Georges Dumoulin

syndicaliste français

Georges Dumoulin est un syndicaliste français, né le à Ardres (Pas-de-Calais), mort le à Annappes (Nord).

Biographie modifier

Un militant du syndicalisme révolutionnaire jusqu'à la Première Guerre mondiale modifier

Deuxième des 6 enfants d'un modeste ménage, il est le fils d'un père qui fut ouvrier agricole. Scolarisé dans l'enseignement primaire, il doit cependant travailler à temps partiel dès l'âge de 8 ans comme ouvrier agricole, ouvrier dans une raffinerie de sucre puis mineur à 15 ans. Il adhère au syndicat des mineurs du Pas-de-Calais en 1893, puis au Parti ouvrier français de Jules Guesde en 1900, pour lequel il milite à Harnes. Il est alors partisan de la grève générale et d'une action révolutionnaire. Il est arrêté avec l'un de ses frères, et condamné à 15 jours de prison. Fin 1902, il contribue à former un nouveau syndicat, la Fédération syndicale des mineurs du Pas-de-Calais, qui adhère à la CGT. Il collabore au Travailleur, à La Voix du peuple, au Réveil syndical, dont il est le gérant jusqu'en 1904. Après deux années de travail et d'études des idéologies socialistes et du mouvement social, il se lance à nouveau dans l'action et devient permanent syndical en 1906, comme secrétaire de la Fédération des mineurs du Pas-de-Calais, dont il est exclu en , du fait des dissensions internes au mouvement ouvrier, entre anarchistes et socialistes. Il gagne Paris, collabore à La Vie ouvrière et devient le trésorier adjoint de la CGT en 1911, puis en 1913 le secrétaire adjoint de la section des fédérations, sous la direction de Léon Jouhaux. Il mène la campagne antimilitariste de la CGT. Mobilisé de 1914 à 1917, il rompt avec Jouhaux, condamne l'union sacrée et prône le pacifisme.

Un militant réformiste, pacifiste et anticommuniste dans l'entre-deux-guerres modifier

Après la Première Guerre mondiale, il rompt avec le syndicalisme révolutionnaire et préconise à partir de 1919 une action réformiste. Il devient aussi anticommuniste, et va le demeurer jusqu'à sa mort. Il veut une CGT indépendante. Membre du bureau confédéral de la CGT depuis 1912, il le reste jusqu'en 1923 et participe à ce titre, activement, à la scission syndicale de 1921.

Il exerce ensuite des responsabilités au Bureau international du travail de 1924 à 1932, sous la direction du socialiste Albert Thomas. Membre de la SFIO, il milite pour ce parti, est rédacteur à son quotidien Le Populaire et membre de son conseil d'administration[1], collabore à La Revue socialiste, donne des conférences[2], publie des brochures[3]. Secrétaire de mairie à Denain, il se présente à deux reprises aux élections législatives, sous l'étiquette SFIO, en 1932 notamment dans la 3e circonscription de Valenciennes, sans succès[4]. Il est aussi candidat aux sénatoriales de 1932, sur la liste de la SFIO[5].

Il devient le secrétaire général de l'Union départementale CGT du Nord lors de la réunification syndicale en [6]. Il doit gérer le mouvement de grèves de 1936 dans le Nord, contre un patronat intransigeant[7].

Il collabore à la revue de René Belin Syndicats à partir de sa fondation en et partage sa ligne pacifiste (jusqu'en ) et anticommuniste, hostile à la tentative de prise en mai de la CGT par le Parti communiste. Il dénonce d'ailleurs une « colonisation » du syndicat par les militants du PCF[8]. Au grand dam des communistes, il signe un manifeste demandant la vérité sur les procès de Moscou[9] et préface l'ouvrage du mineur cégétiste Kléber Legeay, Un mineur français chez les mineurs russes (1937)[10]. Avec d'autres animateurs de Syndicats, il est en 1940 vice-président du comité syndical français d'aide à la Finlande, alors attaquée par l'URSS[11]. Au sein de la SFIO, il est proche de la tendance incarnée par Paul Faure, tout aussi pacifiste, munichoise et anticommuniste; il collabore à son hebdomadaire, Le Pays socialiste[12].

Il est membre de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICA) où il est très actif et qu'il cherche à implanter dans le Nord[13]. Il prend position contre l’antisémitisme en 1939 dans la revue Syndicats et dans celle de la LICA, avant de rompre avec cette dernière association en , l'accusant de bellicisme[14].

Un militant pour la collaboration de gauche sous l'Occupation, au nom du socialisme modifier

Sous l'Occupation, Dumoulin écrit dans L'Atelier, un hebdomadaire socialiste-national qui s'adonne pendant la guerre à un antisémitisme débridé et prône l’alignement du syndicalisme français sur l'Allemagne nationale-socialiste[15]. Il adhère au Rassemblement national populaire de Marcel Déat, est membre de sa commission permanente (la plus haute instance de ce parti collaborationniste) et écrit dans son périodique, L'Œuvre. Il anime son Centre syndicaliste de propagande tournée vers les ouvriers, et dont il est son premier secrétaire général[16]. Il est alors un collaborationniste affirmé, dans le cadre du RNP[17] et du Centre syndicaliste de propagande[18]. Dumoulin déclara par exemple en 1942, après un voyage en Allemagne : « Trop de Français s’imaginent que le bolchevisme vainqueur s’arrêterait à nos frontières. Quelle illusion ! (…) Dans la lutte actuelle contre le bolchevisme, la France doit prendre la place qui lui est offerte et elle est digne d’elle, puisque c’est le travail ». Ses convictions ont un accent anticapitaliste, socialiste, étatiste et ouvriériste - les « ouvriers français et allemands sont pour lui les constructeurs de l’édifice européen ». Il veut un État socialiste et autoritaire, défend l’autonomie ouvrière contre le paternalisme et les corporatistes traditionalistes, déteste « toute politique intérieure réactionnaire »[19].

Il est désigné en membre du Conseil national instauré par Vichy, mais il en est radié en novembre.Il devient chargé de mission au ministère du travail et en inspecteur général de l'Office des comités sociaux, fondé en 1941 et qui à l'origine était une association de droit privé liée au cabinet civil du maréchal Pétain[20]. Il est chargé par le secrétaire général du ministère du travail « d’assurer la liaison entre les responsables de l’office et le secrétariat au travail, (…) de renseigner ce ministère sur la formation et le fonctionnement des comités sociaux d’entreprises et des commissions départementales »[21]. Dumoulin a aussi été nommé par le ministre Jean Bichelonne en membre du Conseil supérieur du travail[22].

L'après-guerre modifier

Il fuit Paris en août 1944 puis se cache dans l’Eure, comme valet de ferme, pour échapper à l'épuration. Jusqu’au moment où il décide de se présenter devant ses juges en 1951, à 74 ans, alors qu'il avait été condamné à mort par contumace le , par la Cour de justice de la Seine[23]. Il se constitue prisonnier le [24], est mis en liberté provisoire jusqu'à son procès qui se tient en . Il y affirme: « Moi, j'ai toujours été pour le rapprochement franco-allemand. Ça peut vous plaire ou ne pas vous plaire. Peut-être ai-je anticipé ? (...) Cela n'empêche pas que l'hitlérisme m'inspirait un profond dégoût. C'est une doctrine qui n'admet pas le syndicalisme, elle n'est pas dans l'esprit français. (...) Les faits que vous me rappelez, je n'ai jamais eu à en rougir. Dans une vie ardente comme la mienne, pendant cinquante ans, on peut commettre des erreurs. J'en reconnais quelques-unes. Mais ce qui est fait est fait. Je parle ici avec mon cœur ». Pour justifier d'avoir attendu plusieurs années avant de se présenter devant la justice, il déclare: « Je n'ai pas eu confiance dans les cours de justice ni dans les chambres civiques. Je ne pouvais pas faire confiance à ces jurys de partisans. J'ai combattu les communistes, non pour les empêcher d'exister, mais pour qu'ils ne s'emparent pas de la C.G.T. Ils m'en ont voulu. Lorsqu'ils m'ont tenu, même absent, dans une cour de justice il fallait bien qu'ils me condamnent au moins à mort. Cela n'empêche pas que j'en avais assez d'attendre. Je ne savais rien de ce qui se passait. Je travaillais dans une ferme. À soixante-dix ans j'ai repris la fourche. Mais des amis me disaient que le climat n'était pas encore favorable » (en 1951 est votée la première loi d'amnistie). Il est condamné par le tribunal militaire de Paris à 2 ans de prison et à 20 000 francs d’amende le [25].

On le trouve ensuite parmi les collaborateurs occasionnels des Études sociales et syndicales de Claude Harmel, ancien du RNP[26], et du très anticommuniste Centre d'archives et de documentation de Georges Albertini, l'ancien no 2 du RNP[27]. Cet ancien franc-maçon[28] se convertit au catholicisme et collabore aussi à la revue catholique traditionaliste et anticommuniste Itinéraires[29].

Publications modifier

  • Les Syndicalistes français et la guerre, préface d'André Girard, Comité central des C.S.R., 1921
  • Carnets de Route, quarante années de la vie militante, préface de René Belin, Éditions de l'avenir, Lille, 1940.

Sources et bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. Le Populaire, 2 décembre 1927, Ibid., 4 janvier 1933, "Les métallos de la région parisienne", Ibid., 24 août 1933, "Le conseil d'administration et de direction du Populaire", Les Documents politiques, diplomatiques et financiers, décembre 1933
  2. Le Populaire, 3 mai 1933, Une intéressante conférence de G. Dumoulin à Vierzon", Ibid., 1er février 1933, "Une manifestation pacifiste à Busigny", Ibid., 6 novembre 1935, "Le coin des jeunes. Deux belles réunions chez les J.S. du Pas-de-Calais"
  3. Le Populaire, 26 mars 1935, "Les livres. Écrits socialistes" ( photographie )
  4. Le Populaire, 8 janvier 1932, "Nos candidats aux élections législatives", Le Populaire, 11 avril 1932, L'Œil de Paris pénètre partout, 2 janvier 1932
  5. Le Populaire, 10 octobre 1932, Le Temps, 18 octobre 1932 ( résultats )
  6. Le Populaire, 18 février 1936, "Dans le Nord", Le Temps, 27 février 1939, "Congrès et réunions". Il annonce sa démission en mars 1938: Le Temps, 3 mars 1938, Ibid., 12 mars 1938, "A l'Union des syndicats du Nord"
  7. Le Populaire, 4 septembre 1936, "Hier s'est tenue au ministère du travail une entrevue des délégués des textiles du Nord", ( photographie ), Le Populaire, 13 septembre 1936, "M. Blum arbitrera aujourd'hui à Lille le conflit textile", Le Populaire, 23 septembre 1936, "Dans les textiles de Roubaix et Tourcoing", Le Populaire, 23 décembre 1936, "Les patrons métallurgistes du Nord restent intransigeants". En 1939, il participe à une réunion avec des patrons du Nord: Le Temps, 19 avril 1939, "La collaboration entre patrons et ouvriers dans le Nord". Il affirme en 1940 qu'il existe « quelques hommes de bonne volonté dans le monde patronal»: Le Matin, 15 janvier 1940, "La répudiation des communistes"
  8. Marie-France Rogliano, "L'anticommunisme dans la CGT: Syndicats" dans Le Mouvement social, avril 1974, Le Petit Parisien, 23 juillet 1937, "L'action communiste au sein de la CGT", L'Homme libre, 23 avril 1937, "Les communistes dans les syndicats", Ibid., 18 février 1939, "Le redressement de la CGT"
  9. Feuilles libres de la quinzaine, 25 novembre 1936
  10. Legeay, secrétaire de la fédération CGT des mineurs du Nord est allé en URSS en 1936 avec P. Vigne. Le Populaire, 8 décembre 1937, "Carnet du lecteur". Le Parti populaire français en profite, et publie sa préface: Le Libérateur du Sud-Ouest, 7 septembre 1937
  11. Le Temps, 1er mars 1940, "Un comité syndical français d'aide à la Finlande"
  12. Noëlline Castagnez-Ruggiou, "Le Pays socialiste, par la Liberté, par la Paix: des socialistes pacifiques autour de Paul Faure", dans Matériaux pour l'histoire de notre temps, 1993, vol. 30, no 1, p. 48-52
  13. Le Droit de vivre, 30 octobre 1937, 22 janvier 1938, cité par Simon Epstein, op. cit., p. 218
  14. Simon Epstein, op. cit., p. 218-220
  15. Jean-Pierre Le Crom, op. cit., p. 208-217, Simon Epstein, Un paradoxe français, p. 220, op. cit.. Dumoulin publie quelques articles antisémites dans ce périodique dans lequel il écrit sous le pseudonyme de Georges Dharnes
  16. Le Matin, 13 mai 1941, "Bloc-notes professionnel" ( composition du Centre )
  17. Le Matin, 21 octobre 1942, "Seule la collaboration franco-allemande donnera la paix à l'Europe, déclare M. Georges Dumoulin au congrès du RNP de Lille", Le Matin, 17 juillet 1943, "Le troisième congrès national du RNP"
  18. Le Matin, 23 juin 1941, "Une conférence de Georges Dumoulin", L'Ouest-Eclair, 8 août 1941, "Une réunion du Centre syndicaliste de propagande à la Maison du peuple", Ibid., 12 août 1941, "M. Dumoulin expose à la Maison du peuple la position du Centre syndicaliste de propagande", Le Matin, 13 avril 1942, "Une importante résolution du centre syndicaliste de propagande", Le Matin, 8 novembre 1943, "Un discours de M. Georges Dumoulin", Le Matin, 28 février 1944, "Le Centre syndicaliste de propagande a tenu sa troisième conférence nationale"
  19. L'Echo d'Alger, 1er juillet 1942. Concernant le « socialisme national » des dirigeants du RNP, cf. notamment Pierre Rigoulot, Georges Albertini, socialiste, collaborateur, gaulliste, Perrin, 2012, Denis Peschanski, Gabrielle Drigeard, « Paris-Vichy : syndicalisme légal ( 1940-1944 ) », Mots, 1993, no 36
  20. Informations générales, 30 juin 1942.
  21. Le Journal des débats, 26 juin 1942, Jean-Pierre Le Crom, op. cit., p. 299., Le Matin, 19 avril 1943, "La Charte du travail se réalise méthodiquement"
  22. Journal des débats, 26 décembre 1943
  23. Le Monde, 22 avril 1948, "Georges Dumoulin a été condamné à mort par contumace"
  24. Le Monde, 30 octobre 1951, "M. Georges Dumoulin se constitue prisonnier"
  25. Le Monde, 16 octobre 1953, Le Monde, 17 octobre 1953
  26. Cf. Les Études sociales et syndicales, no 95, août 1963, nécrologie: il était chargé des « notes d’histoire syndicale » dans ce mensuel.
  27. Pierre Rigoulot, p. cit.,
  28. Pierre Rigoulot, op. cit.
  29. Itinéraires, n° 6, septembre-octobre 1956, G. Dumoulin, "Retour aux vérités premières", no 7, novembre 1956, G. Dumoulin, "Retour aux vérités premières (II): une religion, une Église, no 42, avril 1960, G. Dumoulin, "L'âge de la sagesse", no 50, février 1961, G. Dumoulin, "Paul Faure"

Voir aussi modifier

Liens externes modifier