Drapeau du Turkménistan

drapeau national

Drapeau du Turkménistan
Drapeau du Turkménistan.
Drapeau du Turkménistan.
Utilisation Symbole décrivant l'usage, explicité ci-après Symbole décrivant l'usage, explicité ci-après
Caractéristiques
Proportions 2:3
Adoption

Le drapeau du Turkménistan est le drapeau national de la république du Turkménistan. Une première version est adoptée le , quelques mois après l'indépendance du pays. Il est légèrement modifié en 1997 par l'ajout d'une figure et son format est modifié en 2001. Le drapeau est à fond vert, rappel à l'islam et aux drapeaux des peuples turcs. Il est frappé d'une bande rouge verticale sur laquelle sont figurés cinq médaillons de tapis, correspondant aux cinq principales tribus du pays, et des branches d'olivier symboles de neutralité. Cinq étoiles et un croissant de lune blancs, symboles islamiques, représentent également l'espoir en un avenir radieux. Le drapeau turkmène est une construction du gouvernement du premier président Saparmyrat Nyýazow visant à l'établissement d'une unité nationale et d'une identité turkmène que la soviétisation n'avait pas permis.

Histoire modifier

À la suite de la révolution d'Octobre de 1917 et l'établissement de l'Union soviétique, la région turkmène autonome, créée en 1921, devient en 1924 la république socialiste soviétique du Turkménistan. Elle reçoit son propre drapeau, emblème national, hymne et constitution, ainsi que des institutions, mais elle n'est pas pour autant un État souverain. Concomitamment à la soviétisation, le gouvernement soviétique tente de favoriser une conscience nationale dans une population divisée politiquement et culturellement[Al 1].

 
Drapeau de la RSST (1953-1991) et du Turkménistan entre 1991 et 1992.

Le processus est encore largement incomplet lorsqu'après son accession au pouvoir, Saparmyrat Nyýazow met en œuvre une politique culturelle, fondée sur une « renaissance » des valeurs traditionnelles, et un culte de sa personnalité — son nom officiel devient Türkmenbaşy — visant à l'établissement d'une unité nationale et d'une identité turkmène[Al 2]. Ceci passe entre autres par la création d'un nouveau drapeau[1]. Selon le discours officiel, un concours réunissant les artistes de premier plan aurait été organisé[2]. Le drapeau est adopté en même temps qu'un emblème le [3], jour anniversaire de Türkmenbaşy, qui devient le Jour du drapeau national (en)[Al 3]. Dans le cadre d'un renommage complet des mois de l'année à des fins idéologiques, le mois de février est renommé en baydak, drapeau[Al 3]. Un motif est ajouté à la bande rouge près de la hampe en 1997 et, en 2001, les proportions du drapeau sont modifiées[3].

Description modifier

Le champ du drapeau actuel du Turkménistan est vert. Il est frappé d'une bande rouge verticale le long du mât. Elle porte des médaillons géométriques de tapis au-dessus de deux rameaux d'olivier croisés, ajoutés en 1997[3],[4]. En haut du drapeau, à côté de la bande rouge, figurent un croissant de lune montante blanc et cinq étoiles, blanches également[4]. Il est le seul drapeau national moderne à figurer des motifs de tapis[5]. Le , une loi modifie le rapport largeur/longueur qui passe de 1:2 à 2:3[3]. Si la loi sur le drapeau de 1992 est particulièrement précise sur les proportions des figures du drapeau[4], la loi de 2001 amendée le ne spécifie que le rapport largeur/longueur[6].

Des décrets présidentiels datés du et du spécifient des normes pour le tissu des drapeaux d’État, les couleurs et la fabrication ainsi que les dimensions des différents éléments constitutifs[7],[8]. Les couleurs sont modifiées par un décret daté du [9].

Normes de 2000 Normes de 2017
Couleur Pantone Couleur Pantone
Vert île 16-6240 TR Vert 348 C
Poinsettia 17-1654 TR Rouge 1795 C
Citron 14-0955 TR Jaune 123 C
Fantôme 19-4205 TR Noir Black C

Symbologie modifier

Champ du drapeau modifier

 
Timbre de 1992 figurant le portrait de Saparmyrat Nyýazow devant le drapeau turkmène.

D'après la documentation officielle, le blanc représente la lumière et la bonté et la couleur verte se réfère aux mentions des drapeaux des peuples turciques depuis l'époque des campagnes d'Alexandre le Grand en Asie centrale[3]. Le rouge et le vert seraient également des couleurs populaires dans les miniatures turques des VIe et XIIe siècles[2].

Les symboles de la lune et du soleil, sous forme d'étoile, sont rapprochés de faits historiques et culturels anciens[2]. Ils servent à légitimer l'autorité de l'État[4],[10]. Le soleil aurait été utilisé sur les drapeaux des anciens Turkmènes. La lune est figurée sur plusieurs vestiges archéologiques du site de l'âge du bronze d'Altyn-depe, notamment sur une tête de taureau, et témoigne possiblement de l'existence d'une déité lunaire à forme de taureau[2]. Par la suite, le soleil et la lune ont intégré le zoroastrisme. Ils personnifient alors respectivement le jour et la nuit, la lumière et l'obscurité, les concepts de gauche et de droite[2]. Enfin, ils sont apparus sur des pièces de monnaie parthes et le croissant de lune est un symbole dynastique turkmène[2]. Mais les étoiles et le croissant de lune ainsi que la couleur verte sont aussi des symboles islamiques[4]. Pour autant, les activités religieuses sont sévèrement contrôlées et surveillées, de même que les groupes d'opposition islamiques[10]. À l'inverse du drapeau de nombreux pays musulmans, le croissant de lune est montant afin de symboliser, combiné avec les étoiles, l'espoir en un avenir radieux[3],[4].

D'après la documentation officielle, le symbolisme des étoiles combine à la fois des idées traditionnelles et modernes. Leur nombre équivaut aux cinq conditions fondamentales à la vie sur Terre : lumière, son, odeur, toucher, sens des proportions. Chaque bras d'une étoile représente également un état de la matière : solide, liquide, gaz, cristal et plasma[11].

Bande rouge modifier

Références au tribalisme modifier

Le drapeau turkmène affiche cinq médaillons de tapis ou gȫl, bien que les experts en tapis occidentaux les appellent gul[12]. Ce dernier terme a la signification de « fleur » en persan alors que le mot gȫl signifie « lac » en turkmène et se rapporte à la propriété sacrée de l'eau dans le chamanisme local[12].

Dans le mode de vie nomade, le tapis est un objet important qui sert de revêtement de sol, de sac, d'objet décoratif[4]. Les tapis turkmènes, géométriques, ont une couleur dominante rouge car la teinture végétale à partir de racine de garance est très utilisée. Ils comportent traditionnellement un champ central avec un motif majeur, le gȫl, répété en rangées ou sous forme d'un quadrillage, limité par des bordures dont le motif diffère[4],[12]. La conception des motifs est fondée sur des formes florales ou d'anciens signes tribaux figurant par exemple des oiseaux de proie, les protecteurs de la tribu[4]. Chaque tribu a son emblème. Par le passé, le gagnant d'un affrontement entre tribus avait l'habitude d'imposer au perdant l'adoption de son propre gȫl[12].

Les motifs du drapeau sont relatifs aux cinq principales tribus ainsi qu'aux cinq provinces initiales du pays[13]. Le chiffre de cinq tribus renvoie également au poète turkmène du XVIIIe siècle Magtymguly Pyragy. Il défendait l'idée de l'unification de toutes les tribus turkmènes et la création d'un État indépendant. Dans son poème Döker Bolduk Yaşımız, il enjoint aux cinq principales tribus de son époque (Tekké, Yomut, Goklen, Yazir, Alili) de se rassembler pour ne servir qu'un seul État et non plus cinq[13]. Dans le drapeau, l'agencement des motifs figure, du haut vers le bas, la hiérarchie des tribus et explicite la position dominatrice des Tekkés dans la vie politique[Al 4].

La tribu des Tekkés, à laquelle appartenait Saparmyrat Nyýazow[9], est associée à la province d'Ahal, l'une des deux provinces avec celle de Mari, où ils constituent la principale population[13]. Le motif est appelé Guşlı Göl (motif d'oiseau)[13]. Il est symboliquement divisé en quatre parties pour les quatre saisons. Chacune comprend trois ornements correspondant aux mois. Dans le motif se retrouvent également l'image d'une louve, l'ancêtre des Oghouzes, et d'un cheval cabré[9].

Le deuxième médaillon, Gabsa Göl (motif de porte), appartient à la tribu Yomut à laquelle est adjointe la province de Balkan où ils sont majoritaires. Ils le sont également dans la province de Daşoguz[13]. Le dessin principal est le symbole d'un homme qui lève les mains. Au milieu se trouve une représentation symbolique du soleil[9].

Le troisième motif, nommé Pendi Göl ou Garlık Göl (motif de Pendi, de l'obscurité), est l'œuvre de la tribu Saryk qui occupe une partie de la province de Mari[13]. Il est un symbole de la mort à travers des représentations de cycles de 3, 9, 40 et 365 jours. Ce motif symbolise le passé[9].

L'avant-dernier médaillon de tapis, Örtmen Göl ou Çovdur Göl (motif de couverture, de Chowdur), est un symbole de la tribu Chowdur essentiellement localisée dans la province de Daşoguz[13]. Il figure des maisons de mariés[9].

Le dernier motif de tapis, Keyikli Göl ou Tovukli Göl (motif du cerf, du poulet), se rapporte à la tribu Ersari de la province de Lebap[13]. Cette tribu est le résultat de l'unification de plusieurs communautés autour d'un groupe de tribus dénommé Salurlar ou Salır dont le chef reçut le titre de soldat Ersari, c'est-à-dire commandant en chef[13]. Le motif de la tribu employé pour le drapeau est celui utilisé pour les sacs de tente. Il est différent de celui qui apparaît sur les tapis principaux[14]. Le motif reprend la marque sacerdotale de l'image de drapeaux de cavaliers[9].

Référence au principe de neutralité modifier

 
Monnaie turkmène figurant l'Arche de la Neutralité.

Le , l'Assemblée générale des Nations Unies adopte, à l'initiative du Turkménistan, une résolution sur la neutralité du pays. Pour refléter ce statut de l'État, le , un décret présidentiel ajoute deux rameaux d'olivier blanc, symbole de paix, sous les motifs de tapis[Al 5],[3]. Ces rameaux se composent de dix feuilles de taille décroissante vers les extrémités, disposées par paires, à l'exception des feuilles inférieures et supérieures[2].

Ils se rapportent au drapeau des Nations unies[2] et au principe de neutralité permanente promu par le régime et légitimé par le Ruhnama dont Saparmyrat Nyýazow est l'auteur[Al 5]. D'après ce livre utilisé pour l'endoctrinement de la jeunesse, l’ancêtre mythologique Oguz Khan se serait prononcé en faveur de ce principe pour apporter la paix éternelle en terre turkmène[Al 5]. Dans la propagande, le président turkmène est le héros ayant permis l'accomplissement de cette neutralité rêvée[Al 5]. Il est ainsi construit au centre d'Achgabat, près du palais présidentiel, l'Arche de la Neutralité avec à son sommet la statue dorée de Türkmenbaşy. Une nouvelle fête nationale est instituée le et le mois de décembre est renommé bitaraplyk, qui signifie « neutralité ». En outre, un nouvel épithète, baki bitarap, « neutre en permanence » est ajouté après celui de garaşsyz, « indépendant », au nom du pays dans les documents officiels. De même, l'hymne national est rebaptisé « L'hymne national du Turkménistan indépendant et définitivement neutre »[Al 5].

Réglementation de l'usage modifier

 
Parade du Jour de l'Indépendance, .

La loi de 2001 amendée le spécifie que le drapeau doit être hissé de façon permanente sur l'ensemble des bâtiments officiels, sur les bâtiments des entreprises, organismes et organisations d'État, sur les véhicules dans lesquels circule le président du Turkménistan. Le drapeau peut être abaissé en signe de deuil ou lors d'une commémoration. Il doit l'être le , jour de l'Indépendance. La levée et l'abaissement du drapeau doivent être accompagnés d'un salut. Il convient d'adopter la position au garde-à-vous lors du passage du drapeau au cours d'une marche solennelle. L'utilisation d'un drapeau non conforme aux spécifications de la loi, et l'insulte ou le manque de respect au drapeau national ne sont pas autorisés[6].

Perception modifier

Le drapeau du Turkménistan indépendant, comme celui de l'Ouzbékistan et du Kirghizistan, symbolise la redécouverte de la religion traditionnelle et le renouveau ethnique des pays d'Asie centrale anciennement soviétiques, alors très limités dans l'affirmation de leur identité[4],[10]. Il est l'expression d'un réveil du nationalisme[4]. Bien qu'il s'abstienne de l'admettre explicitement, la conception du drapeau turkmène prouve que l'État reconnaît officiellement l'existence des tribus en tant que composantes de la nation. Leur rôle en tant que groupes politiques est admis et la propagande a pour objet de transformer ces loyautés pour renforcer les éléments de l'unité nationale et éviter qu'elles ne deviennent des défis potentiels pour le régime[Al 6]. Selon la chercheuse Canan Alpaslan, les cinq motifs symbolisent l'échec de Saparmyrat Nyýazow à trouver un symbole unique et unificateur pour représenter l'ensemble des tribus[Al 7].

Le drapeau turkmène est un objet de propagande politique[1]. En 2008 à Achgabat est édifié un mât géant d'une hauteur de 133 m auquel flotte un drapeau national de 52,5 m sur 35 m, d'un poids de 420 kg[2]. Le Jour du drapeau national (en), jour férié qui est l'occasion de festivités[15], auparavant fixé au , jour anniversaire de Türkmenbaşy, est combiné au Jour de la Constitution du 18 mai, lors de la session du Conseil du peuple le [16]. Cette combinaison est célébrée dès 2018[17].

À l'image du drapeau national, le vert est la tenue des uniformes scolaires et la couleur des robes des mariées des groupes ethniques turkmènes et baloutches[18].

Notes et références modifier

Notes modifier

Références modifier

  • (en) Canan Alpaslan, State, society and culture in Turkmenistan : the policies of propaganda under the rules of Turkmenbashi, Ankara, Middle East Technical University, , 146 p. (lire en ligne).
  1. Alpaslan 2010, p. 17-19.
  2. Alpaslan 2010, p. 52-60.
  3. a et b Alpaslan 2010, p. 63-64.
  4. Alpaslan 2010, p. 67-69.
  5. a b c d et e Alpaslan 2010, p. 81-86.
  6. Alpaslan 2010, p. 125-126.
  7. Alpaslan 2010, p. 69-71.
  • Autres références :
  1. a et b (en) Vladimir Fedorenko, Central Asia : From Ethnic to Civic Nationalism, Washington, Rethink Institute, , 22 p. (ISBN 978-1-938300-01-1, lire en ligne), p. 18-19.
  2. a b c d e f g h et i (ru) « Государственный флаг Туркменистана как символ единства и независимости нации и нейтралитета государства », sur turkmenistan.gov.tm,‎ (consulté le ).
  3. a b c d e f et g (uk) Елла Вікторівна Мамонтова, « Державна символіка як індикатор політичного розвитку (на прикладі Країн центральної азії та Казахстану », Актуальні проблеми політики, no 63,‎ , p. 125–138 (ISSN 2616-406X, DOI 10.32837/app.v63i0.12, lire en ligne, consulté le ).
  4. a b c d e f g h i j et k (en) Jiří Tenora, « The National Flag of Turkmenistan of 1992 », Raven, vol. 2,‎ , p. 65-78 (lire en ligne).
  5. (en) Walter B. Denny, How to read Islamic carpets, New York, The Metropolitan Museum of Art, coll. « How to read », , 143 p. (ISBN 978-0-300-20809-2, lire en ligne  ), p. 32.
  6. a et b (en) « Law of Turkmenistan "About National flag of Turkmenistan" », sur cis-legislation.com, (consulté le ).
  7. (en) « Presidential decree of Turkmenistan "About approval of regulations on National flag of Turkmenistan" », sur cis-legislation.com, (consulté le ).
  8. (en) « Resolution of the President of Turkmenistan "About approval of state standard on National flag of Turkmenistan" », sur cis-legislation.com, (consulté le ).
  9. a b c d e f et g (ru) « VEXILLOGRAPHIA - Флаги туркменистана », sur www.vexillographia.ru (consulté le ).
  10. a b et c (en) Yilmaz Bingol, « Nationalism and democracy in post‐communist Central Asia », Asian Ethnicity, vol. 5, no 1,‎ , p. 43–60 (ISSN 1463-1369 et 1469-2953, DOI 10.1080/1463136032000168899, lire en ligne, consulté le ).
  11. (cs) A. N. Basov, « Vlajka Turkmenistanu », Vexilologie, no 85,‎ , p. 1668-1670 (lire en ligne [PDF]).
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  13. a b c d e f g h et i (tr) Berdi Sariyev, « Türkmenistan’da milli birliğin etno - sembolik kaynağı olarak halı ve motifleri », Arış, nos 20-21,‎ , p. 227–239 (ISSN 1301-255X, DOI 10.32704/akmbaris.2022.172, lire en ligne, consulté le ).
  14. (en) Walter B. Denny, How to read Islamic carpets, New York, The Metropolitan Museum of Art, coll. « How to read », , 143 p. (ISBN 978-0-300-20809-2, lire en ligne  ), p. 34-35.
  15. (ru) « Туркмения празднует День Государственного флага », sur РИА Новости,‎ 20110219t0116 (consulté le ).
  16. (ru) « Бердымухамедов возложил цветы к Монументу Конституции и Государственному флагу », sur Хроника Туркменистана,‎ (consulté le ).
  17. (en) « Turkmenistan celebrates the Day of Flag in May for the first time », sur Chronicles of Turkmenistan, (consulté le )
  18. (en) Fouzia Rehman Khan, Mehwish Malghani et Shazia Ayaz, « Construction of Baloch Ethnic Identity through Ethnolinguistic Awareness and Cultural Dynamics », Global Regional Review, vol. V, no I,‎ , p. 84–91 (ISSN 2663-7030 et 2616-955X, DOI 10.31703/grr.2020(v-i).11, lire en ligne, consulté le ).