Elzéar de Sabran
Image illustrative de l’article Elzéar de Sabran
Tableau d'Elzéar et Delphine de Sabran
à Puimichel.
Saint catholique
Naissance 1285
Cabrières-d'Aigues, comté de Provence
Décès 1323  (38 ans)
Paris, royaume de France
Ordre religieux Tiers-Ordre franciscain
Vénéré à Apt, Ansouis, Puimichel, Cabrières-d'Aigues, Ariano Irpino
Canonisation  Rome
par Urbain V
Vénéré par les Franciscains en tant que membre du Tiers-Ordre
Fête 27 septembre
Attributs le lys virginal

Elzéar de Sabran (1285-1323), baron d'Ansouis, comte d'Ariano, est un saint catholique, canonisé en 1369. Il fut régent du royaume de Naples. Il était l'époux de Delphine de Sabran et étaient tous deux tertiaires de l'Ordre de saint François d'Assise. Son prénom Elzearius signifie secours de Dieu en hébreu.

Biographie modifier

Issu d'une des plus illustres familles de Provence, il était le fils d'Ermangaud de Sabran et de Laudune d’Albe, dite la bonne comtesse de Roquemartine. Il vit le jour au château de Roubians, près de Cabrières-d'Aigues, dans le Luberon. La légende raconte que par souci de mortification, il refusait le lait de sa nourrice le vendredi. Il fit ses études à Saint-Victor de Marseille, dont l’abbé était alors son parent, Guillaume de Sabran[1].

Le Régent du royaume de Naples modifier

À la mort de son père, Elzéar devint l’héritier de ses charges et seigneuries, dont le comté d'Ariano. Il se rendit avec son épouse Delphine à Naples, à la cour du roi Robert d'Anjou, qui lui fit faire, dès 1312, ses premières armes. En compagnie de Hugues IV des Baux, comte de Soleto, le nouveau comte d’Ariano prit le commandement des troupes guelfes. Les deux nobles provençaux avaient pour mission d’attaquer l’armée d’Henri VII du Saint-Empire, lors de sa calata sur Rome, où le chef des Gibelins espérait être couronné empereur du Saint Empire Romain Germanique.

Lors de ses déplacements en Provence et auprès de la papauté d'Avignon, le roi Robert lui confia la régence de son royaume et le chargea de l'éducation de Charles, son fils aîné.

En 1323, il fut chargé de négocier à Paris le second mariage de Charles de Calabre, l’héritier du comté de Provence et du royaume de Naples, avec Marie de Valois. C'est au cours de cette mission qu’il mourut, le 27 septembre. Il fut inhumé dans l'église des franciscains de la ville d'Apt.

 
Le château d'Ansouis, résidence principale d'Elzéar et Delphine de Sabran

Le mariage virginal modifier

Elzéar et Delphine firent leur vœu de chasteté en 1316, sous l'influence du franciscain François de Meyronnes[2]. Le comte d'Ariano pratiqua toute sa vie les bonnes œuvres, la pénitence et les vertus chrétiennes. Il visitait souvent les hôpitaux, soignait les malades, distribuait d'abondantes aumônes aux pauvres. Mais au milieu des exercices de sa charité, il ne négligeait aucun des devoirs qu'il avait à remplir envers ses vassaux.

Ses biographes en donnent deux exemples. Le premier est un règlement pour le château d’Ansouis, longtemps conservé dans les archives des frères mineurs d’Apt, dans lequel Elzéar de Sabran déclare : « J’ordonne à mes officiers de veiller à ce qu’on vive chastement dans mes terres, et d’en bannir les sensuels et les impudiques » (cité par l’Abbé Boze).

Le second exemple concerne Puimichel, où Elzéar vécut avec son épouse entre 1307 et 1310. Ce règlement établit « qu’une femme mariée ne pourra résider habituellement chez lui. Toutes devront être vierges, veuves et chastes. Quant aux hommes, qu’ils soient nobles ou domestiques, il leur faudra vivre chastement et honnêtement » (cité par J. Cambell).

Une canonisation difficile modifier

Par deux fois, sa canonisation fut demandée à Avignon, la première auprès de Jean XXII qui n’aboutit pas. Elzéar était en effet soupçonné par le Souverain Pontife d'être sensible aux thèses déviantes des franciscains (spirituels, fraticelles, etc.)[3]. Raymond de Bot, l'évêque d'Apt qui présenta son dossier, était peu enthousiaste. Il expliqua qu'Elzéar « vécut pendant vingt-sept ans dans la même couche avec son épouse, tout en gardant son intégrité, à tel point que le caractère sublime de cette vertu paraît plus étonnant qu'imitable ».

 
Les reliquaires des deux époux virginaux à Ansouis

La seconde demande fut faite en 1351 sous le pontificat de Clément VI. Bertrand de Meissonier, évêque d’Apt, la fit présenter par son collègue Georges Clariani, évêque de Sénez, et par Guiraud VII de Simiane, époux de Delphine de Sabran, petite-nièce d’Elzéar et filleule de son épouse. Elzéar fut canonisé le , dans la basilique Saint-Pierre de Rome, par le pape Urbain V qui était son filleul.

Les bulles de canonisation ne furent promulguées que le par Grégoire XI, son successeur. Dans celles-ci, le pape cite Elzéar comme le modèle des chevaliers chrétiens et insiste sur sa générosité envers les pauvres, sa vie mystique intense et son attachement indéfectible à l’Église.

Le cas de la comtesse d'Ariano modifier

Delphine de Sabran, née de Signes, son épouse, s'associa à toutes ses bonnes œuvres et vécut aussi saintement que lui. Entre 1372 et 1376, Louis d’Anjou, comte de Provence, décida de financer le procès en canonisation de la femme de saint Elzéar, comte d’Ariano. Ce fut un échec.

À leur tour, les États de Provence, réunis à Apt, le , demandèrent à Clément VII la « canonisation de la femme du comte d’Ariano qui gît céans, nommée Delphine, de qui le mari saint Alziaire fut canonisé par le pape Urbain »[4]. Le pontife accueillit leur demande mais classa le dossier. Delphine est toutefois nommée dans le martyrologe franciscain et honorée le 26 novembre.

Les reliques d'Elzéar et de son épouse sont conservées dans l'église d'Ansouis et dans la cathédrale Sainte-Anne d’Apt.

Notes et références modifier

  1. L'abbé de Saint-Victor monta sur le siège épiscopal de Digne en 1322 et mourut un an après, la même année que son pupille.
  2. Elzéar de Sabran avait comme confesseur, François de Meyronnes que l’on surnommait le Docteur Délié. Ce franciscain spirituel et scotiste, originaire de la vallée de l’Ubaye, était un farouche adversaire de l’unité de la sainte Trinité. Au cours des années 1320 et 1321, il fallut tout le brio de Pierre Roger (futur Clément VI) pour contrer ses arguments et défendre point par point la doctrine thomiste sur l’indivision de la Trinité
  3. Ces spirituels ou fraticelles avaient comme théoriciens Pierre de Jean Olivi et Ubertin de Casale, partisans des thèses millénaristes, qui prêchaient que le mariage était un bordel privé, que la fin du monde approchait et que le temps de l’Antéchrist était presque arrivé.
  4. Journal de Jean Le Fèvre, évêque de Chartres, chancelier des rois de Sicile Louis 1er et Louis II d'Anjou, Éd. Moranvillé, Paris, 1887.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Abbé Boze, Histoire de saint Elzéar et de sainte Delphine, Avignon, 1821.
  • Abbé E. Rose, Études historiques et religieuses sur le XIVe siècle ou Tableau de l’Église d’Apt sous la Cour papale d’Avignon, Avignon, 1842.
  • J. Cambell, Vies occitanes de saint Auzias et de sainte Dauphine, Rome, 1963.
  • Geneviève Duhamelet, Elzéar et Dauphine de Sabran, éditions franciscaines Paris,1964.
  • Paul Amargier, Dauphine de Puimichel et son entourage au temps de sa vie aptésienne (1345-1360) in, Le peuple des saints. Croyances et dévotions en Provence et Comtat Venaissin des origines à la fin du Moyen Âge, Académie de Vaucluse et CNRS, 1987, (ISBN 2-906-90800-2)
  • André Vauchez, Aux origines de la "fama sanctitatis" d'Elzéar († 1323) et Dauphine de Sabran († 1360) : le mariage virginal in, Le peuple des saints. Croyances et dévotions en Provence et Comtat Venaissin des origines à la fin du Moyen Âge, Académie de Vaucluse et CNRS, 1987, (ISBN 2-906-90800-2)
  • Suzanne Bernard, Les époux vierges : Elzéar de Sabran et Delphine de Signe (Éditions Perrin), Paris, Perrin, , 237 p. (ISBN 978-2-262-00946-5)
  • Chloé de La Barre, Deux saints dans le siècle. Construire la sainteté de Delphine de Puimichel et Elzéar de Sabran dans la Provence du XIVe siècle, mémoire de master, dir. Etienne Anheim, Paris, EHESS, 2020.

Article connexe modifier

Liens externes modifier