Dénitrification

processus microbien de respiration anaérobie

La dénitrification, appelée aussi rétrogradation de l'azote minéral, est un processus microbien de respiration anaérobie qui utilise les ions nitrates comme accepteurs d'électrons. Ce phénomène biologique est opéré en milieu hypoxique ou anoxique, par des bactéries spécifiques qui satisfont leur besoin en oxydant par une désoxygénation des nitrates.

Ce phénomène se produit dans le sol, mais pas exclusivement : il est aussi à l’œuvre dans certains sédiments[1], dans les aquifères (dans une certaine mesure et à certaines conditions)[2], dans les matières organiques en décomposition (ex : bois mort), ou encore dans le système digestif.

Importance écologique modifier

Ce processus joue un rôle majeur à échelle planétaire dans le cycle de l'azote, et est encore incomplètement cerné. Il est notamment l'un des "puits d'azote"[3] comme il existe des puits de carbone. Il a fait l'objet de nombreuses études concernant ses aspects écologiques, agronomiques, microbiologiques, physiologiques, biogéochimiques, génétiques ou symbiotiques[4]. Il est probablement apparu précocement dans l'évolution et a notamment été retrouvé chez certaines archées halophiles ou hyperthermophiles mais aussi dans les mitochondries de certains champignons.

Les plantes et leur système racinaire, qui décolmatent le sol ou le sédiment (par exemple pour les roselières, les mangroves ou la Riziculture en rizière) et sont le support d'intenses échanges (souvent symbiotiques avec des champignons mycorhiziens et/ou des bactéries symbiotes), jouent aussi un rôle dans les grands processus de dénitrification à l’œuvre dans les sols, notamment sous les prairies, forêts, roselières, tourbières et autres zones humides[5]. Un rôle un peu équivalent (pour le décolmatage du substrat et la bioturbation) est joué dans les sédiments par diverses espèces fouisseuses[6].

Mécanismes biologiques modifier

Sauf dans les sols très aérés, le dioxygène O2 diffuse peu dans le sol (quelques millimètres). Ce phénomène est encore accentué dans les sols tassés et/ou gorgés d'eau (cas d'un sol hydromorphique par exemple). Il y a 21 % de dioxygène dans l'atmosphère terrestre soit environ 300 mg par litre d'air et seulement (au maximum[réf. souhaitée]) 8 mg pour 1 kg (1 litre) d'eau. Par conséquent, les bactéries qui se trouvent dans ces types de sols manquent de dioxygène, nécessaire à leur survie, à leur développement et à la respiration cellulaire, notamment quand l'eau a comblé tous les espaces lacunaires du sol contenant auparavant de l'air.

C'est alors que des « bactéries dénitrifiantes » opèrent la dénitrification : elles réduisent l'ion nitrate NO3, facilement soluble dans la solution du sol grâce aux liaisons hydrogène qu'il établit avec les molécules d'eau et facilement absorbable par les végétaux, en ion nitrite NO2, puis en monoxyde d'azote NO, après en N2O (oxyde nitreux) et enfin en diazote N2, exempt d'oxygène et naturellement présent dans notre atmosphère et qui va s'échapper ensuite du sol par volatilisation, pour rejoindre cette dernière. La dénitrification suit tout ou partie de ces réactions successives (l'enzyme catalysant la réaction figurant entre parenthèses) :

NO3 + 2 H+ + 2 e→ NO2 + H2O (nitrate réductase)
NO2 + 2 H+ + e → NO + H2O (nitrite réductase)
2 NO + 2 H+ + 2 e → N2O + H2O (oxyde nitrique-réductase)
N2O + 2 H+ + 2 e → N2 + H2O (oxyde nitreux-réductase)

Le processus complet peut s'exprimer sous forme d'une réaction redox équilibrée, par laquelle le nitrate (NO3) est entièrement réduit sous forme d'azote N2 :

2 NO3 + 10 e + 12 H+ → N2 + 6 H2O

Il arrive que ces bactéries n'aillent pas jusqu'à la phase ultime de cette réaction, si le taux de dioxygène est en partie suffisant pour satisfaire leur besoin. La dénitrification est alors en partie arrêtée aux stades NO ou, plus souvent, N2O qui est un gaz à effet de serre.

Enjeux environnementaux modifier

Cette réaction est très importante en écologie, car elle contrôle partiellement le cycle de l'azote et certains processus d'eutrophisation et/ou d'acidification des eaux douces. Ces bactéries jouent aussi un rôle majeur dans le domaine du traitement des eaux usées, notamment dans le lagunage naturel.

Elle a aussi une grande importance en agriculture pour la maîtrise des besoins des plantes et des microorganismes du sol en azote, et dans le cadre d'une lutte naturelle contre la pollution par les engrais azotés, qui parce qu'ils sont très solubles peuvent polluer par les nitrates les pluies et les eaux de surface et de nappe.

Recherche et développement modifier

Les analyses isotopiques et études basées sur le suivi des isotopes stables de l'azote permettent de mieux comprendre ce processus et plus globalement sa plage dans le cycle biogéochimique de l'azote[7], actuel ou passé (dans les paléoenvironnements et sous des paléoclimats différents).

On cherche aussi à créer (éventuellement par biomimétisme) des systèmes semi-naturels de dépollution de rejets azotés en utilisant les bactéries dénitrifiantes, notamment pour traiter in situ des rejets agricoles[8].

Notes et références modifier

  • Cours d'agronomie de terminale agricole S.T.A.E. (Sciences et technologies de l'agronomie et de l'environnement, option technologies des systèmes de production).
  1. Rysgaard, S., Risgaard-Petersen, N., Sloth, N. P., Jensen, K., & Nielsen, L. P. (1994). Oxygen regulation of nitrification and denitrification in sediments. Limnology and Oceanography, 39(7), 1643-1652 (résumé)
  2. Mariotti, A., Landreau, A., & Simon, B. (1988). 15 N isotope biogeochemistry and natural denitrification process in groundwater: Application to the chalk aquifer of northern France. Geochimica et Cosmochimica Acta, 52(7), 1869-1878.
  3. Childs, C. R., Rabalais, N. N., Turner, R. E., & Proctor, L. M. (2002). Sediment denitrification in the Gulf of Mexico zone of hypoxia. Marine ecology. Progress series, 240, 285-290 (résumé)
  4. Payne, W. J. (1981). Denitrification. John Wiley & Sons Inc..
  5. Eriksson, P. G., & Weisner, S. E. (1999). An experimental study on effects of submersed macrophytes on nitrification and denitrification in ammonium-rich aquatic systems. Limnology and Oceanography, 44(8), 1993-1999 (résumé).
  6. Webb, A. P., & Eyre, B. D. (2004). Effect of natural populations of burrowing thalassinidean shrimp on sediment irrigation, benthic metabolism, nutrient fluxes and denitrification. Marine ecology. Progress series, 268, 205-220 (résumé).
  7. Lund, L. J., Horne, A. J., & Williams, A. E. (1999). Estimating denitrification in a large constructed wetland using stable nitrogen isotope ratios. Ecological Engineering, 14(1), 67-76 (résumé)
  8. Van Driel, P. W., Robertson, W. D., & Merkley, L. C. (2006). Denitrification of agricultural drainage using wood-based reactors. Transactions of the ASAE, 49(2), 565-573.

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Lien externe modifier

Bibliographie modifier