Inventaire du patrimoine kanak dispersé

inventaire muséographique et patrimonial

L’Inventaire du patrimoine kanak dispersé (IPKD) est un programme de recensement du patrimoine kanak dans les musées hors de Nouvelle-Calédonie.

Histoire modifier

La première version est initiée par Jean-Marie Tjibaou en 1979[1], qui demande à Roger Boulay, ethnologue de formation, d’établir une liste des sculpteurs kanaks[2]. Dans l’esprit de Tjibaou, le patrimoine dispersé était lié au concept d’« objets-ambassadeurs », représentants de la culture kanak à l’étranger[2], et permettant d’en évoquer les aspects immatériels : relations, traditions, coutumes[3]. Auparavant, la Société des océanistes, basée à Paris et nouvellement créée en 1945, avait lancé l’idée d’un recensement des collections en métropole, mais sans impliquer les néo-calédoniens[4].

Au début des années 1980, le sort du patrimoine dispersé des kanaks les amène à faire entendre leurs interrogations autour des lieux et conditions de conservations de ces objets, ainsi que des explications associées[5].

En 1990 se tient l’exposition De Jade et de nacre, présentée à Nouméa au début de l’année, puis à Paris, au Musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie (MAAO) de la Porte dorée, à la fin de l’année[6] ; les deux commissaires en sont Boulay et Kasarhérou[2]. Lors de cette exposition, des objets conservés en Europe reviennent en Nouvelle-Calédonie temporairement ; d’autres, en provenance du musée d’Aquitaine (à Bordeaux), du musée de l’Homme, ou encore du musée des Beaux-Arts d’Angoulême[2], sont laissés en prêt au musée de Nouméa à la fin de l’événement[6].

À ce moment, les collections océaniennes en France se trouvent dans des états disparates : dans certains musées, comme à Angoulème, Bordeaux, Grenoble ou Paris, elles sont exposées depuis peu avec une muséologie récente ; ailleurs, comme à Lille, Boulogne-sur-Mer ou Le Havre, elles sont remisées ou abandonnées dans des réserves parfois non adaptées ; les inventaires en sont très rares[5].

L’accord de Nouméa, signé en 1998, prévoit notamment le recensement et la mise en valeur des artéfacts kanak en métropole[7]

L’inventaire est principalement mené par Emmanuel Kasarhérou (chargé de mission au musée du quai Branly) et Roger Boulay (rattaché à la direction des musées de France, officiellement sur la mission à partir de 2004)[7].

Le programme est officiellement rattaché à la maison de Nouvelle-Calédonie à Paris au début des années 2010[2] ; l’essentiel du recensement est effectué entre 2011 et 2015[8],[9]. Les archives s’y rapportant sont conservées au musée de Nouvelle-Calédonie[2].

En 2013 et 2014, l’exposition Kanak, l’Art est une parole en 2013-2014 se tient à Paris, puis à Nouméa[10].

Ce travail a facilité des travaux de recherche ultérieurs, par exemple sur les fougères entourant les casse-têtes kanak[11] ; Boulay a également publié plusieurs ouvrages, dont Casse-tête et massues kanak, qui agrège des données de l’IPKD avec des textes ou récits plus anciens[12].

En 2020-2021, l’exposition Carnets kanak, au musée du quai Branly, retrace les travaux d’inventaire en présentant des croquis et les œuvres associées[13].

Répartition modifier

On trouve des collections océaniennes dans une centaine de musées en France (117 d’après le recensement de Boulay[14], 116 d’après sa retranscription sur la Base Joconde[15]).

L’IPKD couvrait en 2015 15 000 objets présents dans les 70 musées visités à cette date, dont 4 000 ont fait l’objet de descriptions plus détaillées[5]. L’inventaire permet d’estimer que les objets répertoriés constituent 85 % du patrimoine kanak conservé dans des musées[2].

Le muséum de Rouen compte ainsi 358 objets, dont certains rapportés par Jean-Baptiste Cécille, notamment des éléments de pirogue[16]. Au musée de Carnac, inventorié notamment en 2015, se trouvent des robes en poils de chauve-souris[7],[17].

Galerie modifier

Ouvrages modifier

  • 1982 : Roger Boulay, Jean Guiart et Jacques Iékawé, Les objets kanak dans les musées européens., Nouméa, Pacific 2000, , 1re éd.
  • 1984 : Roger Boulay, Sculptures kanak, Nouméa, Office culturel scientifique et technique canaque,
  • 1990 : Roger Boulay, De Jade et de Nacre — Patrimoine Artistique Kanak, (catalogue), Réunion des musées nationaux,  
  • 2013 : Emmanuel Kasarhérou et Roger Boulay, Kanak : l'art est une parole, Actes Sud, , 338 p. (ISBN 2-330-01853-3, OCLC 878603140) 
  • 2015 : Roger Boulay, Casse-tête et massues kanak (ISBN 978-2-35992-028-4 et 2-35992-028-6, OCLC 913197791, lire en ligne)
  • 2020 : Roger Boulay et Emmanuel Kasarhérou, Carnets kanak, Paris, Musée Quai Branly, , 112 p. (ISBN 978-2357441378)

Notes et références modifier

  1. « L'art kanak prend la parole au quai Branly », sur LExpress.fr, (consulté le )
  2. a b c d e f et g Marion Bertin, « Archives délaissées, archives retrouvées, archives explorées : les fonds calédoniens pour l’étude du patrimoine kanak dispersé », Les Cahiers de l’École du Louvre. Recherches en histoire de l’art, histoire des civilisations, archéologie, anthropologie et muséologie, no 14,‎ (ISSN 2262-208X, DOI 10.4000/cel.5438, lire en ligne, consulté le )
  3. « Emmanuel Kasarhérou, ambassadeur du futur des musées », sur France Culture, (consulté le )
  4. Marie-Charlotte Laroche, « Pour un inventaire des collections océaniennes en France », Journal de la Société des Océanistes, vol. 1, no 1,‎ , p. 51–57 (DOI 10.3406/jso.1945.1485, lire en ligne, consulté le )
  5. a b et c Roger Boulay, « Les collections extra-européennes : 25 ans après », La Lettre de l’OCIM. Musées, Patrimoine et Culture scientifiques et techniques, no 158,‎ , p. 31–34 (ISSN 0994-1908, DOI 10.4000/ocim.1502, lire en ligne, consulté le )
  6. a et b Roger Boulay, « De Jade et de Nacre : Patrimoine artistique kanak (exposition à Nouméa et à Paris) », Journal de la Société des Océanistes, vol. 90, no 1,‎ , p. 57–58 (DOI 10.3406/jso.1990.2870, lire en ligne, consulté le )
  7. a b et c Ouest-France, « Inventaire du patrimoine kanak dispersé au musée », sur Ouest-France.fr, Ouest-France, (consulté le )
  8. « Appel à contributions pour le Journal de la Société des Océanistes 152 (2021-1) sur Les collections océaniennes en France », sur Journal de la Société des Océanistes, (consulté le )
  9. Marion Bertin, « Objects from the Pacific and museums in mainland France », ICOFOM Study Series « The politics and poetics of Museology »,‎ (DOI https://doi.org/10.4000/iss.781, lire en ligne)
  10. Gilles Bounoure, « Compte rendu de Kanak. L’art est une parole, de Roger Boulay et Emmanuel Kasarhérou (éds) », Journal de la Société des Océanistes, nos 138-139,‎ , p. 272–274 (ISSN 0300-953x, lire en ligne, consulté le )
  11. Christian Coiffier, « Fougères et autres éléments végétaux associés aux casse-têtes kanak ou l’art de communiquer sans parole », Journal de la Société des Océanistes, nos 136-137,‎ , p. 133–147 (ISSN 0300-953x, DOI 10.4000/jso.6989, lire en ligne, consulté le )
  12. Isabelle Leblic, « Compte rendu de Casse-tête et massues kanak, de Roger Boulay », Journal de la Société des Océanistes, no 140,‎ , p. 167–168 (ISSN 0300-953x, lire en ligne, consulté le )
  13. « Carnets kanak », sur www.quaibranly.fr (consulté le )
  14. Roger Boulay, « Les bambous gravés kanak dans les collections publiques françaises et à l’étranger », Journal de la Société des Océanistes, nos 126-127,‎ , p. 318–319 (ISSN 0300-953x, DOI 10.4000/jso.4912, lire en ligne, consulté le )
  15. « Base Joconde - Annuaire des collections océaniennes françaises », sur www2.culture.gouv.fr (consulté le )
  16. Roger Boulay, « L’initiative du Muséum d’histoire naturelle de Rouen : le contexte local », Journal de la Société des Océanistes, no 134,‎ , p. 25–27 (ISSN 0300-953x, DOI 10.4000/jso.6637, lire en ligne, consulté le )
  17. « Patrimoine kanak. Inventaire au musée », sur Le Telegramme, (consulté le )

Liens externes modifier