Fonction semi-lisse

En analyse mathématique, la semi-lissité d'une fonction est un concept de différentiabilité plus faible que celui de Fréchet, qui permet toutefois d'assurer la convergence locale de l'algorithme de Newton lorsque l'opérateur dérivée est remplacé par un élément inversible du différentiel de Clarke. L'algorithme correspondant est connu sous le nom de méthode de Newton semi-lisse.

La semi-lissité est stable pour beaucoup d'opérations habituelles (addition, produit scalaire, composition, ...) mais aussi pour la prise de minimum et de maximum, ce qui rend cette propriété attractive dans beaucoup de problèmes.

Définitions modifier

Soient   et   deux espaces vectoriels réels de dimension finie,   un ouvert de   et   une fonction non lisse (c'est-à-dire non différentiable au sens de Fréchet), mais toutefois localement lipschitzienne sur   et donc avec un différentiel de Clarke non vide aux points de  . On note ce dernier en   par  .

Motivation modifier

Les définitions sont motivées par le souhait de faire converger plus ou moins rapidement la suite générée par une version adaptée de l'algorithme de Newton pour trouver une zéro   du système d'équations non lisses

 

La version généralisée de l'algorithme de Newton que l'on considère, appelée méthode de Newton semi-lisse, s'écrit

 

  est une jacobienne inversible de  , qui est supposée exister.

On cherche à faire converger les itérés   en se fondant sur le calcul suivant :

 

où l'on a noté  . Dès lors, si   est bornée et si

 

la convergence superlinéaire de la suite   est assurée. C'est précisément cette dernière estimation qui est requise dans la définition de la semi-lissité. On remarquera bien que   est une jacobienne généralisée en  , et pas en  , comme on pourrait être tenté de l'imposer en s'inspirant de la Fréchet-différentiabilité.

Semi-lissité modifier

La définition de la semi-lissité requiert un peu plus que l'estimation de   donnée dans la section «Motivation», car on souhaite que cette propriété puisse se conserver après diverses opérations.

Semi-lissité — On dit que   est semi-lisse en   si

  •   est lipschitzienne dans un voisinage de  ,
  •   admet des dérivées directionnelles en   dans toutes les directions,
  • lorsque  , on a
 

On dit que   est fortement semi-lisse en   si elle est semi-lisse en   avec le point 3 ci-dessus renforcé en

  • pour   voisin de  , on a
 

On dit que   est (fortement) semi-lisse sur   de   si elle est (fortement) semi-lisse en tout point de  .

Quelques remarques.

  • La lipschitziannité de   dans le voisinage de   assure que le différentiel de Clarke   est non vide et compact. On peut donc l'utiliser dans la suite de la définition.
  • L'existence de dérivées directionnelles est demandée pour assurer de bonnes propriétés à la notion de dérivabilité semi-lisse.
  • Comme annoncé dans la section «Motivation», dans l'estimation de  , les jacobiennes   sont prises dans le différentiel en  , pas en  .

La notion de semi-lissité a été introduite par Mifflin (1977) pour les fonctions à valeurs scalaires et étendue aux fonctions à valeurs vectorielles par Qi et Sun (1993).

Propriétés modifier

Propriétés générales modifier

Une fonction de classe   est semi-lisse.

Différentiabilité et semi-lissité — Si   est de classe   (resp.  ) dans un voisinage de  , alors elle est semi-lisse (resp. fortement semi-lisse) en  .

Une fonction convexe est aussi semi-lisse.

Semi-lissité d'une fonction convexe — Si   est convexe dans un voisinage convexe de  , alors elle est semi-lisse en  .

Dans la proposition ci-dessous, on dit que   est semi-lisse par morceaux en  , s'il existe un voisinage   de   et des fonctions semi-lisses  , pour   avec   est fini, tels que :

  •   est continue sur  ,
  • pour tout  , il existe un indice   tel que  .

Semi-lissité par morceaux — Si   est semi-lisse par morceaux en  , alors   est semi-lisse en  .

Lorsque les morceaux sont affines, on dit que la fonction est affine par morceaux en  .

Affinité par morceaux — Si   est affine par morceaux en  , alors   est fortement semi-lisse en  .

On peut aussi obtenir la semi-lissité d'une fonction à valeurs vectorielles si ses composantes sont semi-lisses.

Semi-lissité par composante — Soient   et   deux fonctions à valeurs dans des espaces normés de dimension finie   et   et  . Alors

 

est (fortement) semi-lisse en   si, et seulement si,   et   sont (fortement) semi-lisses en  .

La semi-lissité est stable par composition.

Semi-lissité par composition — Si   est (fortement) semi-lisse en  , si   est un voisinage de   dans   et si   est (fortement) semi-lisse en  , alors   est (fortement) semi-lisse end  .

Aspects calculatoires modifier

Un atout important de la semi-lissité est de se conserver par prise de minimum et de maximum de fonctions, ce qui n'est pas le cas de la Fréchet-différentiabilité !

Calcul — Si   et   sont (fortement) semi-lisses en  , alors les fonctions suivantes sont (fortement) semi-lisses en   (pour les deux dernières,   et les   et   sont pris composante par composante) :

 

Exemples modifier

  • Les normes   pour   sont fortement semi-lisses en tout point.
  • La C-fonction   est fortement semi-lisse en tout point.
  • La C-fonction de Fischer-Burmeister   est fortement semi-lisse en tout point.
  • Le projecteur sur un convexe défini par des contraintes convexes de classe   est fortement semi-lisse en un point du convexe satisfaisant la qualification (QC-IL) (et plus généralement la qualification de rang constant).

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Références modifier

  • (en) F. Facchinei, J.-S. Pang (2003). Finite-Dimensional Variational Inequalities and Complementarity Problems (deux volumes). Springer Series in Operations Research. Springer.
  • (en) A.F. Izmailov, M.V. Solodov (2014). Newton-Type Methods for Optimization and Variational Problems, Springer Series in Operations Research and Financial Engineering, Springer.
  • (en) R. Mifflin (1977). Semismooth and semiconvex functions in constrained optimization. SIAM Journal on Control and Optimization, 15, 959–972.
  • (en) L. Qi, J. Sun (1993). A nonsmooth version of Newton’s method. Mathematical Programming, 58, 353–367.