Histoire de la Sierra Leone

étude et narration du passé de la Sierra Leone
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Cet article présente les faits saillants de l'histoire de la Sierra Leone, un pays d'Afrique de l'Ouest.

Fragments de poteries préhistoriques découverts à l'abri sous-roche de Kamabai, dans le Nord du pays[1]

Époque précoloniale modifier

Le territoire de l'actuelle Sierra Leone fut le refuge de nombreux peuples, tels que les Kissis, les Sherbros et les Krims (?), lors des conflits politiques de la savane.

Au XVe siècle, refoulant les premiers occupants, des peuples mandingues s'y établissent, les Mendés sur la côte orientale, les Temnés vers la frontière de l'actuel Liberia et les Soussous dans le centre.

En 1460, l'explorateur portugais Pedro de Sintra donne le nom de Serra Leoa (rebaptisée plus tard « Sierra Leone » sans doute par une erreur due à une confusion entre langues latines car Sierra est en espagnol et Leone en italien, littéralement la « montagne du lion ») à la presqu'île où sera plus tard la capitale Freetown.

Au XVIe siècle, la traite négrière commence véritablement. Des Européens, avec la participation des populations côtières, commencent le commerce triangulaire dans le pays, dans des établissements tels Lomboko.

En 1664, lors de la deuxième guerre anglo-néerlandaise (1665-1666), l'amiral de Ruyter détruit les deux colonies anglaises de l'Île de Tasso (de) (ou Saint-André) et de l'île de Bunce, en prend possession mais sans les occuper. L'île de Bunce est un des lieux de mémoire de la traite des esclaves en Afrique, tels l'île de Gorée (Sénégal), le château d'Elmina ou le fort de Cape Coast (Ghana). Sa situation, au fond d'une baie profonde, est exceptionnelle pour une plate-forme esclavagiste.

1808-1961 : Colonie et protectorat de la Sierra Leone modifier

En 1787, les Britanniques achètent l'emplacement où sera bâtie la capitale Freetown. La première vague de peuplement est constituée de 400 Noirs en provenance de Londres. Puis s'y ajoute, par le biais de la Sierra Leone Company, une partie des loyalistes noirs, des esclaves, affranchis en contrepartie de leur engagement dans le camp britannique pendant la guerre d'indépendance des États-Unis. Après avoir transité par la Nouvelle-Écosse ou par Londres, la majorité d'entre eux sont envoyés à Freetown. Le peuplement est complété par les Nègres marrons de Jamaïque (reconquise en 1796) déportés en Nouvelle-Écosse et un nombre croissant de recaptives, Noirs arrachés par les croiseurs britanniques aux bateaux négriers de contrebande. La Sierra Leone devient en 1792 la première colonie britannique de l'Afrique de l'Ouest et, en 1794, le poste de gouverneur en est confié à Zachary Macaulay. La colonie, dont l'assise reste fragile, doit faire face à l'assaut des troupes révolutionnaires françaises.

La population de Sierra Leone ne cesse de croître par la suite : de 2 000 habitants en 1807, elle passe à 11 000 en 1825 et à 40 000 en 1850. Manquant de main-d'œuvre pour les travaux agricoles, les anciens esclaves se lancent dans le commerce. Les Saros (Sierra Leonians), formés dans des écoles chrétiennes, donnent naissance à une bourgeoisie de fonctionnaires et de professions libérales très brillante et à une classe entreprenante de commerçants, agents des missions, travailleurs manuels, qui essaimeront de la Gambie au Cameroun, voire à l’Angola. Ils seront particulièrement nombreux au Nigeria après le retour de 3 000 recaptives egbas (en) vers 1850 à Abeokuta.

Au cours du XIXe siècle, la Sierra Leone développe une culture originale mêlant éléments traditionnels africains et influence européenne. Le langage local, le krio, combine une syntaxe yoruba et un vocabulaire en partie européen. Les Britanniques exercent leur autorité selon le principe de l'indirect rule, s'appuyant sur des personnalités sierra-léonaise telle que Yoko de Senehun[2],[3]. En 1868, un sixième de la population est scolarisé, soit un taux supérieur à celui du Royaume-Uni. La Sierra Leone accueille aussi le collège de Fourah Bay, première université de type occidental établie en Afrique sub-saharienne. À la fin du siècle, toutefois, le déclin du commerce et l'accroissement de la pression européenne conduisent à la perte d'influence de l'élite africaine noire, comme dans l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest.

En 1951, un programme de décolonisation est préparé. Milton Margaï (1895-1964), ancien médecin et chef du Parti du peuple de Sierra Leone (Sierra Leone People's Party), est nommé Premier ministre en 1954.

Années 1961-1991 modifier

 
Répartition des groupes ethniques en 1969.

Le , le pays obtient son indépendance. Mais à cause de luttes entre ethnies, le pays connaît une grande instabilité politique. Albert Margai, frère de Milton Margai, lui succède comme Premier ministre en 1964.

En mars 1967, Siaka Stevens, chef du parti All People's Congress (APC), remporte les élections, mais son accession au pouvoir est retardée jusqu'en par une série de coups d'État militaires. Le , il instaure un régime de parti unique. Il tente alors d'assainir la vie politique, en luttant contre la corruption par exemple. Mais il abandonne vite cette voie pour exploiter les mines de diamants au nord du pays.

En 1971 la Sierra Leone adopte la conduite à droite[4].

Le , avec 14 autres États, la Sierra Leone fonde la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest.

Siaka Stevens laisse sa place au commandant en chef des armées, Joseph Saidu Momoh, en novembre 1985. Ce dernier est officiellement élu président en janvier 1986. En novembre 1987, Momoh décrète « l'état d'urgence économique » et prend des mesures d'austérité draconiennes. Mais l'exploitation des mines de diamants continue toujours de rapporter beaucoup d'argent aux principaux chefs du régime.

Années 1991-2002 : guerre civile modifier

La guerre civile sierra-léonaise se déroule de mars 1991 au . Son principal but est le contrôle des zones diamantifères.

Elle cause la mort de 100 000 à 200 000 personnes et le déplacement de plus de 2 millions de personnes (ce qui représente le tiers de la population de l'époque). De nombreuses exactions et mutilations ont également lieu, ainsi que l'emploi massif d'enfants soldats.

Années 2002-présent modifier

Le , le président sortant, Ahmad Tejan Kabbah (1932-2014), est réélu avec 70,6 % des voix.

Le pays est désormais en paix, après 10 ans d'une guerre civile atroce. Les différentes mesures prises par l'ONU sont progressivement réduites, voire supprimées, comme l'atteste la levée de l'embargo sur les exportations de diamants du sang. De même, les effectifs de la MINUSIL (casques bleus) sont diminués. Après un pic de 17 500 hommes en mars 2001, les effectifs sont ramenés à 13 000 en juin 2003 et à 5 000 en octobre 2004.

Cependant, pour des raisons économiques, de nombreux enfants travaillent toujours dans les mines de diamants, qui sont très dangereuses. La propagation du SIDA chez eux est également très importante : 16 000 enfants de moins de 15 ans sont séropositifs.

Ernest Bai Koroma (1953-), principal opposant, candidat du Congrès de tout le peuple (APC), ex-parti unique écarté du pouvoir depuis quinze ans, succède à Ahmad Tejan Kabbah, battant au second tour son adversaire, Solomon Berewa, vice-président et candidat du Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP) avec 54,6 % des suffrages[5],[6]. Il est réélu pour un deuxième et dernier mandat le en remportant 58,7 % des suffrages contre 37,4 % pour son adversaire, le général Julius Maada Bio, brièvement chef de l'État en 1996. Il a maintenu la paix, amélioré le réseau routier et la fourniture en électricité, même si celle-ci reste déficiente. Pour autant, le pays reste un des plus pauvres d'Afrique, malgré ses mines de diamant[7].

Le pays est touché par l'épidémie d’Ebola en 2014 et 2015, qui fait 4 000 morts[8], et, en 2017, par des inondations meurtrières[9].

 
Julius Maada Bio

En 2018, le pays connaît une nouvelle alternance politique entre les deux principaux partis. Le candidat de l’opposition, Julius Maada Bio (1964-), ancien militaire de 53 ans, remporte les présidentielles avec 51,81 % des voix, contre 48,19 % pour Samura Kamara, le candidat du parti précédemment au pouvoir, le Congrès de tout le peuple (APC)[10].

Notes et références modifier

  1. Cf. John H. Atherton, « Excavations at Kamabai and Yagala rock shelters, Sierra Leone », West African journal of archaeology, no 2, 1972, p. 39-74.
  2. (pt) « Yoko de Senehun (1849–1906) », sur Université fédérale du Rio Grande do Sul,
  3. « Madam Yoko, Reine de Senehun », NofiMedia,‎ (lire en ligne)
  4. « Samoa : dès aujourd'hui je conduis à contresens », Rue89, 6 septembre 2009.
  5. « Président de Sierra Leone », Jeune Afrique,‎ (lire en ligne)
  6. Jean-Philippe Rémy, « L'opposant Ernest Bai Koroma, nouveau président sierra-léonais », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  7. « Sierra Leone : Ernest Bai Koroma, un assureur rassurant », Jeune Afrique,‎ (lire en ligne)
  8. 1+ Pierre Lepidi, « La Sierra Leone chante “Ebola bye bye” », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  9. Patricia Jolly, « La Sierra Leone ravagée par les inondations », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  10. « Sierra Leone : le candidat de l’opposition remporte la présidentielle », Le Monde,‎ (lire en ligne)

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier

Depuis 1961 modifier

Bibliographie modifier

  • (fr) Salone L. Bonnet, roman historique, Editions Vents d'Ailleurs, 2012 (ISBN 978-2-36413-017-3).
  • (en) C. Magbaily Fyle et Cyril P. Foray, Historical dictionary of Sierra Leone, Scarecrow Press, Lanham, Md., 2006 (nouvelle édition révisée), LII-288 p. (ISBN 978-0-8108-5339-3).
  • (en) Ernest Graham Ingham, Sierra Leone after a hundred years, Frank Cass, Londres, 1968, XI-368 p. (reproduction en fac-similé de l'éd. de Londres, Seeley and C° Ltd, 1894).
  • (en) Alexander Peter Kup, A history of Sierra Leone, 1400-1787, Cambridge University Press, Cambridge, 1961, 211 p.