La grève des 100 000 fut une grève qui dura du 10 au en Belgique durant l'occupation allemande. Elle était menée par Julien Lahaut, chef du Parti communiste de Belgique (PCB). L'objectif de cette grève était l'augmentation des salaires et un acte de résistance passive à l'occupation allemande.

Vue actuelle de Cockerill-Sambre à Seraing où la grève débuta

Les raisons de la grève. « La colère des ouvriers fait trembler Berlin » modifier

José Gotovitch écrit « depuis janvier, et malgré leur interdiction formelle, des grèves ont éclaté en Wallonie, touchant même sporadiquement des usines gantoises[1]. » Il cite également un haut gradé de l'armée allemande constatant que de mars à , on passe de 15 kg de pommes de terre par personne à rien en mai. Le monde ouvrier en matière de résistance en Wallonie préfère s'exprimer par des grèves : « Des grèves sont enregistrées en , s'intensifient petitement en novembre avant de culminer en avec la « fameuse « grève des 100 000 » » (en fait, 70 000) secouant pour l'essentiel le bassin industriel liégeois[2]. »

Les grèves s'étendent dans la région liégeoise. Les mineurs de la Boverie, refusent de descendre le . « Deux jours après, tout le bassin liégeois est immobilisé [...] Le mouvement s'étend même vers la Campine[3]. » Julien Lahaut en est le meneur[4].

La grève débute à Cockerill-Sambre dans la cité industrielle de Seraing le , jour anniversaire de l'invasion de la Belgique par l'Allemagne nazie[3]. La nouvelle se répand rapidement à travers la province et mobilise au plus fort de la contestation 70 000 travailleurs[3]. Pour mettre un terme à cette grève, les Allemands doivent augmenter les salaires de manière substantielle (8 %)[3]. Elle se termine officiellement le [5].

Hitler intervient personnellement pour que Liège soit ravitaillé modifier

Gotovitch écrit encore : « L'écho... et l'émotion remontent jusqu'au Grand quartier général de Führer, alors en pleine préparation de l'invasion de l'URSS. « Chaque jour de grève, c'est 2 000 tonnes d'acier perdues » , note le général Halder, chef d'État-major adjoint. Le conflit social met directement en cause l'effort de guerre allemand. Hitler intervient personnellement pour que Liège, épicentre du conflit soit immédiatement ravitaillé[3]. »

En , craignant une nouvelle grève d'une telle ampleur, les autorités allemandes arrêtèrent 400 ouvriers soupçonnés de préparer une action similaire[3]. D'autres grèves importantes eurent quand même lieu en Belgique en et [3].

Dans la foulée de la grève et la répression du communisme après l'invasion de l'Union soviétique et la fin du pacte germano-soviétique, Julien Lahaut fut déporté dans un camp de concentration en Allemagne. Beaucoup d'autres grévistes furent également incarcérés au fort de Huy[5].

Conséquences, la grève belge irradie en France modifier

La grande grève des mineurs belges « irradie en France, une grève lancée et prise en charge par le PCF déferle à son tour dans le Nord-Pas-de-Calais du 27 mai au 9 juin »[6]. Les mineurs français ont été informés des « promesses obtenues par les mineurs belges après la grève menée entre les 10 et 21 mai » [7].

C'est dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, tout proche de celui de Wallonie, à la fosse 7 de la Compagnie des mines de Dourges, que la grève patriotique des cent mille mineurs du Nord-Pas-de-Calais de mai-juin 1941 a démarré, avec Emilienne Mopty et Michel Brulé (1912-1942), privant les Allemands de 93 000 tonnes de charbon pendant près de 2 semaines[8]. C'est l'un des premiers actes de résistance collective à l'occupation nazie en France et le plus important en nombre, qui se solda par 414 arrestations en 3 vagues, la déportation de 270 personnes[9], 130 mineurs étant par ailleurs fusillés à la Citadelle d'Arras.

La grève française est inspirée par la grève belge[10] et menée par le communiste Auguste Lecœur et fut jugée par le journal français Le Monde le comme une des actions de résistance en France les plus spectaculaires. La grève qui débuta le et termina le amena environ 80 % des mineurs de la région à protester contre le manque de nourriture et le salaire[11].

Références modifier

  1. La colère des ouvriers fait trembler Berlin dans Les Journaux de Guerre 1940-1945, n° 11, 2016, p.3.
  2. Fabrice Maerten et Alain Colignon, La Wallonie sous l'Occupation : 1940-1945, Waterloo, CEGESOMA/La Renaissance du livre, , 179 p. (ISBN 978-2-507-05062-7), p. 58
  3. a b c d e f et g Gotovitch et Aron 2008, p. 220-221.
  4. Encyclopédie du mouvement wallon, tome II, p. 906.
  5. a et b « Évocation: Julien Lahaut et la grève des 100 000 », RTBF Info,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. "L'Europe des communistes" par José Gotovitch, Pascal Delwit, an-Michel De_Waele, aux Editions Complexe, en 1992 [1]
  7. "La Répression allemande dans le Nord de la France 1940–1944" par Laurent Thiery aux Editions du Septentrion en 2013, page 122 [2]
  8. Etienne Dejonghe, « Chronique de la grève des mineurs du Nord/Pas-de-Calais (27 mai - 6 juin 1941) », Revue du Nord, t. 69, no 273,‎ , p. 323-345 (ISSN 0035-2624, e-ISSN 2271-7005, DOI 10.3406/rnord.1987.4298).
  9. « Grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais », Chemins de Mémoire (consulté le )
  10. José Gotovitch, Pascal Delwit et Jean-Michel de Waele, L'Europe des communistes, Editions Complexe, , 352 p. (ISBN 978-2-87027-467-5, lire en ligne), p. 144
  11. (en) Lynne Taylor, Between Resistance and Collaboration : Popular Protest in Northern France, 1940-45, Basingstoke, Macmillan, , 75-6 p. (ISBN 0-333-73640-0)

Bibliographie modifier

  • José Gotovitch et Paul Aron, Dictionnaire de la Seconde Guerre Mondiale en Belgique, Bruxelles, André Versaille éd., , 527 p. (ISBN 978-2-87495-001-8)
  • (nl) Dirk Luyten, « Stakingen in België en Nederland, 1940-1941 », Bijdragen tot de Eigentijdse Geschiedenis, no 15,‎ , p. 149-175 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  • Jules Pirlot, « Les communistes au Pays de Liège », Analyse de l'IHOES, no 115,‎ (lire en ligne).