Hugo Bettauer

écrivain autrichien
Hugo Bettauer
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Hugo Bettauer dans les années 1910.
Nom de naissance Maximilian Hugo Bettauer
Naissance
Baden bei Wien (Basse-Autriche, Autriche)
Décès (à 52 ans)
Vienne (Autriche)
Activité principale
Écrivain
Auteur
Langue d’écriture Allemand

Œuvres principales

La Rue sans joie
La Ville sans Juifs

Hugo Bettauer, né Maximilian Hugo Bettauer, le à Baden bei Wien et mort le à Vienne, est un journaliste et écrivain autrichien.

Figure éminente et controversée en son temps, nombre de ses ouvrages ont été des livres à succès et plusieurs ont été adaptés à l'écran, parmi lesquels La Rue sans joie, réalisé par Georg Wilhelm Pabst en 1925, et par André Hugon en 1938, qui traite de la prostitution, et La Ville sans Juifs, réalisé par Hans Karl Breslauer en 1924, une satire contre l'antisémitisme.

C'est en raison du succès de cette dernière œuvre qu'il est assassiné par un militant du parti nazi.

Biographie modifier

Jeunesse modifier

Maximilian Hugo (ou peut-être Hugo Maximilian) Bettauer est fils d'Arnold (Samuel Aron) Bettauer, un agent de change juif de Lemberg qui a épousé Anna Wecker. Hugo a deux sœurs plus âgées, Hermine (Michi) et Mathilde.

En 1887 et 1888, il suit les cours de quatrième au Franz-Joseph-Gymnasium à Stubenbastei à Vienne, avec Karl Kraus, qui deviendra son plus chaleureux critique. À l'âge de 16 ans, il s'enfuit de chez lui et voyage jusqu'à Alexandrie, où le consul d'Autriche le renvoie directement chez lui.

En 1890, désirant effectuer une carrière militaire, il se convertit à l'Église évangélique et rejoint les chasseurs impériaux, un régiment d'infanterie de montagne, comme volontaire pour une période d'un an. Sa conversion est vraisemblablement due à l'impossibilité pour un juif de faire carrière dans l'armée.

Après cinq mois au Tyrol, il quitte l'armée en raison de difficultés avec ses supérieurs. Avec sa mère, il s'installe à Zurich en Suisse et en 1896, à l'âge de 24 ans, il perçoit un héritage important à la mort de son père.

Mariage et émigration modifier

À Zurich, il se marie avec son amour de jeunesse, Olga Steiner, avec qui il émigre aux États-Unis, après la mort de sa mère. Pendant la traversée, il effectue quelques spéculations désastreuses et perd la totalité de sa fortune. Olga et Hugo s'installent à New York, où Olga se produit comme actrice. Bien qu'ayant acquis la nationalité américaine, Bettauer est incapable de trouver du travail, aussi décident-ils de partir en 1899 pour Berlin où naît leur fils Heinrich Gustav Hellmuth Bettauer (celui-ci sera déporté à Auschwitz en 1942 et y périra).

À Berlin, Bettauer travaille comme journaliste et acquiert une certaine renommée en mettant au jour un plusieurs scandales. Il écrit entre autres un livre Bobbie, qui parait en 1921, dans lequel il décrit un riche et puissant voleur d'enfants.

En 1901, après le suicide du directeur du Berliner Hoftheater qu'il avait accusé de corruption, Bettauer est expulsé de Prusse. Il s'installe d'abord à Munich où il travaille au cabaret Die Elf Scharfrichter (« Les onze exécuteurs ») puis à l'automne 1901, il part à Hambourg pour devenir le directeur de la revue spécialisée Küche und Keller (« Cuisine et cave »).

Second mariage modifier

À la suite de son divorce, Bettauer fait la connaissance à Hambourg de sa seconde femme, Helene Müller, qui n'a alors que 16 ans. En 1904, ils s'enfuient ensemble aux États-Unis et se marient pendant la traversée. Leur fils Reginald Parker Bettauer nait la même année. À New York, Bettauer travaille comme journaliste et commence à écrire des romans-feuilletons pour publication dans les journaux.

En 1910, il retourne à Vienne où il est embauché par le journal Neue Freie Presse. Au début de la Première Guerre mondiale, il désire s'enrôler, mais il est refusé en raison de sa citoyenneté américaine.
En 1918, après une altercation avec ses supérieurs au sujet d'une machine à écrire défectueuse, il est renvoyé de la Neue Freie Presse.

Bettauer travaille dès la fin de la guerre comme correspondant de différents journaux et magazines américains. Il commence un programme d'aide à New York pour les ressortissants de Vienne. À partir de 1920, il produit des romans en grande quantité, à un rythme de quatre à cinq par an. Spécialiste des histoires criminelles, il connaît rapidement le succès du fait du message social sous-tendant ses intrigues et du cadre de ses histoires qui ne se situent pas exclusivement à Vienne, mais aussi à Berlin et New York. Son roman le plus célèbre, La ville sans Juifs (Die Stadt ohne Juden) paraît en 1922.

Journalisme d'investigation et autres œuvres modifier

 
Première page de la revue Er und Sie (1924).

Outre sa production littéraire, Bettauer fonde le Bettauers Wochenschrift, un magazine hebdomadaire qui provoque régulièrement la controverse avec ses contenus progressistes, pour ne pas dire provocateurs. Comme aux États-Unis, il exploite le concept du roman-feuilleton.

Un autre projet dont la durée de vie a été beaucoup plus courte, est l'autre journal hebdomadaire, Er und Sie. Wochenschrift für Lebenskultur und Erotik (« Lui et Elle. Magazine hebdomadaire pour le style de vie et l'érotisme »), que Bettauer lance en 1924 avec R. Olden et qui doit s'arrêter après cinq numéros.

Bettauer est l'une des personnalités publiques les plus éminentes et controversées de son temps.
Ses œuvres se voient adaptées à la scène ou au cinéma. Le film de Georg Wilhelm Pabst de 1925, La rue sans joie, tiré du roman éponyme de Bettauer, voit débuter la carrière internationale de la jeune Greta Garbo. Celui de Hans Karl Breslauer, adaptant La ville sans Juifs en 1924, lance les acteurs Hans Moser et Ferdinand Maierhofer.
Dans le même temps, son journalisme d'investigation et ses idées en faveur de la permissivité et de la libération sexuelle suscitent de nombreux débats publics. Ses opposants cherchent à le discréditer en le traitant d’Asphaltliterat (« écrivain de caniveau »). Leur violence croît avec le temps et Bettauer est calomnié publiquement, son journal est confisqué et une plainte est déposée contre lui pour corruption de la morale publique. En outre, des menaces publiques et des appels à son assassinat sont proférés.

Bettauer est acquitté à la surprise générale et le numéro de son journal qui suivra atteint une diffusion de 60 000 exemplaires, le plus haut chiffre jamais atteint à l'époque en Autriche pour un hebdomadaire. En , à quelques jours de son assassinat, Bettauer envisage sérieusement de le développer.

Sa mort modifier

Le , à la suite d'une campagne d'une rare violence contre Bettauer dans les journaux d'extrême droite, le technicien dentaire Otto Rothstock se rend à la direction du journal, 5-7 Langen Gasse, y trouve Bettauer et lui tire six balles de revolver dans la poitrine et le bras[1],[2].

Bettauer, transporté d'urgence à l'hôpital, décède le , à l'âge de 52 ans, des suites de ses blessures[3].

Alors qu'il se trouvait toujours entre la vie et la mort à l'hôpital, le Conseil municipal de Vienne se déchire violemment sur les motifs du meurtrier. Rothstock lui-même, maintient qu'il voulait mettre fin à l'immoralité d'un auteur qui s'était rendu célèbre par ses écrits explicites et libéraux[4]. Cependant il est vite établi qu'avant son attaque, Rothstock avait été membre du Parti nazi (NSDAP), dont il avait démissionné peu de temps auparavant et qu'il est défendu, à la suite de l'assassinat, par des avocats et amis en relation étroite avec le Parti nazi. Il est actuellement admis que le mobile principal du crime était la suppression d'un critique virulent et influent de l'antisémitisme.

La Cour décide d'envoyer Rothstock dans une clinique psychiatrique, dont il ressort 18 mois plus tard en homme libre[2].

C'est l'une des premières personnes assassinées en Autriche avant l'arrivée des Nazis au pouvoir en Allemagne en 1933.

 
Couverture de la première édition de Die stadt ohne Juden en 1922.

La Ville sans Juifs modifier

Le roman le plus célèbre de Bettauer est La Ville sans Juifs, une satire sur le sujet hautement actuel à l'époque de sa parution en 1922, l'antisémitisme.

Dans ce récit, un politicien fictif du Christlichsoziale Partei (Parti social-chrétien) ordonne l'expulsion de tous les Juifs de Vienne (comme le mentionnera plus tard l'analyste Alexander P. Moulton, « dans des scènes effroyablement prophétiques, l'Autriche emprunte trente wagons à bestiaux aux pays voisins pour transporter vers l'est les Juifs et leurs affaires[2] »). Les citoyens de Vienne célèbrent tout d'abord l'expulsion des Juifs mais leur sentiment change quand les théâtres font faillite et que les grands magasins, les hôtels et les stations de vacances souffrent financièrement[5]. Le déclin économique est si ample qu'un mouvement populaire se lève demandant le retour des Juifs[6]. Faute de pouvoir reporter le blâme sur les Juifs, le Christlichsoziale Partei s'effondre ; la loi d'expulsion des Juifs est abrogée et les Juifs sont de nouveau accueillis à Vienne[5].

La Ville sans Juifs se vend à 250 000 exemplaires dès la première année[5], et devient l'une des œuvres de Bettauer les plus controversées, lui procurant aussi bien des admirateurs enthousiastes que des ennemis acharnés[7]. Les sympathisants nazis attaquent Bettauer et son œuvre et le traitent de poète rouge et de corrupteur de la jeunesse[2].

En 2015, une copie du film La Ville sans Juifs, tiré de ce roman, datant de 1924 et nécessitant une restauration été retrouvée. Les Archives nationales autrichiennes procèdent à sa restauration[8].

Œuvre modifier

Romans modifier

  • Im Banne von New York (Sous le charme de New York), 1907
  • Im Kampf ums Glück (En lutte pour le bonheur), 1907, réimprimé en 1926
  • Auf heißem Boden (Sur le sol chaud), 1907
  • Im Schatten des Todes (À l'ombre de la mort), 1907, réimprimé en 1925
  • Aus den Tiefen der Weltstadt (Des profondeurs de la métropole), 1907
  • Faustrecht (Le droit du plus fort), 1919
  • Hemmungslos (Effréné), 1920, réédité en 1988 par Ullstein (ISBN 3548371485 et 978-3548371481).
  • Bobbie auf der Fährte (Bobbie sur la piste), 1921, réimprimé en 1926 sous le titre Bobbie oder die Liebe eines Knaben (Bobie ou l'amour d'un garçon)
  • Die drei Ehestunden der Elizabeth Lehndorff (Les trois heures de mariage d'Elizabeth Lehndorff), 1921
  • Der Frauenmörder (Le tueur de femmes), 1922
  • Der Herr auf der Galgenleiter (Le monsieur sur l'échelle de la potence), 1922
  • Das blaue Mal (la marque bleue), 1922
  • Die Stadt ohne Juden (1922), réédité en 1988, 1996 et 2008[9]
    Publié en français sous le titre La Ville sans juifs, traduit par Jean Chuzeville, Paris, Albin Michel, collection des Maîtres de la littérature étrangère, 1929
Publié en français dans une nouvelle traduction sous le titre La Ville sans Juifs, traduit par Dominique Autrand, Paris, Balland, 1983[10], réédité par Belfond, 2017
  • Der Kampf um Wien (La bataille autour de Vienne), 1922/23, réédité en version abrégée en 1926 sous le titre Ralph und Hilde
  • Die lustigen Weiber von Wien (Les joyeuses commères de Vienne), 1924
  • Gekurbeltes Schicksal (Destin infléchi), 1924
  • Die freudlose Gasse : ein wiener Roman aus unseren Tagen (La Rue sans joie : un roman viennois de nos jours), 1924, réédité en 1988[11] ; traduction française : La rue sans joie ; 1927[12]
  • Das entfesselte Wien (La Vienne déchainée), 1924
  • Die schönste Frau der Welt (La plus belle femme du monde), 1924
  • Memoiren eines Hochstaplers (Mémoires d'un escroc), 1924
  • Kampf ums Glück (Lutte pour le bonheur), 1926 (posthume)
  • Gesammelte Werke in sechs Bänden (Recueil d'œuvres en six volumes)[13], 1980 (contient : Kampf um Wien/Das entfesselte Wien/Die freudlose Gasse/Die Stadt ohne Juden/Faustrecht/Hemmungslos)

Nouvelles modifier

  • Der Tod einer Grete und andere Novellen (La Mort d'un Grete et autres nouvelles), 1926
  • Geschichten aus dem Alltag (Histoires de la vie quotidienne), 1926

Pièces de théâtre modifier

  • Die Stadt ohne Juden (La Ville sans Juifs) avec Hans Saßmann), 1922
  • Die blaue Liebe (L'Amour bleu) avec Klemens Weiß-Clewe, 1924

Journaux - périodiques modifier

  • Er und Sie du au
  • Bettauers Wochenschrift du au (soit deux ans après l'assassinat de Bettauer)
  • Der Bettauer Almanach für 1925, 1925

Adaptations cinématographiques modifier

Bibliographie modifier

  • (de) Murray G. Hall, Der Fall Bettauer, éditeur : Löcker Verlag, Vienne, 1978, (ISBN 3-85409-002-1)
  • (de) Werner Koch, "Hinaus mit den Juden!" Hugo Bettauer und die unberechenbaren Folgen, dans Merkur, Stuttgart, 1981, pages 254 à 265.

Notes et références modifier

  1. (de) « Mordanschlag gegen den Schriftsteller Hugo Bettauer » (« Tentative d'assassinat contre l'écrivain Hugo Bettauer ») ; article de Neue Frei Presse, du 11 mars 1925 ; numérisée par la banque de données ANNO de la Österreichischen Nationalbibliothek.
  2. a b c et d (en) Alexander Moulton, « A Wary Silence : Karl Krause in Interwar Vienna » [PDF], sur The Columbia Historical Review (hiver 2002).
  3. (de) « Der Tod Hugo Bettauers » (« La mort d'Hugo Bettauer ») ; article de Neue Frei Presse, du 26 mars 1925 ; numérisée par la banque de données ANNO de la Österreichischen Nationalbibliothek.
  4. (de) JMW : Wien, Stadt der Juden ; Jüdisches Museum Wien (2004 Vienne).
  5. a b et c (en) Deborah Dwork, Robert Jan van Pelt & Robert Jan Pelt, Holocaust, W. W. Norton & Company éditeur, 2003 (ISBN 0393325245), p. 54.
  6. (en) Richard S. Levy, Antisemitism, éd. ABCCLIO 2005 (ISBN 1851094393), p. 69.
  7. Jacques Le Rider, Les Juifs viennois à la belle époque (1867-1914), Albin Michel éditeur, 2013 (ISBN 2226242090).
  8. « "La ville sans juifs", film prémonitoire sauvé par un appel aux dons », L'Express, 12 décembre 2016.
  9. (de) Die Stadt ohne Juden (La ville sans Juifs) ; 1922, réédité en 2008 par Metroverlag (ISBN 3902517727 et 978-3902517722).
  10. La Ville sans Juifs ; éditeur : Balland, 1er mars 1990 (ISBN 2715804229 et 978-2715804227).
  11. (de) Die freudlose Gasse (La rue sans joie), 1924, réédité en 1988 par : Ullstein (ISBN 3548371477 et 978-3548371474).
  12. ALBIN MICHEL éditeur, 1er janvier 1927, ASIN : B003UAH4TC.
  13. (de) Salzbourg, 1980 (ISBN 385445001X et 978-3854450016).

Sources et liens externes modifier