Famille de Marie

Association de fidèles de droit pontifical

La Famille de Marie, également connue sous le nom Pro Deo et fratribus - Famille de Marie, est une association publique de fidèles de droit pontifical refondée en 1990 par Gebhard Paul Maria Sigl et Joseph Seidnitzer (de), rattachée par Pavol Mária Hnilica, évêque in partibus de Rusadus, à Pro Deo et fratribus, œuvre créée par lui en 1968. Elle compte en 2023 plus de 60 prêtres, rassemblés dans « l’Œuvre de Jésus Souverain Prêtre », 30 séminaristes et 200 laïques consacrées. Elle est présente dans 11 pays. Une visite apostolique en 2021 a révélé de graves dérives sectaires conduisant à la destitution de son fondateur et à la mise sous tutelle de la communauté en juin 2022.

Famille de Marie
Repères historiques
Fondation 1968 et 1990
Fondateur(s) Gebhard Paul Maria Sigl, Joseph Seidnitzer (de), Pavol Mária Hnilica
Fiche d'identité
Église Catholique
Membres 290 membres (en 2023)
Site internet http://www.familledemarie.org/

Historique modifier

La communauté trouve ses origines dans deux groupes particulièrement controversés : Pro Deo et Fratribus et l'Œuvre du Saint-Esprit, dont les trois fondateurs se trouvent être ceux de la Famille de Marie qui en est issue[1].

Pro Deo et Fratribus (1968-1990) modifier

Pavol Mária Hnilica, évêque slovaque in partibus de Rusadus, proche de la Curie romaine[2], consacré en 1951 dans des conditions douteuses[3] derrière le rideau de fer dans l'ancienne Tchécoslovaquie, crée en 1968 l'association Pro Fratribus, renommée en Pro Deo et Fratribus[4], organisation qui aurait servi au transfert d’importantes sommes d’argent vers la Pologne (destinées au syndicat Solidarność) et divers pays d’Amérique latine afin d'y soutenir l'opposition anti-communiste. Les fonds provenaient notamment de la banque du Vatican (IOR) dont les malversations mafieuses ont impliqué Hnilica lui-même. En 1989, il est trouvé en possession de documents des services secrets italiens (SISMI) portant sur les derniers jours de Roberto Calvi, membre de la loge P2, avant son assassinat à Londres en 1982 dans des circonstances obscures après la faillite de la Banco Ambrosiano[1],[5],[6]. En 1993, Hnilica est jugé et condamné en première instance à trois ans et demi de prison avec sursis pour le recel de la mallette de Roberto Calvi, Hnilica avait versé 1,35 million de francs suisses provenant de son œuvre Pro Deo et Fratribus en échange de documents détenus par Flavio Carboni, bras-droit de Licio Gelli, grand maître de la loge P2[2], destinés à le mettre hors de cause dans le blanchiment de fonds disparus qui proviendraient de la mafia[5],[7].

Hnilica est aussi lié à différents mouvements controversés comme l'Opus Angelorum (en) et l'Armata bianca[8] et à la fausse voyante Theresa Lopez[1] qui a permis, aux États-Unis en la compagnie du prélat, la collecte de dizaines de millions de dollars auprès d'adeptes crédules, au début des années 1990, jusqu'à l'interdiction en 1994 des rassemblements autour de ces fausses apparitions mariales par James Stafford, archevêque de Denver[5],[9].

L'Œuvre du Saint-Esprit (1972-1990) modifier

Après la chute des régimes communistes en Europe au début des années 1990, Pro Deo et Fratribus perd sa raison d’être. Hnilica rencontre alors Gebhard Paul Maria Sigl et Joseph Seidnitzer (de), son père spirituel, qui ont fondé en 1972 l'Œuvre du Saint-Esprit (OSS). Ce dernier a été condamné dans les années 1950 et 1960 par des tribunaux autrichiens à des peines de prison pour de multiples viols sur des adolescents[5]. D'anciens membres ont témoigné également de la « tyrannie psychologique » de Seidnitzer. Selon plusieurs témoignages, mégalomane notoire, il se considère comme le futur pape d'une Église renouvelée, entouré de ses membres à qui il donne les prénoms des apôtres, tel Gebhard Sigl, pressenti pour être son successeur à la tête du groupe, à qui il donne le prénom Paul, que Sigl accole à « Maria », en référence à celui de Pavol Mária Hnilica. Seidnitzer prophétise en 1974 la fin du règne de Paul VI auquel il est promis à succéder selon ses prédictions en 1975. Autour de lui se développe un culte de la personnalité par des adeptes persuadés qu'il porte des stigmates invisibles et reçoit des révélations du Ciel[5]. Mis vraisemblablement au courant de son passé criminel, le Vatican dissout l'Œuvre du Saint-Esprit en 1990[1].

Refondation en 1990 sous le nom de Pro Deo et fratribus - Famille de Marie modifier

Pavol Mária Hnilica refonde son œuvre première, Pro Deo et fratribus, sur les cendres de l'Œuvre du Saint-Esprit (OSS) sous le nom Pro Deo et fratribus - Famille de Marie, avec sa branche sacerdotale nommée L’Œuvre de Jésus Souverain Prêtre (Opus J.S.S.). Joseph Seidnitzer écarté, Gebhard Sigl, qui lui restera néanmoins fidèle jusqu'à sa mort en 1993 malgré la connaissance de son passé criminel, gouverne la nouvelle communauté, qui est reconnue par Rome en 1992, sous la houlette de Pavol Hnilica. Ce dernier ordonne secrètement la même année à Fátima cinq membres venant de l'OSS qui n'étaient passés par aucun séminaire, dont Gebhard Sigl[5].

La Famille de Marie compte en 2023 plus de 60 prêtres, 30 séminaristes et « frères laïcs », 200 laïques consacrées. Elle est présente dans 11 pays : Italie, Allemagne, Autriche, Suisse, France, Hollande, Slovaquie, République tchèque, Russie, Kazakhstan et Uruguay[5].

Graves dérives sectaires modifier

D'anciens membres de la Famille de Marie dénoncent la « confusion entre le for interne et le for externe, entre le rôle spirituel et administratif, [le] culte aveugle et inconditionnel du fondateur [Gebhard Paul Maria Sigl], [la] manipulation mentale, [l']anéantissement des personnalités et des consciences, [la] mystification [...] spirituelle, [la] marginalisation des dissidents, [et le] pouvoir absolu sur les individus ». Adulé par ses adeptes, Sigl, qui se fait appeler « Padre », leur fait notamment croire qu'il est un fils spirituel de Padre Pio et prétend détenir un don de cardiognosie, c'est-à-dire de lecture des cœurs, charisme allégué qui lui permet de décider de la vocation des membres de la communauté[5]. Il « marginalise ceux qui expriment une voix dissidente, dévalorise la personnalité des membres (surtout celle des femmes consacrées, vouées à la « sanctification des prêtres »), instille un concept d'obéissance absolue et de culpabilité, viole la liberté individuelle, principalement psychologique, en échange de l'offre d'une vie confortable, grâce aux importantes sommes d'argent, aux origines encore inconnues, qui affluent dans les caisses de la communauté. »[5]

À la suite des signalements recueillis, une visite apostolique confiée à l'évêque émérite de Bari, Francesco Cacucci (it). est diligentée en 2021 par le Dicastère pour le clergé. À l'issue de l'enquête, gardée secrète par le Vatican, la Famille de Marie est mise sous tutelle et Gebhard Paul Maria Sigl évincé, avec interdiction d’entrer en contact avec les membres de la communauté[10]. Deux commissaires apostoliques sont nommés, Daniele Libanori (en), évêque auxiliaire de Rome et sœur Katarina Kristofová. Deux solutions sont envisagées : la dissolution pure et simple de la communauté, ou une réforme en profondeur[5].

Délits canoniques et dévoiements théologiques modifier

Ordinations invalides modifier

Comme l'attestent des photographies prises à l'époque, Paul Maria Sigl a célébré des messes aux côtés de Joseph Seidnitzer entre 1978 et 1982, alors qu'il n'était pas prêtre, puisque son ordination remonte à 1992 sans qu'il soit passé par le séminaire[10]. Seidnitzer depuis 1979 était lui-même suspens a divinis par l'évêque de Graz-Seckau, Johann Weber et n'avait par conséquent pas le droit de célébrer l'eucharistie. Sigl et les quatre autres membres de la Famille de Marie ont ainsi reçu de Seidnitzer une pseudo ordination « mystico-sacramentelle », ce dernier invoquant un « mandat divin » lui donnant, selon son expression, « la grâce sacramentelle d'évêque » à travers une bénédiction de Paul-Joseph Schmitt, évêque de Metz. Ce point est confirmé par une lettre de l'un d'eux en 1995 à Hnilica dans laquelle il explique comment lui et les autres ont « été conduits par le Père Joseph [Seidnitzer] et Gebhard [Sigl] à la désobéissance ecclésiastique »[11]

Promotion de fausses apparitions mariales modifier

Sigl fait entrer dans la Famille de Marie la « voyante » Theresa Lopez, qui, malgré la condamnation des apparitions de Denver, en fait la promotion lors de tournées de conférences destinées à attirer les dons en faveur de la communauté[9].

Il introduit également au sein de la Famille de Marie la dévotion à la Dame de tous les Peuples issue des prétendues apparitions d'Amsterdam de la voyante néerlandaise Ida Peerdemann, amie de Gebhard Paul Maria Sigl. Les apparitions sont condamnées en 2020 par la Congrégation pour la doctrine de la foi, les messages attribués à la Vierge Marie ayant été déclarés non-conformes à la doctrine catholique[10],[12].

La Famille de Marie en France modifier

La communauté est mise cause en France par plusieurs associations anti-sectes comme le Centre contre les manipulations mentales[13] l'UNADFI[14] et le GEMPPI[15], ainsi que par l'AVREF[16].

La Famille de Marie est présente en France depuis 2008 au lieu-dit la Brardière à La Chapelle-Viel dans l'Orne. Elle comprend en 2023 quatre femmes consacrées et trois prêtres[17]. En mai 2023, un communiqué de Bruno Feuillet, évêque du diocèse de Séez, indique que « la communauté rencontre aujourd’hui des difficultés » et confirme que « la Famille de Marie a été mise sous tutelle par le Saint-Siège suite à la destitution de son supérieur, le père Gebhard Paul Maria Sigl, pour abus psychiques et spirituels. »[18]

Membres connus anciens ou présents modifier

Références modifier

  1. a b c et d Raphaël Zbinden, « 'La Famille de Marie’, une communauté «sulfureuse» sous tutelle (1/2) », Cath.ch,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. a et b François de Labarre, « Un mafieux en odeur de sainteté - Flavio Carboni », Paris-Match,‎ (lire en ligne)
  3. (it) Gianni Cipriani, « In Vaticano prendono le distanze "Monsignor Hnilica? Non è vescovo" », l'Unità, no 249,‎ , p. 8 (lire en ligne)
  4. Joachim Bouflet, Faussaires de Dieu, Paris, Presses de la Renaissance, , 728 p. (ISBN 2-85616-697-0), p. 680-681.
  5. a b c d e f g h i j k l et m Ludovica Eugenio, « Enquête sur la Famille de Marie : les raisons de sa mise sous tutelle et de la destitution du Père Gebhard Paul Maria Sigl », Adista,‎ (lire en ligne)
  6. (it) Gianni Cipriani, « Dossier Sismi in casa del prelato », l'Unità, no 249,‎ , p. 8 (lire en ligne)
  7. « On reparle de la mal[l]ette de Roberto Calvi », Cath.ch,‎ (lire en ligne)
  8. (it) « Armata bianca della Madonna » (consulté le )
  9. a et b Ludovica Eugenio, « Famille de Marie : le noviciat fermé, un nouveau témoignage parle d'abus de pouvoir, psychologiques et spirituels », Adista,‎ (lire en ligne)
  10. a b c et d Raphaël Zbinden, « 'La Famille de Marie’, une communauté «sulfureuse» sous tutelle (2/2) », Cath.ch,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. Ludovica Eugenio, « La Famille de Marie: quand Gebhard Paul Maria Sigl célébrait la messe sans être prêtre », Adista,‎ (lire en ligne)
  12. « Le Saint-Siège rejette les apparitions de la Vierge à Ida Peerdeman », Aleteia/I.Media,‎ (lire en ligne)
  13. « La Famille de Marie, une communauté «sulfureuse» sous tutelle », sur CCMM,
  14. « Mise sous tutelle d’une communauté », sur UNADFI,
  15. Didier Pachoud, « La Famille de Marie », sur gemppi.org, (consulté le )
  16. « La Famille de Marie », sur AVREF (consulté le )
  17. Thierry Roussin, « Suspectée de manipulation mentale, une communauté religieuse de l'Orne sous tutelle du Vatican », Le Réveil normand,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. « Communiqué de Mgr Feillet », sur Diocèse de Séez, (consulté le )
  19. (de) Matthias Herren et Christine Steffen, « «Man muss immer mit der Sünde rechnen, der Mensch ist schwach» », Neue Zürcher Zeitung,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. (de) Michael Meier, « Die dunkle Vergangenheit von Bischof Eleganti », Tages-Anzeiger,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. (es) « Nuevo ceremoniero pontificio: El obispo esloveno Ľubomír Welnitz », Zenit,‎ (lire en ligne, consulté le )