Charles de Bovelles

philosophe français du début du XVIe siècle
Charles de Bovelles
Charles de Bovelles, représenté sur une verrière dédiée à sainte Catherine et réalisée par Mathieu Bléville, basilique de Saint-Quentin, 1521.
Fonction
Chanoine
Cathédrale Notre-Dame de Noyon
Basilique Saint-Quentin
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Œuvres principales
  • Le Livre du sage (1510)
  • Le Livre du néant (1510)

Charles de Bovelles, latinisé en Carolus Bovillus (né en 1479 à Sancourt, mort à Ham après 1566), est un philosophe et mathématicien français, professeur au Collège du Cardinal-Lemoine, puis chanoine de Noyon, qui composa notamment une Géométrie en françoys (1511), premier ouvrage scientifique imprimé en langue française.

La bibliothèque du chapitre de Noyon.

On lui doit également de nombreux traités philosophiques, mathématiques, théologiques et mystiques, mais aussi philologiques. Charles de Bovelles est aujourd'hui considéré comme « peut-être le plus remarquable penseur français du XVe et du début du XVIe siècle » (Albert Rivaud).

Sa vie modifier

Charles de Bovelles étudia la philosophie, la logique et l'arithmétique au collège du Cardinal-Lemoine avec Jacques Lefèvre d'Étaples qu'il avait rencontré lors de la peste de 1495. Il enseigna lui-même au collège du Cardinal-Lemoine où il eut notamment pour élève l’Alsacien Beatus Rhenanus. Il deviendra chanoine de la cathédrale de Noyon et électeur du chapitre de la collégiale de Saint-Quentin. Il était connu de ses contemporains pour avoir voyagé dans différents pays d'Europe.

En 1547, dans la préface de La Geometrie practique, Bovelles remercie Oronce Fine pour l'aide qu'il lui a apportée dans la confection des gravures de son livre.

Sa pensée modifier

Du Macrocosme au Microcosme modifier

De l'Ars Oppositorum à la Via Negativa modifier

Si la gnoséologie de Bovelles présente l'intelligence humaine comme un infini virtuel, il n'accorde aux créatures supra-lunaires qu'une infinité ayant participé[à définir] et refuse à toute créature l'infinité en acte même sous sa forme « contractée »[à définir], préservant l'écart entre créature et créateur que Nicolas de Cues semble parfois mettre à mal. Selon Bovelles, la connaissance consiste à extraire des espèces intelligibles[à définir] des espèces sensibles. Les espèces[à définir] s'impriment dans la mémoire et l'imagination par le biais de l'âme et passent ensuite à l'entendement. Si, dans la mémoire, l'unité du macrocosme se maintient dans le souvenir, cette unité harmonieuse du tout se brise dans l'entendement qui y découvre des termes contraires et des oppositions conceptuelles. Cependant, si on réfléchit bien, les oppositions entre unité et pluralité, vérité et erreur, acte et puissance se résument toutes, finalement, à l'opposition Dieu-néant. Le néant est négation de l'existence et Dieu, l'existence absolue est négation du néant. L'entendement découvre donc le caractère complémentaire de cette opposition et, à travers elle, celui de toutes les autres. C'est la complémentarité des opposés qui permet à l'« ars oppositorum » de surmonter la division des idées afin d'en reconnaître l'unité essentielle. À travers cette combinatoire conceptuelle qui fait usage de figures et tableaux d'inspiration lullienne, le but de Bovelles est, semble-t-il de fournir une justification métaphysique à la doctrine de la création ex nihilo en démontrant, si possible que Dieu n'a créé le monde que sur le fond d'un rien initial. Le néant étant l'opposé de l'être, c'est bien du néant et non de lui-même que Dieu a tiré le monde. Mais, si le monde révèle l'existence de Dieu, celle-ci nous échappe pour beaucoup. L'Univers nous apprend l'existence d'un créateur, mais ne nous dit pas ce qu'il est. D'où la justification de la théologie négative de Denys l'Aréopagite qui donne à l'idée de néant sa place légitime. Puisqu'il n'y a pas de néant sans être, l'existence de Dieu doit être admise, bien qu'elle soit évidente par elle-même. La théologie négative qui pose en Dieu un infini simple, inconcevable et inexprimable est donc plus certaine que la théologie positive et ses analogies incertaines et douteuses entre Dieu et les choses.

Ses œuvres modifier

 
Geometrie practique (1551)

Les livres de géométrie de Charles de Bovelles se caractérisent par une pensée profondément pythagoricienne : les objets aussi bien que les formes animales trouvent des correspondances dans les formes régulières de la géométrie (polygones et polyèdres réguliers, convexes ou étoilés). Certains chapitres, comme celui sur la conception des cloches, la physiognomonie ou l'explication de l'effet de certaines machines, offrent des témoignages passionnants sur la pensée technique du premier XVIe siècle.

Le septième chapitre de sa 'Geometrie practique' montre son intérêt pour la typographie et le tracé géométrique des lettres. Il présente deux gravures dans lesquelles la forme des lettres a été réduite au carré (tracé rectiligne) et au rond (sic). Ces propositions 'typographiques' sont étonnamment modernes, bien que les empattements soient toujours présents.

Rééditée de son vivant, l’œuvre de Bovelles tombe après sa mort dans un certain oubli, mais il est par exemple cité par Giordano Bruno, qui loue sa clarté d'esprit, et Pierre Charron, l'auteur de La Sagesse, l'a certainement lu.

Puis au XIXe siècle, Michel Chasles[1] distingue Charles de Bovelles pour son exposé sur les polygones étoilés, faisant suite aux idées développées sur cette question par Thomas Bradwardine deux siècles plus tôt.

L’œuvre philosophique de Bovelles est redécouverte en Allemagne par Martin Deutinger et par Joseph Dippel qui lui consacre une thèse, puis au XXe siècle, par Ernst Cassirer qui fait éditer par Raymond Klibanski le Livre du sage (Liber de sapiente) à la suite du De mente de Nicolas de Cues et en annexe à son livre Individu et cosmos dans la philosophie de la Renaissance (1927). De fait, Bovelles doit bien des idées au Cardinal de Cues, qu'il a mieux compris que son maître Lefèvre d'Étaples. Mais, soucieux de préserver la doctrine de la création ex nihilo, il adopte et transforme certaines idées du Cardinal afin d'échapper au soupçon d'hérésie qui pèse parfois sur les disciples de ce dernier. À cela s'ajoute l'influence de la dynamique trinitaire et de la combinatoire de Raymond Lulle et celle des philosophes florentins (Marsile Ficin et Pic de la Mirandole).

  • In artem oppositorum introductio, 1503.
  • De constitutione et utilitate artium humanorum, 1503.
  • Geometrica introductionis libri sex, 1503.
  • Methysicum introductorium, 1504.
  • Quæ in hoc volumine continētur… mathematicum opus quadripartitum : de Numeris Perfectis, de Mathematicis Rosis, de Geometricis Corporibus, de Geometricis Complementis, ex officina Henrici Stephani, Paris, 1510. Edition de 1511, lire en ligne.
  • Mathematicus opus quadripartitum, 1510.
  • Liber de duodecim numeris, 1510.
  • De Sapiente, 1510 ; Le Livre du Sage, trad. Pierre Magnard, Paris, Vrin, 1982.
  • De nihilo, 1510 ; Le Livre du Néant, trad. P. Magnard, Paris, Vrin, 1983.
  • Ars oppositorum, 1510 ; L'art des opposés, trad. P. Magnard, Paris, Vrin, 1984.
  • De Intellectu, 1510.
  • De Sensu, 1510.
  • De generatione, 1510.
  • Géométrie en françoys, impr. Henri Estienne, Paris, 1511, transcription, présentation et annotation par Jean-Marie Nicolle, Rouen, IREM de Rouen, 1998. (ISBN 2-86239-080-1)
  • Dominica oratio, 1511.
  • Physicorum elementorum libri decem, 1512.
  • Commentarum in primordiale Joannis, 1512.
  • Quaestionum theologicarum libri septem, 1512.
  • De trinitate, 1512.
  • De divinis praedicamentis, 1512.
  • L'art et science de Geométrie, 1514.
  • Aetum mundi septem supputatio, 1520.
  • Liber cordis, 1523.
  • Divinae caliginis liber, 1526.
  • De septem vitiis, 1531.
  • De raptu divi pauli, 1531.
  • De prophetica visionne, 1531.
  • De laude Jerusalem, 1531.
  • Proverbium vulgarium libri très, 1531.
  • De remedis vitiorum humanorum et œrum consistentia, 1532.
  • De differentia vulgarium linguarum et Gallici sermonis varietate, 1533.
  • De hallucinatione Gallicanorum nominum, 1533.
  • Livre singulier & utile touchant l’art et practique de Géométrie, composé nouvellement en Françoys, par maistre Charles de Bouelles , 1542.
  • La Geometrie practique, composee par le noble Philosophe maistre Charles de Bovelles, impr. Guil. de Marnef, Paris, 1547 (rééd. 1566).
  • De resurrectione, 1551.
  • De animae immortalitate, 1552.
  • De mundi excidio, 1552.
  • Proverbes et dicts sententieux, 1557

Traductions françaises modifier

  • L'homme délivré de son ombre, traduction du Livre du sage de Charles de Bovelles, Vrin, 1982, par Pierre Magnard ; traduction entièrement révisée par son auteur, pour la seconde édition en 2010
  • L'étoile matutine, traduction du Livre du néant de Charles de Bovelles, Vrin, 1983, par Pierre Magnard
  • Soleil noir, traduction du Livre des opposés de Charles de Bovelles, Vrin, 1984, par Pierre Magnard
  • La Différence des langues vulgaires et la variété de la langue française, présentation et traduction commentées par Colette Dumont-Demaizière, Amiens : Musée de Picardie, 1972

Références modifier

  • Ernst Cassirer, Individu et cosmos dans la philosophie de la Renaissance, Paris, éd. de Minuit, , 489 p. (ISBN 2-7073-0648-7)
  • Bernard Groethuysen, « Carolus Bovillus », Mesures, 6e no I,‎ , p. 61-73.
  • G. Maupin, Opinions et curiosités touchant la Mathématique d'après les ouvrages français des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles (1898), Bibl. de la Revue générale des Ssciences, éd. Carré et Naud, Paris
  • Joseph M. Victor, Charles de Bovelles, 1479-1553: An Intellectual Biography (coll. « Travaux d'Humanisme et de Renaissance », 161) Genève, Droz, 1978.
  • S. Musial - Dates de naissance et de mort de Charles de Bovelles » dans « Charles de Bovelles en son cinquième centenaire 1479-1979 - Éditions Trédaniel 1982.
  • Tamara Albertini, Charles de Bovelles: Natura e Ragione come spazio interno/esterno della conoscenza, in L'uomo e la Natura nel Rinascimento, Firenze 1998.
  • Emmanuel Faye, Philosophie et perfection de l'homme. De la Renaissance à Descartes Paris, Librairie J. Vrin, « Philologie et Mercure » 1998 (ISBN 2-7116-1331-3).
  • Cesare Catà, Forking Paths in Sisteenth Century Philosophy. Charles de Bovelles and Giordano Bruno, in “Viator. Medieval and Renaissance Studies”, UCLA University, Volume 40, No. 2 (2009)
  • Cesare Catà, L'abisso come origine. Portata e significati del concetto di "nulla" nel De Nihilo di Charles de Bovelles, en cours de publication
  • Jean-Claude Margolin, Lettres et poèmes de Charles de Bovelles. Édition critique, introduction et commentaire du ms. 1134 de la Bibliothèque de l'Université de Paris. Éditions Honoré Champion, 2002. (ISBN 2-7453-0658-8)
  • Colette Demaizière, La grammaire française au XVIe siècle : les grammairiens picards, Paris, Honoré Champion, 2008, 608 p.

Notes et références modifier

  1. Dans Aperçu historique… des méthodes en géométrie (impr. Hayez, Bruxelles, 1831).

Articles connexes modifier