2009. Prépublié en trois livraisons mensuelles format journal vendues en librairies.
  1. L’Énigmatique Monsieur Schmutz, 2011
  2. La Ronde des canards, 2014
  • Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II-B, Casterman :
  1. Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II-B, 2012
  2. Mon retour en France, 2014
  3. Après la guerre, Casterman, 2018

Illustrations modifier

Couvertures de romans modifier

Textes illustrés modifier

Sauf précision contraire, les œuvres suivantes sont des romans.

Recueils d’illustrations modifier

  • Mine de plomb, Futuropolis, 1985.
  • Chiures de gommes, Futuropolis, 1985.
  • Tardi en banlieue, avec Jean Vautrin (texte), Casterman, 1990.
  • Un strapontin pour deux, avec Michel Boujut (collaboration au texte), Casterman, 1995.
  • Tardi par la fenêtre, avec Michel Boujut (texte), Christian Desbois, 1996.
  • Tardi. Carnet, Jcmenu éditeur, 2001.

Illustration de jeux de société modifier

Pochettes de disques modifier

  • Pigalle, Regards affligés sur la morne et pitoyable existence de Benjamin Tremblay, personnage falot mais ô combien attachant, Boucherie Productions, 1990
  • Dominique Grange, Hammam Palace, Celluloid, 1981
  • Francesca Solleville, Serge Utgé-Royo, Jacques Tardi, Bruno Daraquy, Dominique Grange, Le cri du Peuple, chansons de la Commune. 1871, Casterman, 2005

Impressions d'art modifier

64 estampes pigmentaires[31], sérigraphies, lithographies, affiches et cartes postales chez Christian Collin Éditions[26].

Feuilleton radiophonique modifier

Littérature jeunesse modifier

  • Le Voyage d'Alphonse (texte), avec Antoine Leconte (illustration), Duculot, 2003.

Cinéma modifier

Honneurs et distinctions modifier

Notes et références modifier

  1. « Jacques Tardi », sur fluctuat.net via Wikiwix (consulté le ).
  2. (Loiseau 2014)
  3. (Groensteen 1980), Repères Biographique.
  4. a b c d et e Gaumer 2010.
  5. Loiseau 2014.
  6. a b et c Robert Rouyet, « C'est la canaille eh bien, j'en suis. Osez, osez le défier, notre superbe drapeau rouge, rouge du sang de l'ouvrier », Le Soir,‎ .
  7. Site actualitte.com, consulté le .
  8. Décret du portant promotion et nomination.
  9. AFP, « Jacques Tardi refuse la Légion d'honneur », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  10. La rédaction, « Tardi pose ses planches à Falaise et Bâle », dBD, no 128,‎ , p. 12
  11. Collectif, « L'appel des 58 : « Nous manifesterons pendant l'état d'urgence » », Club de Mediapart,‎ (lire en ligne).
  12. AFP, « État d'urgence : 58 personnalités revendiquent la liberté de manifester », Le Point,‎ (lire en ligne).
  13. « Contre la saison France-Israël », sur mediapart.fr, (consulté le ).
  14. (en) « Boycott Eurovision Song Contest hosted by Israel », sur theguardian.com, .
  15. « Eurovision: Plus de 140 artistes appellent à boycotter l'édition 2019 en Israël », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  16. Les Invités De Mediapart, « Nous, artistes français, dénonçons l'Eurovision 2019 en Israël », sur Club de Mediapart (consulté le ).
  17. Yann Levy, « La « mama » du Jargon », sur cqfd-journal.org, CQFD, (consulté le ).
  18. Article de Rue89, pour la sortie du livre-disque 1968-2008... N’effacez pas nos traces !.
  19. Jacques Tardi, Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B, Casterman, , p. 77.
  20. Dominique Grange et Jacques Tardi, Élise et les Nouveaux Partisans, éditions Delcourt, p. 161.
  21. Yves-Marie Labé, « Dessiner l'enfer : Quand la BD représente la première guerre mondiale », Le Monde - Monde des livres,‎ (lire en ligne)
  22. Christine Ferniot et J.B., « Les écrivains et la guerre », Lire,‎  : « L'iconographie de la Grande Guerre doit beaucoup au génie de Jacques Tardi. »
  23. Dominique Bry, « La putain de guerre de Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney », Mediapart,‎  : « Par son association avec Jean-Pierre Verney, spécialiste de la Grande guerre, Putain de Guerre s’inscrit dans le droit fil de cette démarche historiographique. En mêlant récit de fiction, mais avec le souci de la véracité et la rigueur de la reconstitution historique. »
  24. Page officielle de l'exposition Tardi et la Grande Guerre.
  25. Muriel Fauriat, « Tardi, au plus près des tranchées », Le Pèlerin,‎ .
  26. a et b Catalogue des impressions d'art de Tardi sur le site de Christian Collin Éditions.
  27. Henri Filippini, « Tardi », Schtroumpfanzine, no 36,‎ , p. 24-25.
  28. Évariste Blanchet, « Jeux pour mourir », Critix, no 2,‎ , p. 14.
  29. Laurent Mélikian, « Le Cru Tardi '97 », BoDoï, no 3,‎ , p. 41.
  30. Henri Filippini, « L'étrangleur frappe à minuit », dBD, no 7,‎ , p. 28.
  31. « Ce procédé associe 11 encres pigmentaires à base d'eau qui permettent d'obtenir des couleurs vives et durables sur un papier d'art. Il est considéré comme une alternative plus respectueuse de l'environnement aux techniques d'impression traditionnelles, comme la lithographie ou la sérigraphie. » Source: Proust.art.
  32. « Affiche de Et vogue le navire » [image], sur Kiobuy.
  33. « Affiche d'Uranus » [image], sur Fondation Jérôme Seydoux-Pathé.
  34. « Affiche de Cookie's Fortune », sur Sens Critique.
  35. « Festival d'Angoulême », sur Encyclopédie Larousse (consulté le ).
  36. a et b Thierry Groensteen et collectif, Primé à Angoulême : 30 ans de bande dessinée à travers le palmarès du festival, Angoulême, Éditions de l'An 2, , 103 p. (ISBN 2-84856-003-7)
  37. La rédaction, « Angoulême planche sur l'avenir de ses bulles. Les Alph'arts remis par le jury », Le Monde,‎
  38. « Jacques Tardi refuse la Légion d'honneur », Le Monde,‎ (lire en ligne)

Annexes modifier

Documentation modifier

Ouvrages et numéros de revue modifier

  • Le Lézard no 4-5 : Tardi, Forest, .
  • Jean Arrouye (dir.), À la rencontre de Jacques Tardi, Bédésup, coll. « À la rencontre de... », .
  • Alain Foulet et Olivier Maltret, Presque tout Tardi, Sapristi, 1996.
  • Thierry Groensteen, Tardi : Monographie, Magic Strip, , 176 p.
  • Jacques Samson (dir.), Mieux vaut Tardi, Analogon, .
  • Bertrand Tillier (dir), Sociétés & Représentations no 29 : Tardi, 2010/1, 212 p.

Articles modifier

Interviews modifier

  • Jacques Tardi (int. Jean-Marc Vidal), « Le Prem's des prem's », dans BoDoï no 19, .
  • Jacques Tardi (int. Numa Sadoul), Tardi, Niffle, coll. « Profession auteur de bande dessinée », 2000.
  • Jacques Tardi (int. David Alliot), « Entretien avec Jacques Tardi », dans Le Bulletin célinien no 316, .
  • Jacques Tardi (int. Vincent Genot et Laurent Raphaël), « Tardi, tireur d'élite », dans Focus Vif, .
  • Jacques Tardi (int. Kim Thompson), « The Jacques Tardi Interview », dans The Comics Journal no 302, , p. T2-T91.
  • Jacques Tardi (int. Loran), « Tardi. Entretien, Le Monde Libertaire, hors-série, dossier "14-18 : Morts par la France", no 57, septembre-. « TARDI Entretien » »

Vidéo modifier

Liens externes modifier

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