Flavagline

cyclopenta[b]benzofuranes issus de plantes du Sud-Est asiatique du genre aglaia (Meliaceae)

Les flavaglines sont des cyclopenta[b]benzofuranes issus de plantes du Sud-Est asiatique du genre aglaia (Meliaceae). Leur premier représentant, le rocaglamide (1), a été découvert en 1982 par King et collaborateurs du Centre National de Défense Médicale de Taiwan, en se basant sur sa forte activité antileucémique[1]. Depuis, une cinquantaine d'autres flavaglines, comme le rocaglaol (2) ou le silvestrol (3) ont été identifiées. Ces composés présentent un profil d’activité biologique unique. En effet, ils possèdent des activités insecticides, antifongiques, anti-inflammatoires, neuroprotectrices, cardioprotectrices et surtout anticancéreuses, ces dernières étant les plus étudiées jusqu’à présent[2],[3].

Structure de la flavagline FL3.

Effets biologiques modifier

Les flavaglines présentent une forte activité anticancéreuse. Cet effet est spécifique des cellules tumorales, les cellules normales et prémalignes étant 1 000 fois moins sensibles. De plus, ces composés ne présentent aucune toxicité apparente chez la souris. Ils potentialisent les effets anticancéreux de la doxorubicine[4] et de la concanavaline A[5] dans des modèles murins de cancers. Il a aussi été montré chez la souris qu’une flavagline de synthèse, le FL3, atténue les effets secondaires au niveau cardiaque d'un médicament très utilisé en oncologie, la doxorubicine[6]. Ces résultats suggèrent que les flavaglines pourraient augmenter les effets thérapeutiques de la doxorubicine, tout en protégeant les patients contre ses effets dévastateurs sur le cœur[7].

Mode d’action modifier

Les flavaglines induisent la mort des cellules cancéreuses par une multitude de mécanismes :

  1. l'inhibition de MEK, qui bloque la voie ERK-Mnk1-eIF4A, inhibant ainsi la synthèse cap-dépendante de protéines impliquées dans la survie et la prolifération cellulaire[8],[9]
  2. l'activation de p38, qui conduit à l'activation de la voie intrinsèque de l'apoptose[10].
  3. l'activation d'Apaf-1 et des caspases-9 et-3, qui induit la libération de cytochrome C, déclenchant ainsi la voie intrinsèque de l'apoptose[11].
  4. l'induction de la translocation de l'AIF et de la caspase-12 des mitochondries et du réticulum endoplasmique vers le noyau, déclenchant ainsi l'apoptose indépendamment des voies classiques de l'apoptose[12].
  5. l'activation de la kinase JNK, qui régule les facteurs de transcription AP-1 et NF-AT, induisant la voie extrinsèque de l'apoptose.

En 2012, les cibles moléculaires des flavaglines ont été identifiées: il s'agit des prohibitines-1 et -2. En se liant à ces protéines, les flavaglines bloquent leur interaction avec la kinase C-Raf, bloquant ainsi une voie de signalisation cruciale à la survie et à la prolifération des cellules cancéreuses[13].

Le mécanisme par lequel la flavagline de synthèse FL3 protège le cœur contre les effets secondaires des chimiothérapies implique la phosphorylation de la protéine chaperonne Hsp27.

Synthèses modifier

La complexité structurale a attiré l'attention de chimistes parmi les plus célèbres en synthèse organique. Barry Trost a été le premier, en 1990, à synthétiser une flavagline, le rocaglamide[14]. Depuis, 14 autres synthèses totales ont été reportées. Actuellement, les synthèses les plus performantes demeurent probablement celles développées par Taylor, Dobler et Porco[15],[16],[17],[18].

Notes et références modifier

  1. (en) King, M. L.; Chiang, C. C.; Ling, H. C.; Fujita, E.; Ochiai, M.; McPhail, A. T., « X-Ray crystal structure of rocaglamide, a novel antileukemic 1H-cyclopenta[b]benzofuran from Aglaia elliptifolia » Chem Commun 1982, 1150-51. DOI 10.1039/C39820001150
  2. (en) Ebada, S. S.; Lajkiewicz, N.; Porco, J. A., Jr.; Li-Weber, M.; Proksch, P. REVUE: « Chemistry and biology of rocaglamides (= flavaglines) and related derivatives from aglaia species (meliaceae) » Fortschr Chem Org Naturst 2011, 94, 1-58. DOI 10.1007/978-3-7091-0748-5_1
  3. (en) Ribeiro, N.; Thuaud, F.; Nebigil, C.; Désaubry, L. REVUE: « Recent advances in the biology and chemistry of the flavaglines » Bioorg Med Chem 2012, 20, 1857-64. PMID 22071525
  4. (en) Bordeleau, M. E.; Robert, F.; Gerard, B.; Lindqvist, L.; Chen, S. M.; Wendel, H. G.; Brem, B.; Greger, H.; Lowe, S. W.; Porco, J. A., Jr.; Pelletier, J. « Therapeutic suppression of translation initiation modulates chemosensitivity in a mouse lymphoma model » J Clin Invest 2008, 118, 2651-60. PMID 18551192
  5. (en) Zhu, J. Y.; Giaisi, M.; Kohler, R.; Muller, W. W.; Muhleisen, A.; Proksch, P.; Krammer, P. H.; Li-Weber, M. « Rocaglamide sensitizes leukemic T cells to activation-induced cell death by differential regulation of CD95L and c-FLIP expression » Cell Death Differ 2009, 16, 1289-99. PMID 19373244
  6. Bernard, Y.; Ribeiro, N.; Thuaud, F.; Turkeri, G.; Dirr, R.; Boulberdaa, M.; Nebigil, C. G.; Desaubry, L. « Flavaglines alleviate doxorubicin cardiotoxicity: implication of Hsp27 » PLoS One 2011, 6, e25302. PMID 22065986
  7. Diminuer certains effets secondaires des chimiothérapies, tout en augmentant leur efficacité : la promesse des flavaglines ! http://www.cnrs.fr/inc/communication/direct_labos/desaubry.htm
  8. (en) Bleumink, M.; Kohler, R.; Giaisi, M.; Proksch, P.; Krammer, P. H.; Li-Weber, M., « Rocaglamide breaks TRAIL resistance in HTLV-1-associated adult T-cell leukemia/lymphoma by translational suppression of c-FLIP expression » Cell Death Differ 2011, 18, 362-70. PMID 20706274
  9. (en) Cencic, R.; Carrier, M.; Galicia-Vazquez, G.; Bordeleau, M. E.; Sukarieh, R.; Bourdeau, A.; Brem, B.; Teodoro, J. G.; Greger, H.; Tremblay, M. L.; Porco, J. A., Jr.; Pelletier, J., Antitumor activity and mechanism of action of the cyclopenta[b]benzofuran, silvestrol. PLoS One 2009, 4, e5223
  10. (en) Zhu, J. Y.; Lavrik, I. N.; Mahlknecht, U.; Giaisi, M.; Proksch, P.; Krammer, P. H.; Li-Weber, M., The traditional Chinese herbal compound rocaglamide preferentially induces apoptosis in leukemia cells by modulation of mitogen-activated protein kinase activities. Int J Cancer 2007, 121, 1839-46.
  11. (en) Mi, Q.; Su, B. N.; Chai, H.; Cordell, G. A.; Farnsworth, N. R.; Kinghorn, A. D.; Swanson, S. M., Rocaglaol induces apoptosis and cell cycle arrest in LNCaP cells. Anticancer Res 2006, 26, 947-52.
  12. (en) Thuaud, F.; Bernard, Y.; Turkeri, G.; Dirr, R.; Aubert, G.; Cresteil, T.; Baguet, A.; Tomasetto, C.; Svitkin, Y.; Sonenberg, N.; Nebigil, C. G.; Désaubry, L., Synthetic Analogue of Rocaglaol Displays a Potent and Selective Cytotoxicity in Cancer Cells: Involvement of Apoptosis Inducing Factor and Caspase-12. J Med Chem 2009, 52 , 5176–5187
  13. (en) Polier, G.; Neumann J.; Thuaud, F.; Ribeiro, N.; Gelhaus, C.; Schmidt, H.; Giaisi M.; Köhler, R.; Müller, WW.; Proksch, P.; Leippe, M.; Janssen, O.; Désaubry, L.; Krammer, PH.; Li-Weber, M. The Natural Anticancer Compounds Rocaglamides Inhibit the Raf-MEK-ERK Pathway by Targeting Prohibitin 1 and 2.Chem Biol. 2012,19,: 1093-104.
  14. (en) Trost, B. M.; Greenspan, P. D.; Yang, B. V.; Saulnier, M. G. An unusual oxidative cyclization. A synthesis and absolute stereochemical assignment of (-)-rocaglamide, J. Am. Chem. Soc., 1990, vol. 112, p. 9022-4.
  15. (en) Davey, A. E.; Schaeffer, M. J.; Taylor, R. J. K., Synthesis of the novel anti-leukaemic tetrahydrocyclopenta[b]benzofuran, rocaglamide and related synthetic studies. Journal of the Chemical Society, Perkin Transactions 1, 1992, p. 2657-2666.
  16. (en) Dobler, M. R.; Bruce, I.; Cederbaum, F.; Cooke, N. G.; Diorazio, L. J.; Hall, R. G.; Irving, E., Total synthesis of (±)-rocaglamide and some aryl analogues, Tetrahedron Lett., 2001, vol. 42, p. 8281-8284.
  17. (en) Gerard, B.; Jones Ii, G.; Porco, J. A., Jr., A biomimetic approach to the rocaglamides employing photogeneration of oxidopyryliums derived from 3-hydroxyflavones, J Am Chem Soc, 2004, vol. 126, p. 13620-1.
  18. (en) Roche, S. P.; Cencic, R.; Pelletier, J.; Porco, J. A., Jr., Biomimetic photocycloaddition of 3-hydroxyflavones: synthesis and evaluation of rocaglate derivatives as inhibitors of eukaryotic translation, Angew. Chem. Int. Ed. Engl, 2010, vol. 49, p. 6533-8.