Cyclines (antibiotiques)

Les cyclines ou tétracyclines constituent une famille d'antibiotiques à large spectre. Ils sont isolés de bactéries du genre Streptomyces, notamment Streptomyces aureofaciens pour la chlortétracycline, tandis que les autres cyclines sont des produits hémisynthétiques[1].

Squelette de base de la famille des cyclines

Ces molécules ont pour caractéristique commune de posséder quatre cycles accolés, d'où leur nom[2] En plus de cette structure commune, les tétracyclines diffèrent par leurs substituants (méthyle, hydroxyle ou encore la présence de chlore) affectant les propriétés physicochimiques telles que la liaison aux protéines plasmatiques[1].

Les antibiotiques de la classe des tétracyclines ont été découverts dans les années 1940 et possédaient initialement un spectre d'activité large, notamment sur les bactéries à Gram positif, à Gram négatif, des micro-organismes intracellulaires (Chamydia, Mycoplasma...) ainsi que des parasites protozoaires[2].

Ces molécules sont bactériostatiques à courte durée d'action.

Mode d'action modifier

Les antibiotiques de la famille des cyclines sont des inhibiteurs de la traduction des protéines. Ils se lient de manière réversible à la sous-unité 30S du ribosome de la bactérie où se situe le centre de décodage de l'ARN messager[3] Cette liaison empêche la fixation de l'aminoacyl-ARNt sur le site A du ribosome ce qui conduit à un arrêt de l'élongation de la chaîne peptidique. Dans une moindre mesure, ils peuvent également se lier à la sous-unité 50S du ribosome bactérien pouvant altérer la membrane cytoplasmique et ainsi entraîner la perte de composants cellulaires vers l'extérieur de la bactérie[4].

Les bactéries disposent d'un système permettant aux tétracyclines de rentrer à l'intérieur de la cellule, ce qui n'est pas le cas des cellules eucaryotes, c'est pourquoi les cellules humaines ne sont pas sensibles à l'effet inhibiteur des tétracyclines[1]. En effet, chez les bactéries à Gram négatif, les tétracyclines traversent la membrane externe via des porines OmpF et OmpC en se complexant à un ion Mg2+. Ce complexe se dissocie pour laisser la tétracycline traverser par diffusion passive la membrane interne[5]. Chez les bactéries à Gram positif, les tétracyclines peuvent diffuser de manière passive ou active.

Indications modifier

Les tétracyclines sont utilisées dans le traitement des infections des voies respiratoires et urinaires. Elles restent le traitement de choix pour les infections causées par les rickettsies (typhus), la brucellose, les infections à spirochètes et enfin la syphilis[2].

Elles peuvent également être utilisées dans le traitement des infections causées par les chlamydiae (salpingite, urétrite, psittacose, trachome) même si elles n'en sont pas le traitement de référence en raison de l'apparition de résistance[6].

Les tétracyclines sont également utilisées pour le traitement et la prophylaxie du paludisme.

La doxycycline est utilisée pour traiter l'acné inflammatoire à Propionibacterium acnes[7]. Elle est également utilisée pour le traitement de l'infection par Bacillus anthracis et est efficace contre Yersinia pestis, l'agent infectieux de la peste.

D'autre part, la tigécycline, étant moins sensible aux phénomènes de résistance, peut être encore prescrite pour traiter des infections intra-abdominales compliquées ainsi que des infections de la peau et des tissus mous[8].

Enfin, les degrés de résistance sont variables suivant les espèces. De nombreux streptocoques étant résistants, les tétracyclines ne sont pas indiquées dans les angines (streptocoques bêtahémolytiques du groupe A) ainsi que les pneumonies pour lesquelles on suspecte un pneumocoque (Streptococcus pneumoniae).

Effets indésirables modifier

Les cyclines sont des molécules colorées, souvent de couleur jaune et qui peuvent engendrer un effet de photosensibilisation. Elles sont capables de passer la barrière placentaire et sont donc contre-indiquées chez la femme enceinte mais aussi chez la femme allaitante et chez l'enfant de moins de 8 ans, car elles peuvent causer l'apparition de taches jaunes sur les dents avec hypoplasie de l'émail dentaire par chélation du calcium. De plus, le fait de se complexer à des ions fait que leur absorption digestive peut être altérée si elles sont administrées en même temps que des ions divalents (Ca2+, Mg2+, Fe2+...)[9]. Les cyclines sont aussi contre-indiquées dans l'usage avec de l'isotrétinoïne, pouvant provoquer parfois une hypertension intracrânienne.

Principales cyclines modifier

Tableau d'efficacité modifier

Voici un tableau d'efficacité potentiel des Cyclines.

Légende :

  • spectre utile ;
  • non couvert ;
  • intermédiaire / résistance fréquente ;
  • CG+ : Cocci gram + ;
  • BGN : bacilles gram négatif ;
  • BG+ : Bacilles gram +.

Bactéries aérobies modifier

L'information du spectre d'efficacité de l'antibiotique est à titre indicatif (en particulier pour les étudiants en médecine), si vous devez prescrire des antibiotiques, veuillez vous référer aux recommandations officielles.

Bactéries aérobies
Gram + Gram -
Cocci Staphylocoque (coccis en amas) :
  • à coagulase neg
  • aureus

Streptocoque (cocci en chainettes) :

  • pyogenes du groupe A, pneumoniae
  • autres streptocoques : groupe D (bovis) ...

Entérocoques : (diplocoques)

enterococcus fecalis (ressemblent aux streptocoques)

Nesseria (2 principaux cocci gram -) :
  • meningitidis (méningocoque)
  • gonorrhoeae

Cocco-baciles (germes en pédiatrie) :

  • Moraxella
  • Branhamella catarrhalis
Bacilles "Listeria monocytogenes (le seul BG+ à connaître)"

"corynebacteirum diphteriae"

Bacillus anthracis

Entérobacteries :

E. Coli (ETEC, EPEC, EHEC), Klebsiella, enterobacter, serratia,

proteus, samlonella, shigella, yersinia pestis / enterocolitica

Autres BGN :

campylobacter, heliicobacter pilori et jejuni, vibrio cholerae, pasteurella, haemophilius influenzae

HACEK (Haemophilus, Actinobacillus, Cardiobacterium, Eikenella, Kingella)

bordetella pertussis, legionella (intracellulaire facultatives )

morsures griffures : Bartonella henselae, Francisella tularensis (griffe du chat)

pseudomonas (à part)

Autres :

  • Yersinia pestis ;
  • vibrio cholerae, pasteurella.

Bactéries anaérobies modifier

L'information du spectre d'efficacité de l'antibiotique est à titre indicatif (en particulier pour les étudiants en médecine), si vous devez prescrire des antibiotiques, veuillez vous référer aux recommandations officielles.

Bactéries anaérobies
Gram + Gram -
Bacilles Clostridium (principaux BG+ anaérobies) : tetani, botulinium, perfringens, difficile

propionibacterium acnes

actinomyces

bacteroides fragilis

fusobacterium

morsures griffures : Pasteurella multocida (chien, anaérobie facultative)

Cocci Peptostreptoccucs sp.

Autres bactéries modifier

L'information du spectre d'efficacité de l'antibiotique est à titre indicatif (en particulier pour les étudiants en médecine), si vous devez prescrire des antibiotiques, veuillez vous référer aux recommandations officielles.

Autres bactéries
Intracellulaires Spirochètes (bactéries hélicoïdales Gram -) Mycobactéries = BAAR Nocardia
chlamydia (trachomatis, psitacci, pneumoniae)

mycoplasme (pulmonaire), ureaplasma urealyticum (uro genital)

rickettsia

treponema (pallidum)

borrelia (burgdorferi égal lyme)

Leptospira

tuberculosis

Leprae

mycobactéries atypiques (avium, xenopi)

Pneumoystis joriveci


Autres bactéries
Germes Intracellulaires facultatifs Germes Intracellulaires obligatoires
legionella (BGN aérobie)

bordetella pertussis : coqueluche (BGN aérobie)

Mycobacterium tuberculosis: tuberculose (mycobactérie)

Salmonella typhi : fièvre typhoïde (BGN aérobie)

Brucella sp: brucellose (?)

Legionella pneumophila : légionellose (BGN aérobie)

Listeria monocytogenes : listériose (BG+ aérobie)

Francisella tularensis : tularémie (?)

Mycobacterium leprae : lèpre (mycobactérie)

Rickettsia sp: fièvre boutonneuse, typhus

Coxiella burnetii : fièvre Q

Chlamydia trachomatis: trachome, pneumopathies (intracellulaire)

Indiquons le cas particulier de la Tigécycline, actif sur tous les cocci Gram positif, sur les entérobactéries et les bactéries anaérobies. La Tigécycline n'est disponible qu'en intraveineuse[10].

Voir aussi modifier

Notes et références modifier

  1. a b et c (en) « Tetracycline | antibiotic group | Britannica », sur www.britannica.com, (consulté le )
  2. a b et c (en) Ian Chopra et Marilyn Roberts, « Tetracycline Antibiotics: Mode of Action, Applications, Molecular Biology, and Epidemiology of Bacterial Resistance », Microbiology and Molecular Biology Reviews, vol. 65, no 2,‎ , p. 232–260 (ISSN 1092-2172 et 1098-5557, PMID 11381101, PMCID PMC99026, DOI 10.1128/MMBR.65.2.232-260.2001, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Daniel N. Wilson, « Ribosome-targeting antibiotics and mechanisms of bacterial resistance », Nature Reviews Microbiology, vol. 12, no 1,‎ , p. 35–48 (ISSN 1740-1526 et 1740-1534, DOI 10.1038/nrmicro3155, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Aura Rusu et Emanuela Lorena Buta, « The Development of Third-Generation Tetracycline Antibiotics and New Perspectives », Pharmaceutics, vol. 13, no 12,‎ , p. 2085 (ISSN 1999-4923, PMID 34959366, PMCID PMC8707899, DOI 10.3390/pharmaceutics13122085, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Ditlev E. Brodersen, William M. Clemons, Andrew P. Carter et Robert J. Morgan-Warren, « The Structural Basis for the Action of the Antibiotics Tetracycline, Pactamycin, and Hygromycin B on the 30S Ribosomal Subunit », Cell, vol. 103, no 7,‎ , p. 1143–1154 (DOI 10.1016/S0092-8674(00)00216-6, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Barry Sloan et Noah Scheinfeld, « The use and safety of doxycycline hyclate and other second-generation tetracyclines », Expert Opinion on Drug Safety, vol. 7, no 5,‎ , p. 571–577 (ISSN 1474-0338 et 1744-764X, DOI 10.1517/14740338.7.5.571, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) T. Simonart, M. Dramaix et V. De Maertelaer, « Efficacy of tetracyclines in the treatment of acne vulgaris: a review », British Journal of Dermatology, vol. 0, no 0,‎ , p. 071106220718013–??? (ISSN 0007-0963 et 1365-2133, DOI 10.1111/j.1365-2133.2007.08286.x, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Nickie D. Greer, « Tigecycline (Tygacil): The First in the Glycylcycline Class of Antibiotics », Baylor University Medical Center Proceedings, vol. 19, no 2,‎ , p. 155–161 (ISSN 0899-8280 et 1525-3252, PMID 16609746, PMCID PMC1426172, DOI 10.1080/08998280.2006.11928154, lire en ligne, consulté le )
  9. Jacques Buxeraud et Sébastien Faure, « Les cyclines », Actualités Pharmaceutiques, vol. 61, no 614,‎ , p. 25–28 (DOI 10.1016/j.actpha.2021.12.037, lire en ligne, consulté le )
  10. HAS, « Avis Tigécycline », COMMISSION DE LA TRANSPARENCE,‎ (lire en ligne)