Fulco di Verdura

artiste italien

Fulco di Verdura, né le 20 mars 1898 près de Palerme et mort le 15 août 1978 à Londres, il était un joaillier et designer de bijoux italien. Il était connu pour son travail chez Chanel et inspira la profession. Bien que de nationalité italienne, il vécut principalement en France, aux États-Unis, puis au Royaume-Uni.

Fulco di Verdura
Fulco di Verdura (vers) 1939
Titre de noblesse
Duc
Biographie
Naissance
Décès
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Nationalité
Activités

Origines modifier

Fulco Santostefano della Cerda, duc de Verdura, naît à la villa Niscemi, aux environs de Palerme, en 1898. Il est le fils du marquis Giulio Santostefano della Cerda et de Carolina Valguarnera, fille du prince de Niscemi[1]. Sa sœur aînée, Maria Felice (qui épousera un Lequio di Assaba), est née deux ans auparavant, obligeant ses parents, qui vivent séparés, à retenter de mettre au monde un héritier. Après la naissance de leur fils, ils se séparent définitivement et Fulco grandit dans les maisons grand-maternelles, avec sa mère et Maria Felice, élevé dans cette atmosphère qui inspira le roman Le Guépard, écrit par son propre cousin, le prince Giuseppe Tomasi di Lampedusa, et dont Luchino Visconti devait tirer son film.

Biographie modifier

En 1926, son père meurt, la famille est ruinée. Tout doit être vendu. Après avoir donné, « le plus grand bal costumé que Palerme ait jamais connu», il s'enfuit, vers ce Paris mythique, refuge légendaire de tous les désespoirs et de tous les espoirs. Là, armé d'une fragile vocation de peintre - la meilleure profession qui s'accordât à l'air du temps - il fréquente assidûment la Café society cosmopolite. Il rencontre la jeune Gabrielle Chanel lors d'une fête à Venise en 1925 qui, dans un éclat de rire, l'engage comme dessinateur de tissus (bien qu'il n'apparaisse sur les registres du personnel de la maison Chanel qu'entre novembre 1933 et janvier 1934, sous le nom « Fulco de la Verdura »[1]. L'univers qu'il déroule sur ses coupons l'enchante à tel point qu'elle lui demande de dessiner dorénavant ses bijoux. Ceux-ci paraitrons toujours authentiques pour elle (taillés dans les pierres que le Grand-Duc Vladimir de Russie et le Duc de Westminster lui avaient offertes, et qu'elle démontait au pic à glace[1]) et pourtant toujours fausses pour ses clientes, auprès desquelles elle voulait en lancer la mode. S'inspirant des images du trésor de Darius, il commence par imaginer pour l'exigeante Gabrielle elle-même les deux célèbres bracelets en pierres multicolores Croix de Malte qu'elle portera à chaque poignet jusqu'au tout dernier moment de sa vie. Puis c'est tout ce qui accompagnera ses collections, qu'il dessinera, au point qu'il imprimera aux bijoux Chanel le style que nous leur connaissons encore aujourd'hui. Ainsi les fameuses chaînes, symboles mêmes de la marque, sont-elles des adaptations verduriennes de croquis de Léonard de Vinci ; il puise aussi son inspiration chez le peintre maniériste Jules Romain, dans la nature ou les livres anciens; il se démarque de la mode épurée de l'Art déco tournant autour du platine et des diamants (que représente par exemple Jean Després) pour des bijoux en or à la grande habileté technique[1]. Mais, plus que de jouer avec des formes enfouies depuis la Renaissance, il venait d'inventer un style.

En 1934, il quitte Paris pour s'installer à New York, sur la recommandation de son ami le Baron Nicolas de Gunzburg (rédacteur en chef de Harper's Bazaar); il passe également à Beverly Hills, où il se lie au gotha d'Hollywood[1]. Son premier acte américain consiste à dessiner les bijoux que l'actrice Katharine Hepburn portera dans Indiscrétions, puis une boîte à cigarettes en argent pour Cole Porter, première d'une série qu'il complètera pour chacun des spectacles du compositeur et qui constituera une des plus précieuses collections de boîtes du monde. Présenté par Diana Vreeland au joaillier Paul Flato, il collabore avec lui pendant cinq ans avec la ligne Verdura for Flato[1]. Fort du soutien de Harper's Bazaar et de Vogue, qui publient quasiment dans tous leurs reportages de mode les formes animales et végétales dont Verdura s'amuse désormais à tirer des bijoux, il ouvre sa boutique sur la Cinquième Avenue. La clientèle la plus huppée de New York s'y presse. Le New York Times le baptise « America's crown jeweler ». Comptant de nombreuses personnalités parmi ses amis et clients (Marlene Dietrich, Joan Crawford, Laurence Olivier, Gary Cooper, Orson Welles, Mona Bismarck, Rita Hayworth, James Stewart, Dorothy Hirshon, Babe Paley ou encore Humphrey Bogart), il destine cependant ses pièces à son cercle de connaissance, demandant même à ses employés de répondre qu'il est mort aux acheteurs qu'il ne connaît pas[1].

Il se spécialise dans les clips à chapeau et les bijoux minuscules. Parmi ses fidèles clientes, la duchesse de Windsor lui commande un nombre si incalculable de clips qu'elle en viendra à oublier parfois qui était au juste leur auteur. Les anecdotes abondent concernant les différends entre Verdura et la duchesse, toutes révélatrices du caractère indéfectiblement aristocratique du duc-bijoutier et de celui, moins nuancé, de l'épouse de l'ex-roi du Royaume-Uni. Après avoir brièvement ouvert une boutique à Paris, au moment du retour sur le devant de la scène de Coco Chanel vers le milieu des années 1950, et vendu à un associé son affaire de New York, c'est à Londres qu'il choisira de s'établir pour se consacrer à la peinture[1] et se plonger dans la rédaction d'un ouvrage autobiographique dont, assez curieusement, la plus grande partie concerne l'enfance: « Finalement je dois constater que beaucoup de mes œuvres m'ont été inspirées par des images surgies de ce monde splendide de mon enfance» écrira-t-il avant de disparaître un soir de 1978 … Sur l'emblème de la maison Verdura figure toujours une couronne ducale surmontée d'un double profil de chimère portant de gueules à bande d'or.

Œuvre modifier

Aujourd'hui, à New York, 745 Fifth Avenue, la façade d'un immeuble banal cache l'un des secrets les mieux gardés de la joaillerie : les carnets de dessins originaux des bijoux de Fulco di Verdura. Ses œuvres, qui s'arrachent désormais à prix d'or dans les ventes aux enchères publiques, ont longtemps circulé d'une collection privée à l'autre, avec cette discrétion particulière que confère la conscience de posséder un des biens les plus précieux du monde. Dès le début des années 1930, c'est-à-dire - fait unique dans l'histoire - dès leur sortie d'atelier, les bracelets, colliers, boîtes et, surtout, épingles à chapeau et broches lilliputiennes du maître sont devenus objets de frénétiques collections. Aujourd'hui, longtemps après la disparition de Fulco di Verdura, la situation n'a pas changé : la vénérable maison continue de distiller de nouveaux chefs-d'œuvre scrupuleusement exécutés d'après les fameux dessins originaux laissés inexploités et qui deviennent à leur tour objets de collection. Personne ne sait au juste combien de ces carnets de dessins sont encore entre les mains des gestionnaires actuels et encore moins ce qu'ils contiennent. Si l'on en vient à prononcer devant eux le seul mot dessin, leurs yeux s'assombrissent, leurs visages se ferment, d'éloquents silences s'installent. Et quand on demande à Edward Landrigan, l'actuel Président, pourquoi un tel culte du secret, il répond malicieusement : « Lorsque j'ai vu pour la première fois des œuvres de Verdura, j'étais à la tête du département des bijoux chez Sotheby's, où j'étais chargé de réaliser la vente des bijoux de la cantatrice Lily Pons. Le coup de foudre a été immédiat. J'ai soudain compris qu'une grande partie de la production des joailliers que j'admirais le plus s'inspirait très largement, et souvent sans le dire, des créations de Fulco di Verdura. J'appris par la suite que, depuis son premier bijou, Verdura avait toujours été copié… De nos jours encore, il suffit qu'une photo inédite d'un bijou ou d'un dessin paraisse dans un magazine pour que quelques semaines plus tard on en voit des copies un peu partout ».

De nouvelles pièces de joailleries sont produites et d'anciennes sont rééditées, comme la broche en or Ravenna créée dans les années 1920 pour Coco Chanel et portée plus tard par Diana Vreeland, ou les boutons de manchettes Night & Day, réalisés pour Cole Porter. Parmi les clientes contemporaines de la maison, on compte Lady Diana, Brooke Shields, Sofia Coppola ou encore Cameron Diaz[1].

Il est le premier joailler à utiliser des coquillages, des émaux et du verre poli. Diana Vreeland, qui participa à sa renommée, déclarait ainsi que « les autres bijoutiers ont mis du temps avant de le rattraper ». En 1941, il réalise une collection de bijoux peints par Salvador Dali[1].

Dans les années 1950 déjà, un grand joaillier de New York (David Webb pour ne pas le nommer), qui, rencontrant Fulco di Verdura dans un cocktail, lui dit : « Ah, Monsieur di Verdura, comme je suis heureux de vous rencontrer ! J'ai tant d'admiration pour votre œuvre !», s'entendit répondre par le maître : « Mais oui, dites-moi... c'est ce que j'ai vu dans votre vitrine!».

Paloma Picasso, par contre, est de celles qui ne craignent pas de dévoiler tout ce que leur art doit à celui de Verdura : « Ses œuvres sont des fantasmes que j'utilise comme des références absolues. Il fut le premier à combiner des pierres de très grande valeur et des cailloux qu'il allait ramasser sur les plages de Fire Island». Du point de vue technique, son apport est considérable : appliquant le schéma de travail des orfèvres de la Renaissance (notamment de Benvenuto Cellini) à la bijouterie, Verdura fut le premier à monter des diamants directement sur de l'or et à utiliser des émaux en joaillerie. Cependant, ce ne sont pas tant les innovations techniques qui font la splendeur de ses bijoux qu'une qualité omniprésente et très rare dès lors qu'il s'agit de joyaux : l'humour. Ses figurines difformes , ses angelots enturbannés chevauchant des dauphins posés sur des vagues de diamants, ses paniers de groseilles en rubis tenues par une ficelle de pierres précieuses, ses poissons au front ceint d'une couronne ducale posée avec le négligé d'un béret basque, ses cœurs volants d'émeraudes et de diamants baguettes, ses licornes à la fois chinoises et byzantines, ses broches coquillages (surréalistes avant la lettre) sur lesquelles glissent des gouttes d'eau en turquoises, ses fleurs précieuses et son formidable bestiaire mythologique sont autant de clins d'œil délicieux (et revendiqués) aux œuvres de Raphaël, Dürer, Walt Disney (la série des petites souris), Véronèse ou Vinci. Selon la légende, c'est dans les fresques de sa maison familiale, couverte de figures mythologiques, que Verdura avait trouvé l'inspiration de ses extravagants bijoux. Il a été très longtemps difficile de savoir qui se cachait au juste derrière ce personnage plus proustien que de raison. On sait maintenant qu'il ne partageait pas seulement avec les héros de La Recherche une étrange similitude patronymique, mais un destin entier.

Bibliographie modifier

  • Edmonde Charles-Roux, Une enfance sicilienne, Le Livre de Poche
  • Patricia Corbett, Fulco di Verdura. Vita e opere di un maestro gioielliere, Novecento,

Notes et références modifier

  1. a b c d e f g h i et j Bénédicte Burguet, « Fulco di Verdura - Gold gotha », Vanity Fair n°18, décembre 2014, pages 134-139.

Articles connexes modifier

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