Correspondance de Robinson-Schensted-Knuth

En mathématiques, et notamment en combinatoire algébrique, la correspondance de Robinson–Schensted–Knuth, aussi appelée la correspondance RSK ou l'algorithme RSK, est une bijection entre matrices à coefficients entiers naturels et paires de tableaux de Young semi-standard de même forme, dont la taille est égale à la somme des entrées de la matrice . Cette correspondance généralise la correspondance de Robinson-Schensted, en ce sens que si est une matrice de permutation, alors la paire est la paire de tableaux standard associés à la permutation par la correspondance de Robinson-Schensted.

La correspondance de Robinson-Schensted-Knuth étend bon nombre des propriétés remarquables de la correspondance de Robinson-Schensted, et notamment la propriété de symétrie : la transposition de la matrice revient à l'échange des tableaux et .

La correspondance de Robinson-Schensted-Knuth modifier

Introduction modifier

La correspondance de Robinson-Schensted est une bijection entre permutations et paires de tableaux de Young standard de même forme. Cette bijection peut être construite au moyen d'un algorithme appelé l'insertion de Schensted. Cet algorithme commence avec un tableau   vide et insère successivement les valeurs   de la permutation  , avec   donnée sous forme fonctionnelle :

 .

Le tableau   obtenu est le premier de la paire correspondant à  ; le deuxième tableau standard, noté  , enregistre les formes successives parcourues durant la construction de  .

La construction de Schensted peut en fait prendre en compte des suites de nombres plus générales que celles obtenues par des permutations (notamment on peut autoriser des répétitions); dans ce cas, la construction produit un tableau   semi-standard plutôt qu'un tableau standard, mais   reste un tableau standard. La correspondance RSK rétablit la symétrie entre tableaux en produisant un tableau semi-standard pour   aussi.

Tables à deux lignes modifier

Une table à deux lignes (« two-line array » en anglais) ou bimot[1] ou permutation généralisée   correspondant à une matrice   est définie comme suit[2] est une matrice

 

qui vérifie les propriétés suivantes :

  • Les colonnes sont ordonnées en ordre lexicographique, ce qui signifie que
    1.  , et
    2. si   et  , alors  .
  • pour chaque paire d'indices   de la matrice  , il y a   colonnes égales à  .

En particulier, l'entier   est égal à la somme des coefficients de la matrice  .

Exemple modifier

La table à deux lignes correspondant à la matrice :

 

est :

 

Définition de la correspondance modifier

En appliquant l'algorithme d'insertion de Schensted à la deuxième ligne d'une table à deux lignes, on obtient une paire consistant en un tableau semi-standard   et un tableau standard noté  . Le tableau   peut lui aussi être transformé en un tableau semi-standard noté   en remplaçant chaque entrée   de   par la  -ième entrée de la première ligne de  .

On obtient ainsi[3] une bijection des matrices   sur des paires   de tableaux de Young semi-standard de même forme; les coefficients de   sont les éléments de la deuxième ligne de  , et les coefficients de   sont les éléments de la première ligne de  . De plus, le nombre de coefficients de   égaux à   est égal à la somme des coefficients de la colonne d'indice   de  , et le nombre de coefficients égaux à   dans   est égal à la somme des coefficients de la ligne d'indice   de  .

Exemple modifier

Pour l'exemple ci-dessus, si l'on applique l'insertion de Schensted à l'insertion de la suite 1,3,3,2,2,1,2 dans un tableau initialement vide, on obtient un tableau  , et un tableau   d'enregistrement des formes successives, qui sont égaux à :

 .

Après avoir remplacé les entrées 1,2,3,4,5,6,7 dans   par 1,1,1,2,2,3,3 respectivement, on obtient la paire de tableaux semi-standard suivante :

 

Définition directe de la correspondance RSK modifier

La définition ci-dessus utilise l'algorithme de Schensted qui produit un tableau d'enregistrement   standard; ce tableau est modifié ensuite pour tenir compte de la première ligne de la table à deux lignes et obtenir un tableau d'enregistrement semi-standard. Cette définition montre clairement la relation avec la correspondance de Robinson-Schensted. D'un autre côté, il est naturel de simplifier la partie de la construction concernant l'enregistrement de la forme en prenant en compte directement en compte la première ligne de la table à deux lignes. C'est sous cette forme que l'algorithme de construction de la correspondance RSK est habituellement décrit. Cela signifie simplement qu'après chaque étape d'insertion de Schensted, le tableau   est augmenté en ajoutant, comme valeur dans le nouveau carré, l'élément   de la première ligne de  , où   est la taille courante des tableaux. Le fait que ceci produit toujours un tableau semi-standard est une conséquence de la propriété (observée pour la première fois par Knuth[3]) que lors d'insertions d'une même valeur dans la première ligne de  , chaque carré ajouté dans la forme est dans une colonne strictement plus grande que la précédente.

Exemple détaillé modifier

Voici un exemple détaillé de cette construction des deux tableaux semi-standard. On part de la matrice :

 ,

et on obtient la table à deux lignes suivante :

 

La table suivant montre les étapes de la construction des deux tableaux pour cet exemple.

Paire insérée                
                 
                 

Propriétés combinatoires de la correspondance RSK modifier

Le cas des matrices de permutation modifier

Si A est une matrice de permutation, la correspondance RSK produit une paire de tableaux de Young standard de même forme, disons  . Réciproquement, si   sont de tableaux de Young standard de même forme  , alors la matrice   correspondante est une matrice de permutation. Comme conséquence de cette propriété nous obtenons, simplement en comparant la cardinalité des ensembles ainsi mis en bijection, la propriété suivante :

Identité de Frobenius — Pour  , on a

 

  est l'ensemble des partitions de  , et   est le nombre de tableaux de Young standard de forme  .

Symétrie modifier

Soit   une matrice à éléments entiers naturels. Supposons que l'algorithme RSK envoie   sur  . Alors l'algorithme RSK envoie la matrice transposée   sur  [2].

Dans le cas particulier des matrices de permutations, on retrouve la symétrie de la correspondance de Robinson-Schensted, à savoir[4] :

Théorème — Si la permutation   correspond au triplet  , alors la permutation inverse   correspond au triplet  .

Ceci conduit à la relation suivante entre le nombre d'involutions sur   et le nombre de tableaux que l'on peut former à partir de  [4] :

Propriété — Le nombre de tableaux standard sur   est égal au nombre d'involutions sur  

.

Le nombre d'involutions sur  , et donc le nombre de tableau de Young standard à   éléments, est donné par la relation de récurrence :

 

avec  . C'est la suite A00085 de l'OEIS. Elle admet l'expression :

 

Matrices symétriques modifier

Soit  =  une matrice symétrique. Soit   la paire de tableau de Young semi-standard obtenue par l'algorithme RSK pour  . Soit   le poids (ou le contenu, selon les auteurs) de  , défini par :   est le nombre de fois que l'entier   figure dans  . Alors[2] l'application

 

est une bijection entre matrices symétriques vérifiant   et tableaux de Young semi-standard de poids  . Ici,   est le vecteur dont la  -ème composante est la somme des éléments de la  -ème ligne de  .

Exemple modifier

Soit   la matrice symétrique :

 

Un calcul montre que

 

Le poids de   est  , et le vecteur des sommes de lignes de   est  .

Applications de la correspondance RSK modifier

Identité de Cauchy modifier

Soient   et   des variables. L'identité qui remonte à Cauchy[1] est :

 

où les   sont des polynômes de Schur. La définition la plus appropriée ici des polynômes de Schur est

 

où la sommation est sur tous les tableaux de Young semi-standard de forme   et où les exposants   donnent le poids de  , en d'autre termes,   compte le nombre d'occurrences de   dans  .

Nombres de Kostka modifier

Soient   et   deux partitions de l'entier  . Ici   et   sont vus comme  , c'est-à-dire comme vecteur d'entiers pas nécessairement décroissants, dont la somme est  . Alors

 

  et   dénotent les nombres de Kostka et   est le nombre de matrices   à coefficients entiers naturels, avec   et  . Ici,   est le vecteur dont la  -ème coordonnée est la somme des éléments de la  -ème colonne de  .

Notes et références modifier

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Robinson–Schensted–Knuth correspondence » (voir la liste des auteurs).

Notes modifier

  1. a et b (Lascoux, Leclerc et Thibon 2002)
  2. a b et c (Stanley, 1999, p. 316-380)
  3. a et b (Knuth 1970)
  4. a et b (Knuth 2005), section 5.1.4, pages 47-72

Bibliographie modifier

Voir aussi modifier

Lien externe modifier

(en) Bruce E. Sagan, « Schur functions in algebraic combinatorics », dans Michiel Hazewinkel, Encyclopædia of Mathematics, Springer, (ISBN 978-1556080104, lire en ligne)