Double majorité

concept

La double majorité est un système de vote, en particulier dans le système politique de la Suisse.

Suisse modifier

En Suisse, une votation pour modifier la Constitution fédérale (référendum obligatoire ou initiative populaire fédérale) doit rassembler la double majorité du peuple et des cantons[1],[2]. Une double majorité est aussi requise lorsque la Suisse veut adhérer à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales (comme l'ONU)[3].

Entre 1848 et 2016, il est arrivé neuf fois que des modifications constitutionnelles soient rejetées par manque de majorité des cantons (bien qu'elles aient été approuvées par la majorité du peuple)[4],[5]. De plus, durant la même période, il est arrivé quatre fois que des objets atteignent la majorité des cantons, mais pas celle du peuple[6]. En 2020, l'initiative « Entreprises responsables » devient le dixième objet à échouer par manque de majorité des cantons (et la deuxième initiative, après celle concernant la protection des locataires et des consommateurs en )[2],[7],[8]. En 2002, l'initiative pour l'adhésion à l'ONU obtient une confortable majorité du peuple (54,6 %) mais une très courte majorité des cantons (12 contre 11), si bien que 3 000 non supplémentaires dans les cantons de Lucerne, de Soleure, du Valais ou de Zoug auraient suffi à inverser le résultat du vote[9].

L’exigence de la majorité des cantons protège les petits cantons ruraux de la Suisse centrale et orientale (voir aussi Sonderbund)[2], mais se fait au détriment de la Suisse latine et des villes[10]. Elle a pour conséquence que le vote d'un électeur du canton d'Uri compte autant que celui de 36 électeurs du canton de Zurich en 2023 (contre une proportion de 1:17 en 1848) et qu'il existe une « minorité empirique de blocage  » dans les plus petits cantons oscillant entre 20 et 25 % des votants, qui force à obtenir une majorité populaire de bien plus de 50 % pour garantir la majorité des cantons[10].

Union européenne modifier

Dans l'Union européenne, depuis 2014, une décision législative est reconnue adoptée si elle reçoit une majorité qualifiée, c'est-à-dire 55 % des suffrages des membres du Conseil représentant au moins 15 États et au moins 65 % de la population de l'Union européenne.

Notes et références modifier

  1. Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) du (état le ), RS 101, art. 142.
  2. a b et c Pascal Sciarini, « Moins de 25 % des votants ont suffi pour faire couler l’initiative « Entreprises responsables » », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) du (état le ), RS 101, art. 140.
  4. Chancellerie fédérale, « Objets rejetés par manque de majorité des cantons », sur admin.ch (consulté le ).
  5. Sibilla Bondolfi, « « One man, one vote » – pas en Suisse ! », Swissinfo,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. Chancellerie fédérale, « Objets rejetés par manque de majorité du peuple », sur admin.ch (consulté le ).
  7. Boris Busslinger, « Les cantons torpillent la victoire populaire », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. Outre qu'elle recueille à peu près les mêmes résultats au sein de la population (50,2 % et 50,7 %), ces deux initiatives ont également en commun qu'elles ont été acceptées par à peu près les mêmes cantons : Genève, Vaud, Neuchâtel, Berne, Zurich, Bâle-Ville et Tessin. Les différences se situent dans le canton de Fribourg qui a refusé l'initiative de 1955, mais a accepté cette de 2020 ; et que le canton de Bâle-Campagne dans la situation inverse. L'autre différence et celle du canton du Jura qui n'existait pas en 1955 (il entre dans la Confédération en 1979) et qui a accepté l'initiative « entreprises responsables ».
  9. Pascal Sciarini, Politique suisse : Institutions, acteurs, processus, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, coll. « Épistémé », , 636 p. (ISBN 9782889155279, lire en ligne), p. 184
  10. a et b Pascal Sciarini, Politique suisse : Institutions, acteurs, processus, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, coll. « Épistémé », , 636 p. (ISBN 9782889155279, lire en ligne), p. 183 et 184

Voir aussi modifier