Christian Jambert

gendarme français
Christian Jambert
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 56 ans)
Auxerre (Yonne, France)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Christian Paul René JambertVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
GendarmeVoir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Arme
Grade militaire
Adjudant-chef (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Christian Jambert, né le à Fourchambault (Nièvre) et découvert mort le à Auxerre (Yonne), est un gendarme français.

Il tient un rôle déterminant dans l'enquête de l'affaire des disparues de l'Yonne. Il est également connu pour les circonstances troublantes dans lesquelles il est retrouvé mort dans son garage.

Biographie modifier

Enfant de la DDASS, il devient gendarme en 1960, et est affecté à Auxerre en 1969[1], puis devient enquêteur à la brigade de recherche de Gendarmerie d'Auxerre de 1976 à 1987[2].

Il est ensuite muté à Nevers à la BDRJ avec le grade d'adjudant-chef jusqu'à sa retraite en 1995[3].

Enquête sur les disparues de l'Yonne modifier

Sept viols et assassinats ont été commis à Auxerre et aux environs entre 1977 et 1979 sur des jeunes femmes de la DDASS déficientes mentales légères âgées de 16 à 27 ans[4].

Dès 1979, le gendarme Christian Jambert, qui a enquêté sur l’affaire des disparues de l'Yonne, avait soupçonné Émile Louis d'être à l'origine de ces disparitions. Le , il est chargé du dossier[5].

Inculpé pour le meurtre de Sylviane Lesage, Émile Louis bénéficie d’un non-lieu en 1984 malgré la relation qu’il entretenait avec la victime, chose démontrée par le gendarme Jambert. L’affaire des disparues de l’Yonne est également classée sans suite.

En 1984, Christian Jambert adresse au substitut du procureur de la République d'Auxerres, Daniel Stilinovic un rapport qui met en cause Émile Louis et des réseaux proxénètes sado-masochistes de l'Yonne qui exploitent les filles de la DDASS[6]. Le rapport est transmis au juge d'instruction Jacques Bourguignon qui refuse d’instruire et le procureur René Meyer n’insiste pas. Toutefois le gendarme Jambert continue son enquête et plusieurs versions s'opposent : le procureur de la République à Auxerre de l'époque, René Meyer, déclare avoir encouragé à l'oral le gendarme Jambert à continuer son enquête et son substitut confirmera cela en commission d'enquête : premier destinataire du rapport, il avait relevé la pertinence des éléments réunis par Jambert[7],[8],[9]. Le rapport sera toutefois égaré et ne sera retrouvé qu'en 1996[10]. Par la suite, Daniel Stilinovic fut radié des cadres pour faute grave dans ce dossier mais finalement blanchi et mis en retraite anticipée[11].

Le 2 septembre 1996, une interview de Christian Jambert est diffusée dans l'émission Perdu de vue, à la suite des démarches entreprises par Pierre Monnoir et Jeannette Beaufumé, membres fondateurs de l'Association de défense des handicapées de l'Yonne (ADHY).

Émile Louis a finalement été arrêté, condamné en appel en 2006 à Paris à la réclusion à perpétuité avec 18 ans de sûreté et emprisonné jusqu'à sa mort en 2013. La contribution de Christian Jambert à l'arrestation d’Émile Louis a été unanimement reconnue par tous les intervenants du dossier. Lors du procès d'Émile Louis, il a été décrit par des gendarmes comme un « enquêteur hors pair, un modèle professionnel et une personnalité remarquable »[12].

Plusieurs journalistes indiquent que Christian Jambert s'intéressait à l'affaire Dunand, le gendarme était persuadé que Claude Dunand et Émile Louis se connaissaient, car fréquentant notamment les mêmes lieux, ayant tous les deux travaillé à la gare routière d'Auxerre et ayant vécus dans le même village de Migennes[13]. Le documentaire de Thierry Fournet[14] sur l'affaire Dunand précise que Christian Jambert fut le premier enquêteur à intervenir au domicile des Dunand juste après l'évasion d'une des victimes, Huguette, mais ce fut le SRPJ de Versailles qui se chargea de l'arrestation puis de l'enquête.

Mort modifier

Le , le gendarme est retrouvé mort. Il se serait suicidé d'une balle dans la tête, deux jours pourtant avant son audition comme témoin principal dans l'affaire Émile Louis, affaire liée à celle des torturées d'Appoigny[15], l'enquête de sa vie qui allait enfin aboutir.

L'arme retrouvée à ses pieds est une carabine semi-automatique de marque Gevarm chambrée pour la munition .22 LR. Ce genre d'arme était très courant car facile à acquérir avant 1995 : il suffisait d'être majeur et de présenter une carte d'identité à l'armurier pour acquérir ce type d'arme.

À l'époque, aucune autopsie n'a été réalisée en raison de l'absence du médecin légiste remplacé par un médecin urgentiste qui avait fait les premières constatations et conclut au suicide suivi par le Parquet[16].

Le dossier est refermé, jusqu’à ce qu’Isabelle, la fille de Christian Jambert, intriguée par les développements de l’affaire Émile Louis, se décide à demander une nouvelle enquête sur la recherche des « causes de la mort » de son père[17].

En , le corps est exhumé et lors de l'autopsie de la dépouille de Christian Jambert réalisée à l’Institut médico-légal de Paris en avril, il a été constaté non pas un mais deux orifices présents sur le crâne du gendarme correspondant aux entrées de deux projectiles, tirés selon deux angles perpendiculaires. Selon l'autopsie, une première balle a pénétré dans la tempe et s'est logée au milieu du cerveau et un second projectile est entré par la bouche jusqu'à l'arrière du crâne. Le parquet ouvre alors une information judiciaire contre X pour assassinat sur la base du rapport d’autopsie jugeant les deux impacts de balles peu compatibles avec un suicide[18].

Une contre-expertise est alors ordonnée par les juges d'instruction chargés de l'enquête sur la mort du gendarme réalisée à l'Institut médico-légal de Lyon. Deux orifices sont également retrouvés mais les médecins légistes soulignent que les tirs n'ont pas forcément été mortels immédiatement. De plus, les médecins relèvent dans leur rapport que l'orifice de la tempe pourrait être une balle qui a ricoché à l'intérieur du crâne et serait rentrée au-dessus de la lèvre, accréditant ainsi la thèse de deux balles tirées en rafale par l'arme retrouvée à proximité du corps du gendarme. Cette deuxième autopsie réalisée sur un moulage du crâne n'exclut donc pas la piste du suicide[19].

En janvier 2006, un nouveau rapport d'experts de l'Institut médico-légal de Strasbourg conclut à un suicide possible à la suite d'une étude sur le moulage du crâne[20].

En décembre 2007, à la demande des parties civiles, une nouvelle exhumation et une quatrième autopsie a lieu à l'Institut médico-légal de Bordeaux réunissant tous les médecins légistes précédemment amenés à réaliser des autopsies ainsi qu'un expert en balistique. Le véritable crâne est présent et non un moulage[21]. Toutes les pistes sont étudiées et le collège d'experts ne rend pas de décision unanime, la piste du suicide autant que de l'assassinat semble possible[21]. L'un des experts, la professeur Dominique Lecomte, directrice de l'Institut médico-légal de Paris relève que plusieurs éléments du crâne ont disparu par rapport à la première autopsie, notamment la mâchoire inférieure, une partie de l'os orbital gauche transpercé, la selle turcique, un os de la boîte crânienne sur lequel les projectiles auraient ricoché ainsi que les dents de la partie supérieure[22],[20].

En , un non-lieu est rendu sur sa mort. « Contrairement à ce qu’avait affirmé l’expert balistique d’un premier collège d’experts, la carabine retrouvée à proximité du corps, et dont le fonctionnement avait été modifié par Christian Jambert pour que l’arme puisse tirer en rafale, était bien celle qui avait tiré deux balles dont les fragments avaient été retrouvés dans le crâne de l’ancien gendarme », explique le procureur d’Auxerre.

La famille du gendarme fait appel de cette décision, qui est confirmée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris en [23]. La famille de Christian Jambert, par l'intermédiaire de son avocat, se pourvoit en cassation[24].

Hommage modifier

En 2018, la ville d'Auxerre inaugure à son nom un square dans lequel se trouve déjà une stèle, érigée en 2005, à la mémoire des nombreuses jeunes femmes disparues de l'Yonne[25].

Documentaires télévisés modifier

  • « Suicide du gendarme Jambert, une balle de trop. » dans Jeudi investigation, Canal+, .
  • « Jambert : suicide ou assassinat ? » dans Affaires criminelles sur NT1, et .
  • « L'énigme de la mort du gendarme Jambert » dans Non élucidé, France 2, .
  • Le Mystérieux suicide du gendarme Jambert, réalisé par Thierry Fournet, 52 minutes, France 3 Bourgogne, 2021.
  • S2 E6 : La mort d'un gendarme [Production de télévision], Thierry Fournet et Vincent Hérissé (réalisateurs), dans La conspiration du silence (, 30:21 minutes) France 3 Bourgogne-Franche-Comté et AMDA Production. Consulté le .
  • S2 E7 : Un suicide à deux balles [Production de télévision], Thierry Fournet et Vincent Hérissé (réalisateurs), dans La conspiration du silence (, 38:54 minutes) France 3 Bourgogne-Franche-Comté et AMDA Production. Consulté le .

Notes et références modifier

  1. Jean Ker, « Disparues de l'Yonne: il n'y a pas que les victimes d'Émile Louis », Paris Match, no 2727,‎ 30 août 2001.
  2. Hubert Besson, Émile Louis et l'affaire des disparues de l'Yonne, Paris, l'Archipel,
  3. Éric Raynaud, Les réseaux cachés des pervers sexuels, Monaco, Éditions du Rocher, (ISBN 9-782268-052199)
  4. « Le tueur en série Emile Louis hospitalisé », sur www.lyonne.fr (consulté le )
  5. « Chronologie », sur L'Obs (consulté le )
  6. « Daniel Stilinovic, écarté du parquet après l'affaire Emile Louis, est réintégré », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Brigitte VITAL-DURAND, « Le gendarme Jambert, une cible bien pratique. », sur Libération (consulté le )
  8. Par Propos recueillis par Jean-Marc Ducos Le 8 mars 2001 à 00h00, « Pourquoi Emile Louis m'a échappé », sur leparisien.fr, (consulté le )
  9. « Retour sur le mystérieux suicide du gendarme Jambert, l’enquêteur de l'affaire des disparues de l’Yonne », sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté (consulté le )
  10. Par Jean-Marc Ducos Le 16 octobre 2018 à 19h04, « Disparues de l’Yonne : un square en mémoire du gendarme Jambert », sur leparisien.fr, (consulté le )
  11. « Le substitut du procureur d'Auxerre blanchi », sur L'Obs (consulté le )
  12. « Le gendarme Jambert, des "disparues de l'Yonne", s'est bien suicidé », sur Le Point, (consulté le )
  13. Elsa Vigoureux, « Le vrai roman noir des disparues de l'Yonne », Le Nouvel Observateur,‎ 25 avril 2002.
  14. Documentaire Auxerre et ses affaires, l'étrange asphyxie de la justice, réalisé par Thierry Fournet, Patrick Schmitt pour Lundi Investigation, Canal +, 2004.
  15. « Affaire des torturées d'Appoigny ».
  16. « L'autopsie a révélé la présence de deux balles dans la tête du gendarme Jambert », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. « Le gendarme Jambert a sans doute », sur leparisien.fr (consulté le ).
  18. « Disparues de l'Yonne : une autopsie contredit la thèse du suicide de l'adjudant-chef Jambert », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. Par Frédéric Vézard Le 28 avril 2004 à 00h00, « Gendarme Jambert : une nouvelle autopsie sème le trouble », sur leparisien.fr, (consulté le )
  20. a et b « Justice : une quatrième autopsie après la mort du gendarme Jambert », sur Europe 1 (consulté le )
  21. a et b « Le crâne ne donne pas de réponse », sur www.20minutes.fr (consulté le )
  22. « Mystérieuse disparition du crâne du gendarme Jambert »,
  23. « Non-lieu confirmé dans l’affaire Jambert », sur www.bienpublic.com (consulté le ).
  24. « La famille du gendarme Jambert se pourvoit en cassation », sur www.lyonne.fr (consulté le ).
  25. « Disparues de l'Yonne : la ville d’Auxerre inaugure un square en hommage au gendarme Jambert », sur france3-regions.francetvinfo.fr, (consulté le ).