Christ crucifié (Giovanni Pisano)

Le Christ crucifié est une statuette en bois produite par Giovanni Pisano entre le 3ème quart du XIIIe siècle et le 4ème quart du XIIIe siècle. Elle mesure 20.5cm de haut sur 6.3cm de large et est conservé au musée de Cluny à Paris.

Christ crucifié
Artiste
Giovanni Pisano
Date
3ème quart du XIIIe siècle - 4ème quart du XIIIe siècle
Type
Sculpture en bois
Dimensions (H × L)
20,5cm × 6,3cm cm
Localisation
Paris, Musée de Cluny

Cette œuvre s’inscrit dans le travail de renouvellement des formes antiques, de naturalisme des corps et de connaissance des tendances religieuses de son époque qu'effectue Pisano. Ainsi, première œuvre du sculpteur toscan acquise par les collections françaises, le Christ Crucifié témoigne du changement d’optique qui s’opère à la fin du XIIIe siècle sur la figure de ce dernier[1].

Description

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Reprenant l’iconographie du Christ souffrant, cette statuette en bois semble être un modèle préliminaire à celle que Pisano avait réalisée en ivoire (aujourd’hui disparue). Ainsi, l’œuvre présentée est fragmentaire. Elle offre aux regards un Christ nu, vraisemblablement sur la croix, sans bras, ni mollet. Néanmoins, le reste du corps est éloquent.  

En effet, le visage du seigneur est rond, baissé sur son épaule droite, le nez est droit, les yeux presque fermés et la bouche entrouverte. Il semble ainsi sur le point de mourir, fatigué et résigné. De plus, ses cheveux sont taillés en fines mèches, tirées de part et d’autre de la raie centrale, puis retombant sur l’arrière du corps et sur l’épaule droite. De même, les poils de sa barbe et de sa moustache sont figurés par des traits légers. Le reste du corps est amaigri, figurant les tendons de l’épaule, accompagné d’un creux profond en dessous des côtes. De surcroit, les cuisses sont couvertes d’un court drapé noué à la taille et aux plis multiples. Par ailleurs, on distingue un hanchement du corps en dessous. Enfin, la statue se termine par le bas des cuisses très aminci[1].

Stylistique

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Pisano offre une statuette empreinte de naturalisme. Comme l’a montré la description, chaque détail du corps est sculpté. Comme les mèches des cheveux ainsi que de la barbe dessinées minutieusement, de même pour les tendons reliant l’épaule et le torse, ou encore les côtes sculptées légèrement par de fins traits sur les bords. Comment ne pas y voir des liens avec la statuaire gothique française contemporaine ? Par exemple, La descente de croix en ivoire du musée du Louvre réalisée entre 1270 et 1280. On y retrouve la même taille méticuleuse des cheveux et de la barbe, ce naturalisme des corps ou encore ces visages abaissés sur l’épaule. De même, le hanchement simple du Christ de Pisano est à relier, par le spectateur, tant au modèle antique qu’à la statuaire contemporaine, comme c’est le cas de l’Adam du Musée de Cluny[2].

Contexte religieux

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Giovanni Pisano s'inscrit parfaitement dans les tendances religieuses de son époque. En effet, dans un contexte d’apparition des ordres mendiants (Franciscains, Dominicains), l’attention à la fonction empathique de l’œuvre est appuyée. A partir du XIIIe siècle, l’imitation du Christ devient un élément indispensable au rachat de l’âme du fidèle. Celui qui réussit parfaitement à l’imiter, c’est saint François d’Assise. Vivant dans la pauvreté, la douleur et la prière, il se rapproche tant du Christ qu’il finit par recevoir ses stigmates. Ainsi, de nombreux écrits insistent sur la souffrance du Christ et la nécessité pour le fidèle de s’en approcher. Par exemple, citons la lettre de saint Bonaventure « Approchez-vous donc en vous appuyant sur les pieds de vos affections, approchez-vous de Jésus couvert de blessures, de Jésus couronné d'épines, de Jésus attaché au gibet de la croix, et avec le bienheureux apôtre Thomas, non seulement regardez en ses mains les traces des clous, non-seulement portez votre main dans son côté, mais par la porte de ce même côté pénétrez entièrement jusqu'à son cœur »[3]. De ce fait, la dimension empathique de l’œuvre de Pisano est en accord avec les principes religieux de l’époque. En témoigne la maigreur du Christ, l’air meurtri de son visage caractérisé par la bouche entrouverte comme s’il respirait difficilement ou encore son corps tendu lui donnant une plus grande gravité. La compassion (du latin cum patio, littéralement souffrir avec) produite par l’œuvre est ainsi une de ses caractéristiques majeures[2].

Acquisition par le musée de Cluny

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Le 20 janvier 2023, Le Christ Crucifié du musée Cluny, reconnu d’intérêt patrimonial majeur et d’une valeur de 2 450 000 euros, fut achetée de gré à gré avec le soutiens de donateurs et de mécènes. Il permet ainsi au musée de donner « une place importante dans son nouveau parcours aux aires géographiques non françaises de l’Europe médiévale. »[4].

Notes et références

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  1. a et b « Christ crucifié de Giovanni Pisano », sur www.musee-moyenage.fr (consulté le )
  2. a et b AYRTON Michael, MOORE Henry, BESSI Ilario et al., Giovanni Pisano : sculpteur, Paris, Éditions Braun, 1974.
  3. Bonaventure, De perfectione vitae ad sorores, trad. Alberd Ménart, Paris, Ecole franciscaine de Paris, 2019.
  4. « Acquisition d’une sculpture exceptionnelle de Giovanni Pisano », sur www.musee-moyenage.fr (consulté le )

Bibliographie

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  • SEIDEL Max, Nicola and giovanni pisano father and son, Florence, Hirmer, 2012.
  • AYRTON Michael, MOORE Henry, BESSI Ilario et al., Giovanni Pisano : sculpteur, Paris, Éditions Braun, 1974.
  • KALINA Pavel, « Giovanni Pisano, the Dominicans, and the Origin of the “crucifixi dolorosi” », Artibus et historiae, IRSA, n°47, 2003, p. 81‑101.