Elsje Christiaens

servante danoise exécutée pour meurtre en 1664
Elsje Christiaens
Le corps d'Elsje Christiaens, exposé au gibet après son exécution, avec la hache utilisée comme arme du crime suspendue à sa gauche, dessin de Rembrandt, 1664 (New York, Metropolitan Museum of Art)
Biographie
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Condamnée pour

Elsje Christiaens, née vers 1646 au Jutland, est une jeune servante danoise exécutée à Amsterdam début mai 1664[1] pour le meurtre de sa logeuse. Son corps, exposé sur un gibet, a été immortalisé par deux dessins de Rembrandt, aujourd'hui conservés au Metropolitan Museum of Art, à New York.

Crime modifier

Elsje Christiaens, 18 ans, originaire du Jutland, arrive à Amsterdam en avril 1664, en quête d'un emploi comme femme de chambre[2]. Après deux semaines de vaine recherche, elle se querelle avec sa logeuse du Damrak à propos du prix du loyer. La confrontation dégénère rapidement. La logeuse s'empare d'un balai, menaçant de saisir les quelques affaires d'Elsje, tandis que cette dernière saisit une hache et, dans la bagarre, tue son adversaire[2]. Lorsqu'un voisin entre dans la maison pour découvrir la cause du vacarme, Elsje saisit rapidement un manteau et quelques vêtements dans le coffre d'un autre locataire et prend la fuite, couverte de sang. Dans une tentative désespérée pour s'enfuir (ou une possible tentative de suicide), elle saute dans le canal de Damrak, mais est repêchée par des passants[3]. Après son arrestation et ses aveux, elle est condamnée à mort le 1er mai 1664 par les magistrats de la ville.

Son exécution publique a lieu sur la place du Dam à Amsterdam, probablement le samedi 3 mai suivant[3]. Conformément à la sentence, elle reçoit plusieurs coups avec la hache qu'elle avait utilisée pour frapper sa logeuse avant d'être étranglée par un garrot. Son corps est ensuite laissé à pourrir sur un gibet dressé dans un champ à l'extérieur de la ville sur la lande de Volewijck (nl), où sont traditionnellement exposés les cadavres des exécutés à qui une sépulture chrétienne était refusée. La hache utilisée pour commettre son crime est suspendue au gibet à ses côtés[2].

Représentations artistiques modifier

 
Le corps d'Elsje Christiaens suspendu à la potence, vue de côté, dessin de Rembrandt, 1664.

Comme il s'agissait de la première exécution d'une femme à Amsterdam depuis 21 ans, l'événement a été considéré suffisamment inhabituel pour attirer l'attention.

Le peintre Rembrandt, alors âgé de 57 ans, a réalisé deux dessins du corps d'Elsje Christiaens, alors qu'il était exposé sur la potence[2],[4]. Le 3 mai, probablement le jour même de l'exécution de la sentence, il loue un bateau à rames pour le mener jusqu'au Volewijck où le cadavre était exhibé.

 
Anthonie van Borssom, Le champ des gibets à Volewijck, à l'extérieur d'Amsterdam, 1664. Le corps d'Elsje Christiaens est représenté à droite.

Anthonie van Borssom a aussi réalisé un dessin représentant le champ où les corps des criminels était laissé à pourrir : le corps de Christiaens apparaît à l'extrême droite, aux côtés d'autres condamnés[5].

Avant que la femme représentée dans les deux dessins de Rembrandt ne soit définitivement identifiée en 1969, ces œuvres étaient datées par les historiens de l'art des environs de 1655 sur la base de critères stylistiques. Les détails spécifiques du crime et de l'exécution ont permis cependant à l'archiviste et historienne Isabella Henriette van Eeghen (en)[6] d'identifier à coup sûr la femme représentée à Elsje Christiaens, puisqu'aucune autre femme condamnée apparaissant dans les archives judiciaires de l'époque n'a été exposée de la même manière. Eeghen terminait sa démonstration en 1969 en soulignant : « Elsje Christiaens, qui a autrefois été proposée en exemple à d'autres pour les dissuader de commettre un crime, servira maintenant d'exemple aux historiens de l'art pour leur rappeler d'être prudent avec la datation sur la base de critères stylistiques »[7].

L'épisode a inspiré à Margriet de Moor un roman, De schilder en het meisje, publié aux Pays-Bas en 2010 (traduction française : Le Peintre et la jeune fille, 2012[8]). La romancière y établit un parallèle entre la vie de Rembrandt, essayant alors de surmonter son chagrin après la mort récente de sa compagne Hendrickje Stoffels et le triste destin de Christiaens qu'il apprend de son fils Titus, aboutissant à une rencontre silencieuse avec le corps de la jeune fille.

Notes et références modifier

  1. De nombreuses sources de vulgarisation indiquent à tort que l'exécution a eu lieu le 1er mai 1664. Il s'agit en fait de la date de la sentence. L'exécution, dont la date exacte n'est pas connue avec certitude, s'est probablement déroulée le 3 ou le 5 mai.
  2. a b c et d (en) « Elsje Christiaens Hanging on a Gibbet (face view) », notice d'oeuvre, sur Metropolitan Museum of Art (consulté le ).
  3. a et b (nl) Els Kloek, « Christiaens, Elsje », sur Digitaal Vrouwenlexicon van Nederland, (consulté le )
  4. (en) « Elsje Christiaens Hanging on a Gibbet (side view) », notice d'oeuvre, sur Metropolitan Museum of Art (consulté le ).
  5. (en) Michiel C. Plomp, « Rembrandt and His Circle: Drawings and Prints », The Metropolitan Museum of Art Bulletin, vol. 64, no 1,‎ , p. 25, 30 (DOI 10.2307/25434123, JSTOR 25434123, lire en ligne)
  6. Sur celle-ci, voir : (en) Els Kloek, « Isabella Henriette van Eeghen, a Biography », Journal of Historians of Netherlandish Art, vol. 4, no 2,‎ (DOI 10.5092/jhna.2012.4.2.5, lire en ligne, consulté le ).
  7. (nl) « Elsje Christiaens en de kunsthistorici », Maandblad Amstelodamum, vol. 56, no 1069,‎ , p. 73-78, cité par (nl) Els Kloek, « Christiaens, Elsje », sur Digitaal Vrouwenlexicon van Nederland, (consulté le )
  8. Margriet de Moor (trad. du néerlandais par Annie Kroon), Le Peintre et la jeune fille [« De schilder en het meisje »], Paris, Libella-Maren Sell, (ISBN 978-2-35580-033-7 et 2-35580-033-2, OCLC 812523633, BNF 42737972).

Voir aussi modifier

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Liens externes modifier

Bibliographie complémentaire modifier

  • (en) W. R. Valentiner, « Rembrandt Drawings in the Havemeyer Collection », Metropolitan Museum Studies, vol. 3, no 2,‎ , p. 135–146 (ISSN 1556-8725, DOI 10.2307/1522775, JSTOR 1522775, lire en ligne). (Sur les copies des dessins de Rembrandt)
  • Max Silverman, « Mémoire palimpseste : La question humaine, Écorces et Histoire(s) du cinéma », Image & Narrative, vol. 14, no 2 « Représentations récentes de la Shoah »,‎ , p. 41-50 (lire en ligne) (Dessin de Rembrandt dans Histoire(s) du cinéma de Godard, p. 46-47).
  • (en) Ewa Kębłowska-Ławniczak, « Adaptations of Visual Material: Paintings, Drawings and Maps », dans Monika Pietrzak-Franger et Eckart Voigts-Virchow (éd.), Adaptations – Performing across Media and Genres, Trèves, Wissenschaftlicher Verlag Trier, coll. « Contemporary Drama in English » (no 16), (ISBN 978-3-86821-148-1, lire en ligne), p. 129-141. (Dessin de Rembrandt dans Bingo d'Edward Bond, p. 136-139).