Horloge biologique et les troubles du spectre de l'autisme

Les anomalies du rythme circadien et de la mélatonine jouent un rôle important dans les troubles du spectre de l'autisme.

Le rythme circadien modifier

Les rythmes circadiens sont un système de réglage complexe composé de gènes horloges qui régulent une multitude de processus physiologiques et comportementaux. Une maturation anormale du cycle de sommeil circadien et un dérèglement de la synthèse de mélatonine peut endommager le développement neural, entrainant des symptômes caractéristiques des troubles du spectre de l’autisme[1].   

 
Mélatonine

Rôle de la mélatonine modifier

La mélatonine est une neuro-hormone endogène sécrétée par la glande pinéale. Elle joue un rôle dans la régularisation du rythme circadien (activités associées avec le jour, la nuit et le sommeil) et aide à contrôler les émotions[2]. Sa synthèse dépend des synchroniseurs extérieurs et son entrainement est sous l’influence de l’alternance lumière/obscurité et les saisons – et sous contrôle de l’horloge biologique principale situé dans le noyau supra-chiasmatiques[3],[4]. Sa libération est maximale en obscurité, ce qui constitue un puissant synchroniseur des rythmes circadiens. Après sa synthèse, la mélatonine est libérée dans la circulation systémique afin d’atteindre les tissus centraux et périphériques[3]. Ensuite, la mélatonine établit le message nocturnal circadien dans le corps afin de réguler les rythmes physiologiques quotidiens.

La mélatonine a plusieurs fonctions biologiques telles que la régulation du rythme circadien, et du sommeil, anti-cancer, effet métabolique, fonction anti-inflammatoire et effet antioxydant[5]. Le dérèglement des rythmes circadien de la mélatonine, engendre un délai dans le pic de production de la mélatonine, une réduction de son amplitude, et une altération de l’expression du gène. Cette production anormale peut contribuer à la désynchronisation du cycle de sommeil[1]. Le rôle de la mélatonine dans l’établissement ontogénétique des rythmes circadiens et la synchronisation des horloges nous fait croire que cette hormone est impliquée dans la synchronisation des rythmes moteur, émotionnels et interpersonnelles[6]. Une altération anormale de ces fonctions circadiennes peut diminuer notre communication sociale et nous laisser vulnérable aux troubles psychiatriques comme les troubles du spectre autistique et la schizophrénie[7].

L'implication de la mélatonine dans l'activité neuronale modifier

Le sommeil est primordial à l'activité neuronale. Il a été constaté qu'un dérèglement du rythme veille/sommeil et des anomalies ans le niveau ou la concentration de mélatonine allaient de pair avec un renforcement des symptômes caractéristiques des troubles du spectre de l’autisme[4]. Le développement neural a principalement lieu pendant la phase REM du cycle du sommeil. Plus encore, la sécrétion de la mélatonine prolonge la phase REM, et un manque de cette hormone augmente les périodes de phase NREM[5]. Il a été démontré qu’il existe des mutations dans la région codante de certains gènes horloges incluant NR1D1. Une analyse du rôle de Nr1d1 dans le développement du cortex cérébral dans des souris a démontré un positionnement anormal des neurones corticaux pendant la corticogenèse. Nr1d1 joue donc un rôle important dans la corticogenèse via la régulation de la migration des neurones excitatrices et la formation du système synaptique[8].

Production de mélatonine fœtale modifier

Une variation des rythmes physiologiques, tel qu’une variation dans le rythme cardiaque maternel et une variation des taux hormonaux sont présents pendant le développement fœtal[7]. Il y a plusieurs études qui établissent un lien critique entre la mélatonine et le développement du fœtus par son effet sur le placenta, sur les neurones et cellules gliales, et son rôle dans l’établissement ontogénétique des rythmes diurnes[3]. L’hormone traverse le placenta et atteint la circulation fœtale afin de lui transmettre l’information photopériodique permettant l’établissement d’un cycle de sommeil régulier et des rythmes circadiens essentiels à son développement neural[5]. Le fœtus est dépendant de l’apport en mélatonine maternel, car la glande pinéale atteint la maturité seulement après la naissance. Le développement neural du fœtus est alors perturbé si la phase REM modulé par la production de mélatonine est anormale[9].

Troubles du sommeil et TSA modifier

L’autisme ou troubles du spectre de l'autisme (TSA) est défini comme un trouble précoce et global du développement, avec altérations des interactions sociales, de la communication verbale et non verbale, et troubles comportementaux[10]. La perturbation biochimique, rencontrée le plus souvent chez les enfants autistes, les anomalies du rythme circadien veille/sommeil avec une durée réduite du sommeil total, une augmentation du temps de latence d’endormissement et des réveils nocturnes et matinaux précoces, suggèrent l’existence de perturbations au niveau de la sécrétion de mélatonine[11].

Il a été établi que les troubles du spectre de l’autisme (TSA) ont une origine neurobiologique, due principalement à des facteurs génétiques caractérisés par de multiples altérations hétérogènes[12]. En effet, plusieurs études nous mènent à croire que les TSA résultent des interactions entre les gènes et l’environnement qui altère le développement des structures et fonctions du cerveau[1].

Des anomalies dans la physiologie de la mélatonine et du rythme circadien ont été observés chez 50 à 80% des personnes avec troubles du spectre autistique (TSA) par rapport à des sujets neurotypiques[1]. Ces anomalies physiologiques comprennent des concentrations plus faibles de métabolites de mélatonine ou de mélatonine dans les TSA par rapport aux témoins[3]. Les difficultés à s’adapter aux changements externes et internes perçues chez les enfants avec troubles autistiques peuvent être dues à des rythmes circadiens dérèglés ou absents[7],[3]. La sécrétion atypique de cette hormone pourrait expliquer en partie la difficulté à initier et maintenir leur sommeil. En effet, une réduction de la production de mélatonine crée des problèmes de rythmicité dans les horloges biologiques avec des effets physiologiques et psychologiques, qui peuvent, selon le modèle de Boucher[3] et la théorie de Wimpory[13], être impliqués dans les troubles caractéristiques de l’autisme.

  • Le modèle de Boucher suggère que les problèmes de rythmicité des horloges biologiques engendrent les conséquences physiologiques et psychologiques caractéristiques des troubles autistiques[3].
  • L’hypothèse de Wimpory propose que les troubles autistiques reflètent une perturbation des gènes horloges au niveau moléculaire et que ces génes peuvent être importantes dans le développement de ces troubles[13].

L’activité de l’hormone mélatonine serait insuffisante chez les personnes atteint des TSA. Il a été suggéré qu’il existe une altération de la transmission de la mélatonine (synthèse, libération, activation de ses récepteurs), un dérèglement de son expression circadienne ou une mutation génétique en lien avec l'insuffisance de l'hormone[2]. Une étude génétique réalisée auprès d’une cohorte atteinte de troubles autistiques a retrouvé deux polymorphismes localisés dans la région ASMT d’un gène qui code une enzyme qui catalyse la réaction finale de synthèse de la mélatonine[2].

L'implication des gènes horloges dans les TSA modifier

Les anomalies dans les rythmes circadiens des TSA au niveau du mécanisme de synthèse de mélatonine suggèrent une implication des gènes horloges dans les symptômes caractéristiques de l’autisme[14].  Les troubles de sommeil et de mémoire sont caractéristiques chez les personnes atteintes d’autisme et plusieurs aspects de notre sommeil et mémoire sont régulés par des gènes horloges. Plusieurs mutations au niveau des gènes impliqués dans la régulation des rythmes circadiens sont plus présentes chez des patients atteints de TSA que des patients contrôles[15]. Plus particulièrement, des mutations qui peuvent endommager la fonction de ces gènes ont été retrouvées chez PER2, PER3 et TIMELESS[14].

Dans une étude analysant l’implication des gènes horloges dans les troubles autistiques, il a été démontré que l’expression des gènes horloges per1 et npas2 sont impliqués dans le fonctionnement des régions cérébrales habituellement altérées dans les personnes avec TSA : le cervelet, le cerveau antérieur et le système limbique incluant l’hippocampe et l’amygdale[16].

Sujets connexes modifier

Références modifier

  1. a b c et d Claudia Carmassi, « Systematic Review of Sleep Disturbances and Circadian Sleep Desynchronization in Autism Spectrum Disorder: Toward an Integrative Model of a Self-Reinforcing Loop », Frontiers in psychiatry,‎ (lire en ligne)
  2. a b et c Lina Jonsson, Elin Ljunggren, Anna Bremer et Christin Pedersen, « Mutation screening of melatonin-related genes in patients with autism spectrum disorders », BMC medical genomics, vol. 3,‎ , p. 10 (ISSN 1755-8794, PMID 20377855, PMCID 3020629, DOI 10.1186/1755-8794-3-10, lire en ligne, consulté le )
  3. a b c d e f et g Sylvie Tordjman, Imen Najjar, Eric Bellissant et George M. Anderson, « Advances in the research of melatonin in autism spectrum disorders: literature review and new perspectives », International Journal of Molecular Sciences, vol. 14, no 10,‎ , p. 20508–20542 (ISSN 1422-0067, PMID 24129182, PMCID 3821628, DOI 10.3390/ijms141020508, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b Daniel A. Rossignol et Richard E. Frye, « Melatonin in autism spectrum disorders », Current Clinical Pharmacology, vol. 9, no 4,‎ , p. 326–334 (ISSN 2212-3938, PMID 24050742, DOI 10.2174/15748847113086660072, lire en ligne, consulté le )
  5. a b et c Yunho Jin, Jeonghyun Choi, Jinyoung Won et Yonggeun Hong, « The Relationship between Autism Spectrum Disorder and Melatonin during Fetal Development », Molecules (Basel, Switzerland), vol. 23, no 1,‎ (ISSN 1420-3049, PMID 29346266, PMCID 6017261, DOI 10.3390/molecules23010198, lire en ligne, consulté le )
  6. Sylvie Tordjman, Katherine S. Davlantis, Nicolas Georgieff et Marie-Maude Geoffray, « Autism as a Disorder of Biological and Behavioral Rhythms: Toward New Therapeutic Perspectives », Frontiers in Pediatrics, vol. 3,‎ (ISSN 2296-2360, PMID 25756039, PMCID 4337381, DOI 10.3389/fped.2015.00001, lire en ligne, consulté le )
  7. a b et c Annaëlle Charrier, Bertrand Olliac, Pierre Roubertoux et Sylvie Tordjman, « Clock Genes and Altered Sleep-Wake Rhythms: Their Role in the Development of Psychiatric Disorders », International Journal of Molecular Sciences, vol. 18, no 5,‎ (ISSN 1422-0067, PMID 28468274, PMCID 5454851, DOI 10.3390/ijms18050938, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Masahide Goto, Makoto Mizuno, Ayumi Matsumoto et Zhiliang Yang, « Role of a circadian-relevant gene NR1D1 in brain development: possible involvement in the pathophysiology of autism spectrum disorders », Scientific Reports, vol. 7, no 1,‎ , p. 1–12 (ISSN 2045-2322, DOI 10.1038/srep43945, lire en ligne, consulté le )
  9. SE Voiculescu, N Zygouropoulos, CD Zahiu et AM Zagrean, « Role of melatonin in embryo fetal development », Journal of Medicine and Life, vol. 7, no 4,‎ , p. 488–492 (ISSN 1844-122X, PMID 25713608, PMCID 4316124, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Wendy G. Silver et Isabelle Rapin, « Neurobiological Basis of Autism », Pediatric Clinics, vol. 59, no 1,‎ , p. 45–61 (ISSN 0031-3955 et 1557-8240, PMID 22284792, DOI 10.1016/j.pcl.2011.10.010, lire en ligne, consulté le )
  11. S. Tordjman, « Pharmacologie clinique de la mélatonine : intérêt dans l’autisme », La Lettre du Pharmacologue • Vol. 25 - n°3,‎ juillet-août-septembre 2011 (lire en ligne)
  12. Paul El-Fishawy et Matthew W. State, « The genetics of autism: key issues, recent findings, and clinical implications », The Psychiatric Clinics of North America, vol. 33, no 1,‎ , p. 83–105 (ISSN 1558-3147, PMID 20159341, PMCID 2841771, DOI 10.1016/j.psc.2009.12.002, lire en ligne, consulté le )
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  16. (en) B. Nicholas, V. Rudrasingham, S. Nash et G. Kirov, « Association of Per1 and Npas2 with autistic disorder: support for the clock genes/social timing hypothesis », Molecular Psychiatry, vol. 12, no 6,‎ , p. 581–592 (ISSN 1476-5578, DOI 10.1038/sj.mp.4001953, lire en ligne, consulté le )