Friedrich von Hügel

Homme de lettres austro-anglais
Friedrich von Hügel
Titre de noblesse
Baron
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 72 ans)
LondresVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalités
Activités
Père
Mère
Elizabeth Farquharson (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Anatole Andreas Hügel (en)
Pauline von Hügel (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Lady Mary Catherine Herbert (d) (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata

Le baron Friedrich von Hügel, né le à Florence et mort le , à Londres est un philosophe, exégète, théologien et écrivain catholique austro-anglais. Il est le précurseur du modernisme, de la renaissance réaliste de la philosophie, de l'étude théologique du sentiment religieux et il joue un rôle important dans l'histoire du catholicisme de son temps.

Biographie modifier

Famille modifier

Friedrich Maria Aloys Franz Karl von Hügel, connu sous le nom de baron von Hügel, est le fils du diplomate autrichien Carl von Hügel et d'Elizabeth Farquharson, Écossaise convertie au catholicisme. Il naît à Florence en 1852, tandis que son père est ambassadeur au Grand-duché de Toscane. Il suit ses parents à Bruxelles où son père est nommé et reste en poste jusqu'en 1867, puis en Angleterre où la famille s'installe à Torquay. Il reçoit une éducation en dehors des milieux académiques par des précepteurs. Il hérite du titre de baron[1] de son père en 1870 et passe le reste de sa vie dans ce pays, dont il prendra la nationalité quand éclate la Première Guerre mondiale en 1914. En 1873, il y épouse Mary Catherine Herbert, fille de l'homme d'État anglais Sidney Herbert, baron Herbert of Lea, et de Elizabeth Herbert, personnalité influente, philanthrope et catholique ultramontaine. Le couple aura trois filles : Gertrude (1877-1915), Hildegarde (1879-1926) et Thekla (1886-1970) qui deviendra religieuse.

Travaux modifier

Friedrich von Hügel est atteint d'une forte surdité à la suite de la fièvre typhoïde contractée peu après la mort de son père, mais cela ne l'empêche pourtant pas de nouer de nombreuses amitiés dans des milieux très divers. Il développe un goût prononcé pour l’étude et, autodidacte, devient savant bibliste, linguiste parlant le français, l'allemand, l'italien et apprenant notamment l'hébreu. Il se fait remarquer par des travaux d'exégèse bien avant la crise moderniste et est souvent considéré comme un des chercheurs catholiques les plus influents de son époque avec John Henry Newman. Son champ d'érudition s'étend notamment à la relation du christianisme à l'histoire, l'œcuménisme, le mysticisme, la philosophie des religions, et se traduit pas le rejet de l'immanentisme. Ses premiers ouvrages seront publiés alors qu'il a déjà atteint l'âge de cinquante-six ans.

Profondément attaché à l'Église catholique tout en adoptant un point de vue tolérant, il gagne l'estime de différents penseurs de son temps. Dès 1891, il revendique une structure autonome pour chaque science et préconise la libre étude de la personnalité, du milieu culturel des auteurs sacrés sans subir de contrainte théologique, avec un esprit ouvert. Il mettra à l'œuvre ses principes pour l'étude de l'Hexateuque[2] qu'il communique à un congrès catholique à Fribourg, en 1897. En tant que chercheur catholique, von Hügel s'est attaché à interpréter les relations entre les dogmes théologique et historique, celles entre le Christ et l'Humanité, entre le libre arbitre et le contrôle de l'Église ou encore entre le catholicisme romain et les raisonnements scientifiques.

Son ouvrage le plus connu, The Mystical Element of Religion[3], datant de 1908, est consacré à la mystique Catherine de Gênes. Friedrich von Hügel y développe une philosophie critique, mais favorable, du mysticisme, bien qu'il avertisse ses lecteurs des dangers potentiels de celui-ci. Il combat l'idée d'anomalie psychologique que constituerait l'expérience mystique, insistant sur l'idée que la réalité divine peut être atteinte par ce type d'expérience qui doit trouver une écoute au sein et en dehors de l'Église.

Malgré le ressentiment causé par la Première Guerre mondiale, Von Hügel traduit également les travaux des philosophes allemands Ernst Troeltsch et Rudolf Christoph Eucken à l'intention du public anglophone.

Trois éléments modifier

La réflexion théologique de Hügel s'articule autour du concept de trois éléments. L'âme humaine, les mouvements de la civilisation occidentale et les phénomènes religieux eux-mêmes se caractérisent par ces trois éléments : l'élément historique/institutionnel, l'élément scientifique/intellectuelle et l'élément mystique/expérimental. Cette typologie permet, selon lui, de comprendre l'équilibre, la tension et la friction qui existent dans la pensée religieuse ainsi que dans la complexité de la réalité et de l'existence. L'élan mystique demeure bien, selon lui, un des trois éléments qui constitue, avec les deux autres la complexité de l'existence.

Bien que cette typologie s'écarte parfois vers le trinitarisme, il s'agit d'un paradigme structurel qui reste constamment au cœur de sa pensée théologique, malgré la disparité des différents éléments. Son ami George Tyrrell observait à ce sujet : « Toute vie, selon [von Hügel] consiste en une lutte patiente des inconciliables - une unification progressive d'éléments qui ne correspondront jamais parfaitement. »[4].

Crise moderniste modifier

Quand, au début du XXe siècle, éclate la crise moderniste, ses relations avec les figures du modernisme comme Alfred Loisy ou George Tyrrell le font classer parmi ceux qui sapent l'Église. Par sa correspondance et ses essais, il a exercé une profonde influence sur le modernisme et a défendu les méthodes modernes d'exégèse biblique. Von Hügel considère la vérité divine dans toutes les religions et refuse le prosélytisme, envisageant l'essence de la religion dans l'adoration de Dieu par l'individu.

Il demeure pourtant fidèle à la papauté et sa correspondance témoigne de sa désapprobation à l'encontre de la révolte et de son rejet des théories modernistes sur la foi. Il estimait cependant que la façon de diriger l'Église souffrait d'un excès de centralisation, dont il espérait qu'elle se réforme grâce à une stimulante interaction entre la tête et les membres de l'institution. Il s'est ainsi trouvé au centre d'un groupe de chercheurs catholiques qui tentèrent de proposer à leur communion d'adopter le meilleur des nouvelles disciplines pour améliorer la présentation de leur foi au monde contemporain. Durant la crise moderniste, von Hügel tentera de négocier la voie de la modération, tout en restant fidèle aux principes de la rigueur et de l'indépendance intellectuelle.

Ainsi, quand les travaux de ses amis seront censurés en 1907 par l'encyclique Pascendi, von Hügel échappe lui à la mise à l'Index de ses travaux et de son influence en tant que penseur œcuménique reste entière.

Honneurs modifier

En 1914, il reçoit le titre honorifique de docteur en théologie de l'université de St Andrews — qui conserve ses archives — et reçoit en 1920 le titre honorifique de docteur en théologie de l'université d'Oxford, devenant ainsi le premier catholique à se le voir conféré depuis la Réforme.

Œuvre modifier

Posthume modifier

Notes et références modifier

  1. Freiherr, dans le Saint-Empire romain germanique
  2. Ouvrage en six tomes; terme d'exégèse biblique désignant l'ensemble formé par la réunion des cinq livres dits de Moïse (Pentateuque, Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome) et du Livre de Josué
  3. L'élément mystique de la religion
  4. « All life, according to [von Hügel] consists in a patient struggle with irreconcilables—a progressive unifying of parts that will never fit perfectly » in F. von Hügel, Examen de l'élément mystique de la religion, Hibbert Journal, 7, juillet 1909, p. 689

Bibliographie modifier

  • (en) David L. Johns, Mysticism and Ethics in Friedrich von Hügel, éd. The Edwin Mellen Press, 2004
  • (en) James J. Kelly, The Letters of Baron Friedrich Von Hugel and Maude D. Petre: the Modernist Movement in England, Annua Nuntia Lovaniensia, 44, éd. David Brown, 2003
  • (en) Ellen M. Leonard, Creative Tension: the Spiritual Legacy of Friedrich von Hügel (Scranton, éd. University of Scranton Press, 1997
  • (en) James J. Kelly, Baron Friedrich von Hügel's Philosophy of Religion, éd. Leuven University Press, 1983
  • Jean Steinmann, Friedrich Von Hügel : sa vie, son œuvre et ses amitiés, éd. Aubier, 1962
  • (en) Algar L. Thorold, Readings from Friedrich von Hügel, éd J.M. Dent, 1928, ligne sur archive.org
  • (en) The Columbia Encyclopedia, sixième édition.

Liens externes modifier