Golog (ethnie)

minorité nomade tibétaine de la province de Qinghai

Les Gologs ou Ngologs (tibétain : མགོ་ལོག, Wylie : Mgo-log, chinois : 果洛 ; pinyin : guǒluò), parfois orthographiés golok ou ngolok, sont une population nomade qui vit dans la préfecture autonome tibétaine de Golog de la province du Qinghai en République populaire de Chine, à proximité de l'Amnye Machen, montagne sacrée du Tibet. Les Gologs avaient la réputation - souvent méritée - de bandits de grands chemins qui les faisait redouter des caravaniers et des voyageurs[1],[2].

Homme golog (1938).
Paysage de la préfecture de Golog (2005).
Jeune femme golog et son enfant (1938).

Historique modifier

Les ancêtres des Gologs, originaires de différentes régions du Tibet, auraient été exilés au cours des siècles dans les régions marécageuses où ils habitent aujourd'hui[3].

Jules-Léon Dutreuil de Rhins est tué lors d'un accrochage avec des Gologs près de la localité de Tom-Boumdo le . Les résultats de cette expédition seront publiés en 1897-1898 par son jeune associé, Fernand Grenard, sous le titre Mission scientifique dans la Haute-Asie[4].

De 1917 à 1949, ils luttèrent farouchement pour leur indépendance au cours des rébellions goloks. Mais ils furent particulièrement massacrés notamment par la Clique des Ma.

En 1940, Louis Liotard est tué au Sichuan par une bande de Gologs en tentant d'atteindre le pays golog par le sud lors de la deuxième expédition Guibaut-Liotard[5],[6], une mission secrète lors de la Seconde Guerre mondiale[7]. Selon Thoupten Phuntshog, l'identité des bandits, chinois ou tibétains, ne fut jamais élucidée. André Guibaut eu la vie sauve grâce à l'abbé d'un monastère de l'est du Tibet[7].

En 1949, les Gologs attaquent et massacrent un détachement de l'armée nationaliste chinoise qui s'y était réfugié pour échapper aux troupes communistes[8] lors de la guerre civile chinoise.

La tibétologue Katia Buffetrille indique, lors de son voyage en autour de l'Amnye Machen, que les explorateurs occidentaux connaissaient de telles difficultés à cause de leur méconnaissance et parfois aussi à cause du manque de respect des coutumes locales. Elle précise que si les Goloks présentent toujours un aspect inquiétant avec leurs longues nattes et leurs armes, elle a rencontré auprès d'eux de la sympathie et de l'aide[9].

Le massif de l'Amnye Machen modifier

Le massif de l'Amnye Machen est depuis des temps immémoriaux une montagne sacrée et un lieu de pèlerinage pour les populations gologs. Fernand Grenard, lors de l'expédition organisée par Jules-Léon Dutreuil de Rhins en Haute-Asie, aperçoit la montagne au loin en  ; il en donne cette description :

« C'est l'Amni Ma-tchen, le mont sacré des Ngo-log, devant lequel ils prient et battent la terre du front, dont la divinité redoutable, mal assimilée par le bouddhisme, protège leur indépendance, fait croître et prospérer leurs troupeaux, rend profitables leurs pirateries. »[10].

L'Amnye Machen est considéré comme la résidence de Machen Pomra, la divinité tutélaire des Gologs. Elle est représentée chevauchant un cheval blanc et brandissant un étendard[3]. Il lui est rendu hommage, ainsi qu'aux trois cent soixante dieux secondaires dont elle est le chef, par de nombreux pèlerins qui parcourent à pied les quelque 200 km du circuit de circumambulation du mont. Avant l'administration chinoise de la région, ils étaient chaque année près de 10 000 à effectuer ce pèlerinage, qui dure normalement sept jours.

Selon les légendes gologs, l'épée magique du héros tibétain Gesar de Ling serait cachée dans la montagne de l'Amnye Machen.

Démographie modifier

Reprenant des chiffres fournis par le gouvernement tibétain en exil du dalaï-lama et publiés par le Times of India en 1984, Laurent Deshayes, docteur en histoire et spécialiste du Tibet[11], avance que les Ngologs, qui étaient 120 000 en 1957 et vivaient entre Kham oriental et Amdo, n'étaient plus que 4 200 au milieu des années 1970[12].

Du 2e recensement national (1964) au 5e (2000), le chiffre de la population dans la région Mgo Log (Ngolog) est passé de 56 936 à 130 000 habitants, toutes ethnies confondues (Tibétains, Han, Hui et autres « nationalités »). En 1982 (3e recensement), il était de 105 152, en 1990 (4e recensement) de 116 565.

En 1982, dans la seule préfecture autonome tibétaine Mgo Log (Ngolog), le nombre moyen d'enfants par famille s'établissait à 4,5. En 1990, il était de 4,4 ou 4,7 selon les sources. Les pasteurs ne déclareraient pas certains enfants pour pouvoir payer moins d'impôts (ceux-ci étant calculés au pro rata du nombre de têtes) ou pour contourner l'obligation légale de 9 années de scolarité[13].

Mode de vie modifier

 
Campement golog à la fin des années 1930.

Les Gologs restent aujourd'hui les seuls représentants d'une ethnie tibétaine à pouvoir porter des armes. Regroupés par famille, ils vivent principalement de l'élevage du yak et du mouton et se déplacent avec leurs vastes troupeaux en fonction des pâturages[3].

Le petit déjeuner traditionnel de bergers Golog est constitué d’un peu de tsampa, de thé au lait et de chura, réchauffés ensemble pour former une sorte de gruau ou de porridge.

Les guerriers gologs attaquaient les caravaniers, lesquels devaient éviter la région[14].

L'écrivain britannique Christopher Hale fait état de l'habitude qu'avaient les Gologs de coudre leurs victimes dans un manteau en peau de yak et de les laisser rôtir au soleil[15].

À voir modifier

Bibliographie modifier

  • André Guibaut, Ngolo-Setas, 2e expédition Guibaut-Liotard au Tibet, 1940, J. Susse, 1947
  • Jacques Raymond, Au Tibet des rebelles Golok, préface Michel Peissel, Romain Pages Éditions, 2002, (ISBN 2843501059)[16].
  • Constantin de Slizewicz, Les peuples oubliés du Tibet, Perrin, Asie, 2007, (ISBN 2262023069)
  • Jérôme Édou, René Vernadet, Tibet - les chevaux du vent, Paris, L'Asiathèque, , 462 p. (ISBN 978-2-915255-48-5)
  • Marc Moniez, Christian Deweirdt et Monique Masse, Le Tibet, Paris, Les Guides « Peuples du Monde », Éditions de l'Adret, , 591 p. (ISBN 2-907629-46-8)

Liens externes modifier

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Notes et références modifier

  1. « Ces drogpa, ou pasteurs, principalement dans l'est du pays, changèrent souvent de maîtres au cours de l'histoire ; tantôt sous le contrôle de la Chine, parfois rattachés au Tibet central, ils vécurent le plus souvent en marge des deux communautés dont ils ne reconnaissaient pas les gouvernements et avec lesquelles ils n'entretenaient que des relations commerciales, s'arrangeant pour ne payer l'impôt ni aux uns ni aux autres. », Tibet - les chevaux du vent, p. 229.
  2. « Ces nomades sont des guerriers fiers et farouches qui, seuls, tentèrent de s'opposer malgré leurs faibles moyens à l'invasion chinoise de 1950. Par le passé, certains nomades s'illustrèrent également dans le pillage de caravanes, particulièrement les Gologs qui se sont taillé une solide réputation de bandits de grands chemins. », Le Tibet, p. 267.
  3. a b et c C. Deweirdt, M. Masse, M. Monniez, Le Tibet, Les guides « Peuples du Monde », 2008, 3e édition, p. 52.
  4. Les voyages de Dutreuil de Rhins et Grenard sur le site de Jean Dif.
  5. André Guibaut, Ngolo-Setas, 2e expédition Guibaut-Liotard au Tibet, 1940, J. Susse, 1947.
  6. Constantin de Slizewicz, Les peuples oubliés du Tibet, 2007, Perrin, Asie, 2007.
  7. a et b Jean-Philippe Caudron, Thoupten Phuntshog, J'ai connu le Tibet libre, Grasset, 2001, (ISBN 2246576318 et 9782246576310), p. 307-308
  8. Jean Dif : Chronologie de l'histoire du Tibet et de ses relations avec le reste du monde.
  9. Katia Buffetrille et Charles Ramble, Tibétains, 1959-1999, quarante ans de colonisation, Éd. Autrement, coll. « Monde », 1998, p. 100, (ISBN 286260822X).
  10. Mission scientifique dans la Haute-Asie 1890-1895, Paris, E. Leroux, 1897-1898, vol. 1, p. 346 (voir en ligne) sur dsr.nii.ac.jp
  11. Source : Bibliomonde.
  12. Laurent Deshayes, Histoire du Tibet, 1997, Fayard, p. 349.
  13. (en) Bianca Horlemann, Modernization Efforts in Mgo Log: A Chronicle, 1970-2000, in Amdo Tibetans in Transition: Society and Culture, 2002, pp. 241-269, en part. pp. 263-264.
  14. Présentation du peuple Golok sur pagesperso-orange.fr
  15. (en) Christopher Hale, Himmler's Crusade, The Nazi Expedition to Find the Origins of the Aryan Race, John Wiley & Sons, Hoboken (NJ), 2003, 422 p., p. 115 : « The Ngoloks were reputed to be the most bloodthirsty of the nomadic tribes with a nasty habit of sewing their victims into yak coats and leaving them to roast in the midday sun. »
  16. « Présentation du livre de Jacques Raymond :Au Tibet des rebelles Golok », sur www.explorer-photo.com