Du vent dans les branches de sassafras

Pièce

Du vent dans les branches de sassafras
Signature de René de Obaldia
Signature de René de Obaldia

Auteur René de Obaldia
Genre Comédie
Nb. d'actes 2
Musique de scène Ralph Darbo
Éditeur Grasset
Date de création en français
Lieu de création en français Théâtre de Poche à Bruxelles
Metteur en scène René Dupuy
Rôle principal Michel Simon
Représentations notables
 : création française au théâtre Gramont
Personnages principaux
John Emery Rockefeller, Caroline Rockefeller, Pamela, Tom, William Buttler
Lieux de l'action
Demeure des Rockefeller, un ranch dans le Kentucky, à la fin du XIXe siècle.

Du vent dans les branches de sassafras est une pièce en 2 actes de René de Obaldia créée au théâtre de Poche de Bruxelles le .

La première parisienne a lieu le au théâtre Gramont avec Michel Simon dans le rôle principal. Des reprises ont eu lieu notamment en 1981 avec Jean Marais et en 2016 avec François Berléand.

Synopsis modifier

Le rideau se lève sur une salle-à-manger à la décoration sobre. La scène se déroule au début du XIXe siècle, dans une demeure familiale, située au sein d'un ranch de l'État du Kentucky, au Sud-Est des États-Unis.

Chez les Rockefeller, famille de colons britanniques sans-le-sou, la table est dressée. John Emery, patriarche de 70 ans à l'aspect échevelé et à la voix éraillée, se révèle comme un « dur à cuire ». C'est un vieux cow-boy au tempérament sanguin et à la verve directe et fleurie. Son épouse Caroline, une femme d'une cinquantaine d'années à la personnalité habituellement calme et apaisante, fait preuve d'un solide discernement. Le couple Rockefeller a produit deux enfants : une fille, Pamela, une magnifique jeune femme au caractère aguicheur ; et un fils, Tom, invétéré mâcheur de chewing-gum, le prototype même du jeune chenapan[1],[2].

John Rockefeller est complètement dépassé par les évènements : il doit simultanément faire face aux perpétuelles attaques d'Indiens « hauts en couleur », aux multiples imbroglios romantiques qui se jouent au sein de son foyer, à la brusque crise de démence de sa femme et enfin aux égarements alcoolisés du médecin local, le docteur Butler, un homme particulièrement porté sur la boisson[3].

Personnages modifier

Personnages principaux

  • John Emery Rockefeller : homme de 70 ans, il se présente tel un « dur à cuire »
  • Caroline Rockefeller : femme de John Emery Rockefeller, elle est âgée d'environ 50 ans et possède des formes généreuses
  • Pamela : fille de John et Caroline. Elle est âgée de 17 ans et témoigne d'une « beauté provocante »
  • Tom : fils de John et Caroline. Son emploi est celui d'un « pâle voyou ».

Personnages secondaires

  • William Buttler : homme particulièrement porté sur la boisson et est médecin de profession
  • Carlos : homme d'une quarantaine d'années, plutôt bien mis de sa personne. Il est l'exact prototype d'un personnage issu d'un film de John Ford
  • Myriam : également connue sous le sobriquet de « Petite-Coup-Sûr ». L'emploi principal de ce personnage consiste en celui d'une prostituée « au grand cœur »
  • Œil-de-Perdrix : indien chef de guerre d'une tribu Apache. Il se présente tel un allié des visages pâles et est considéré comme un traître vis-à-vis de sa communauté
  • Œil-de-Lynx : chef des Comanches. Il manifeste une très grande méchanceté

Source : René de Obaldia, Théâtre complet[4].

Création modifier

Du vent dans les branches de sassafras est créée au théâtre de Poche de Bruxelles, en Belgique. Le rôle principal est tenu par Georges Aubrey, acteur belge né à Verviers dans l'est de la Belgique. La mise en scène est réalisée par René Dupuy, directeur du théâtre Gramont à Paris où la pièce sera reprise quelques mois plus tard, la musique est signée Ralph Darbo, et les costumes sont conçus par le styliste Manfred Hürrig[4],[5].

La pièce est reprise au théâtre Gramont à partir du avec Michel Simon dans le rôle principal[n 1],[4]. De la distribution initiale bruxelloise, seuls Francis Lemaire (également né à Verviers) et Rita Renoir reprennent leurs rôles[n 2].

Distribution modifier

Bruxelles, 1965 modifier

  • Georges Aubrey : John-Emery Rockefeller
  • Raymonde Sartène : Caroline Rockefeller
  • Monique Donnay : Pamela
  • Luc Olivier : Tom
  • Lucien Charbonnier : William Butler
  • Raymond Avenière : Carlos
  • Rita Renoir : Miriam dite « Petite-Coup-Sûr »
  • Francis Lemaire : Œil-de-Perdrix / Œil-de-Lynx
Mise en scène : René Dupuy
Musique : Ralph Darbo
Décors et costumes : Manfred Hürrig

Paris, 1965 modifier

 
Michel Simon (1895-1975).
Mise en scène : René Dupuy
Musique : Georges Delerue
Son : Fred Kiriloff

Paris, 1981 modifier

Mise en scène : Jacques Rosny
Décors : Bernard Evein
Costumes : Jacqueline Guyot

Paris, 2016 modifier

Mise en scène : Bernard Murat

Analyse de l'œuvre modifier

Concernant l'un des passages-clés de cette comédie obaldienne, Monique Trédé, dans son étude de La Paix du grec Aristophane, établit un parallèle entre les deux pièces théâtrales :

« L'effet, mutatis mutandis, est proche de celui obtenu par Obaldia dans sa fantaisie inspirée Du vent dans les branches de sassafras quand, à un moment critique de l'action, il confie au personnage de « la putain au grand cœur » une longue tirade en alexandrins. Le public saisi par le caractère incongru de ce changement de ton, s'esclaffe ; il se délecte, de plus, en reconnaissant ici ou là une transposition du vocabulaire et des rythmes de la tragédie classique. “ Ô terreur inconnue… Ô nature trompeuse… […] Ce ne sont que soupirs, plaintes, gémissements… ” (I, 5)[10]. »

Cinq ans après la création de Génousie, pièce dramatique au style théâtral tourné vers le surréalisme et qui incarne le « nouveau théâtre »[n 4], le futur académicien d'origine panaméenne René de Obaldia s'oriente, avec Du vent dans les branches de sassafras, vers un genre parodique et avant-gardiste.

Cette nouvelle direction que prend l'auteur apparaît, pour certains critiques, comme un étroit rapprochement avec la comédie de « boulevard »[12]. Permettant à Michel Simon d'effectuer un remarquable « retour » sur scène[13], ce nouvel opus qui connaît une bonne réception auprès du public[14] conforte Obaldia dans son « statut de dramaturge à succès qui ne sera, dès lors, plus jamais démenti[15]. »

Reprises modifier

Jean Marais modifier

Après avoir incarné un truand dans Robert Macaire (téléfilm 1971) et celui d'un patriarche dans Le Roi Lear en 1978, Jean Marais rêvait de jouer dans vrai western à l’américaine. Malheureusement ce genre cinématographique était passé de mode, même aux États-Unis. En revanche, lorsque Jacques Rosny, metteur en scène de théâtre, lui demanda de reprendre le rôle du vieux cow-boy Rockefeller dans la pièce Du vent dans les branches de sassafras, Marais hésita. Dans un premier temps, il pensa qu’il lui serait impossible de se mesurer à Michel Simon qui avait créé le rôle en 1965 et dont la personnalité était aux antipodes de la sienne. Mais, considérant l’opportunité comme un défi, il finit par accepter en déclarant avec un brin de fausse modestie : « J’accepte comme une discipline, afin de continuer à faire des progrès[9]. »

La première représentation eut lieu le , au théâtre de la Madeleine à Paris[16]. La critique salua unanimement la performance de Marais, entouré notamment de Nadia Barentin (remplacée par Gisèle Touret lors de la tournée), Pierre Destailles et Francis Lemaire[17]. L’auteur, René de Obaldia dira de lui : « Ce qui m’a le plus émerveillé, c’est le privilège qu’il a d’avoir conservé ce don de l’enfance en parallèle avec la maturité que la vie vous donne ; Il est devenu un patriarche, mais toujours avec cet élan, cette jeunesse d’esprit, de cœur qui lui sont propres. » Sans doute fut-ce là l’une de ses meilleures compositions d’acteur dans les années 1980, saluée chaque soir par de véritables ovations[réf. nécessaire].

La pièce fut jouée plus de deux cents fois. Après le triomphe parisien, elle tourna en 1982 en province, mais pour peu de temps car le à Bordeaux, Marais fut pris d’un malaise en scène dès le premier acte à cause d’une violente douleur à la jambe qui, malgré l’intervention d’un médecin, s’intensifia au second jusqu’à devenir insupportable et nécessita l’interruption de la pièce[18]. Les médecins diagnostiquèrent une affection du nerf crural[19]. Il dut abandonner la tournée, restant sept semaines alité, avant de reprendre la pièce, portant un corset peu pratique[20]. Une captation télévisée eut lieu en 1983, réalisée par Robert Valey.

François Berléand modifier

 
François Berléand.

Le , la pièce a été représentée au théâtre Édouard-VII sous la direction de Bernard Murat (50 ans après avoir créé le rôle de Tom) en direct et en première partie de soirée sur France 2, avec François Berléand dans le rôle de John Emery Rockefeller[3],[21].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. À propos de son interprétation de John Emery Rockefeller dans Du vent dans les branches de sassafras, Michel Simon déclarait en 1965 dans Le Monde :

    « J'ai réussi trois fois à me libérer de l'esclavage d'un texte. »

    — Michel Simon, Le Monde, [6].

    .
  2. Ultérieurement, dans les années 1960, l'acteur et réalisateur Claude Berri joua également dans la pièce au théâtre Gramont[7].
  3. Le journaliste Philippe Labro a recueilli les propos de Bernard Murat qui évoque sa rencontre avec Michel Simon, dont il a partagé l'affiche 700 fois, et la fascination que l'acteur-metteur en scène, alors tout jeune, a eu pour la présence et la mémoire de texte du comédien septuagénaire[8].
  4. Mise en scène par Jean Vilar au Théâtre national populaire, cette pièce globalement bien accueillie par le public et les critiques reçut le prix de la Critique dramatique en 1960[11].

Références modifier

  1. Dominique Burger, « Du vent dans les branches de sassafras  », sur BNFA, (consulté le ).
  2. « Du vent dans les branches de sassafras  », sur data.bnf.fr, 2007-2016 (consulté le ).
  3. a et b « Du vent dans les branches de sassafras », sur France2, (version du sur Internet Archive).
  4. a b et c René de Obaldia, Théâtre complet, p. 172.
  5. Du vent dans les branches de sassafras sur Les Archives du spectacle.
  6. (en) Modern Language Association of America. French Institute in the United States (éd.), French VII Bibliography , vol. 4, t. 18, New-York, Associated University Presse, (lire en ligne), page 2686.
  7. Claude Berri, Autoportrait, Léo Scheer, 365 p. (lire en ligne), page 30.
  8. Philippe Labro, 7 500 signes : Chroniques, Gallimard, , 478 p. (lire en ligne), page 128.
  9. a et b Carole Weisweiller et Patrick Renaudot, Jean Marais, le bien-aimé, éd. de La Maule, 2013, page 217.
  10. Monique Trédé, « Aristophane, critique littéraire. », dans Monique Trédé et al., Le Théâtre grec antique : Actes du 10e colloque de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer les 1er et ., vol. 10, Paris, Académie des Inscriptions et Belles Lettres, coll. « Cahiers de la Villa Kérylos », (lire en ligne), page 131, Note 10.
  11. (en) Edward Forman, « The Dictionnary  », dans Edward Forman, Historical Dictionary of French Theater, Scarecrow Press, , 336 p. (lire en ligne), page 185.
  12. Jérôme Garcin, Littérature vagabonde, Flammarion, , 349 p. (lire en ligne), page 77.
  13. Danielle Moreau, 80 ans et toujours fringants !, Michel Lafon, , 206 p. (lire en ligne), page 142.
  14. René de Obaldia et Bertrand Poirot-Delpech, Discours de réception de René de Obaldia à l'Académie Française et réponse de Bertrand Poirot-Delpech, Grasset, , 180 p. (lire en ligne), pages 20 et 21.
  15. Christophe P. Lagier, « Bibliographie de trois auteurs dramatiques », dans Christophe P. Lagier, Le Théâtre de la parole-spectacle : Jacques Audiberti, René de Obaldia et Jean Tardieu, Summa Publications, , 157 p. (lire en ligne), page 146.
  16. Frédéric Lecomte-Dieu, Marais et Cocteau, l’abécédaire, coll. « Les Mythiques », éditions Jourdan, 2013, page 101 (ISBN 978-2-87466-272-0)
  17. Du vent dans les branches de sassafras sur Les Archives du spectacle
  18. Christian Soleil, Jean Marais, la voix brisée, éd. Arts graphiques, 2000, page 220 (ISBN 2-910868-42-7).
  19. Ou « cruralgie », affection du nerf crural qui commande l'extension de la jambe sur la cuisse. Cf. Carole Weisweiller et Patrick Renaudot, op. cit., page 218.
  20. Sandro Cassati, Jean Marais, une histoire vraie, City Éditions, 2013, page 210 (ISBN 978-2-8246-0377-3).
  21. Hélène Rochette, « Du vent dans les branches de sassafras », sur Télérama, (version du sur Internet Archive).

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Source primaire modifier

  • René de Obaldia, « Du vent dans les branches de sassafras », dans Théâtre complet, Grasset, , 1296 (lire en ligne), pages 172 et al..  

Sources secondaires modifier

  • Delphine Salkin, Jorge Lavelli, maître de stage : à propos de La Ronde d'Arthur Schnitzler, éd. Lansman, , 178 p. (lire en ligne), page 171
  • René de Obaldia, Discours de réception de René de Obaldia à l'Académie Française et réponse de Bertrand Poirot-Delpech, Grasset, , 180 p. (lire en ligne), pages 20 et 21.  
  • Christophe P. Lagier, « Bibliographie de trois auteurs dramatiques », dans Christophe P. Lagier, Le Théâtre de la parole-spectacle : Jacques Audiberti, René de Obaldia et Jean Tardieu, Summa Publications, , 157 p. (lire en ligne), page 146.  
  • Gilbert François, « Aristophane et le Théâtre moderne », L'Antiquité classique, vol. tome 40, no fascicule 1,‎ , pages 68-69 et note 83 (DOI 10.3406/antiq.1971.1612, lire en ligne).  

Voir aussi modifier

Liens externes modifier