Capsien

Définition
Lieu éponyme Gafsa (Tunisie)
Auteur Jacques de Morgan et Louis Capitan, 1909
Caractéristiques
Répartition géographique Maghreb
Période Mésolithique
Chronologie environ 7500 à
Type humain associé Proto-méditerranéen
Tendance climatique tempéré

Subdivisions

typique / supérieur

Le Capsien est une culture archéologique du Maghreb, qui apparait durant l'Holocène dans la région allant de Gafsa à Tébessa, et qui s'étend ensuite jusqu'à l'Ouest de l'Algérie, du milieu du VIIIe millénaire av. J.-C. à la fin du Ve millénaire av. J.-C.[1]

Localisation du berceau du Capsien (en bleu turquoise)

Historique modifier

Le Capsien a été nommé et défini en 1909 par Jacques de Morgan et Louis Capitan, d'après le gisement préhistorique d'El Mekta, situé en Tunisie, près de Gafsa. La dénomination est tirée de Capsa, le nom antique de cette ville[1].

Extension géographique modifier

La culture capsienne était principalement localisée en Tunisie. Toutefois des cultures aux influences capsiennes ont aussi été découvertes au Maroc, dans le Haut Atlas (Télouet) et dans le Moyen Atlas (Sidi Ali)[2]. Le Capsien est une culture continentale des Hautes-Plaines[1].

Les stations capsiennes sous abri représentent une exception. Les sites capsiens sont, dans la plupart des cas, des campements en plein air. Autour de points d'eau, au sommet de caps dominant les plaines, sur les cols de montagne, la teinte grise des cendres nues révèle leur présence[3].

Chronologie modifier

Le Capsien s'étend d'environ 7500 à Il est traditionnellement divisé en deux horizons, le Capsien typique et le Capsien supérieur, qui sont parfois trouvés en séquence chronostratigraphique. Ils représentent des variantes d'une tradition, les différences entre eux étant à la fois typologiques, technologiques et économiques[4],[5],[6].

Les fouilles du gisement préhistorique d'El Mekta, en Tunisie, conduites en 2012, ont permis de proposer une séquence d'occupations distinctes du site, autour de pour le Capsien typique, et à partir de pour le Capsien supérieur[7].

Mode de subsistance modifier

Le régime des hommes du Capsien incluait une grande variété d'espèces, allant des ruminants comme le mouflon ou la gazelle dorcas, aux carnivores comme le lion, le chacal ou la hyène tachetée, en passant par diverses espèces de rongeurs, d'oiseaux et de reptiles.

Les os d'antilope bubale (Alcelaphus buselaphus) sont trouvés de manière constante et importante dans les gisements capsiens. D'après les analyses de E. Higgs, il est possible que les hommes du Capsien aient domestiqué cette espèce, au vu du choix constant et délibéré pour les jeunes bêtes[8].

Les anciennes fouilles n'ont pas permis de mettre au jour de vestiges pouvant nous renseigner sur les plantes consommées[9],[10], mais des données plus récentes révèlent l'importance des plantes dans l'alimentation et dans la fabrication d'outils domestiques[7],[11]. David Lubell estime que la chasse n’assurait qu’une partie de leurs besoins alimentaires, qui étaient complétés par les ressources végétales[8].

 
Sépulture d'un homme du Capsien.

Caractéristiques modifier

La majorité des sépultures capsiennes sont composées d'individus inhumés individuellement.

M. -C. Chamla et Denise Ferembach nous disent : « La mutilation dentaire était une pratique courante. L’avulsion mixte des incisives au maxillaire et à la mandibule était généralement pratiquée, plus souvent chez les femmes que chez les hommes (pourcentage d’avulsions chez 15 hommes, 46,6 %, chez 18 femmes 77,7 %)[12]. »

On a trouvé sur les sites capsiens des restes d'ocre, coloriant les outils et les corps. Des coquilles d'œufs d'autruche ont été utilisées pour fabriquer des perles et des récipients. Des coquillages étaient exploités pour confectionner des colliers, mais aussi comme poids de filets pour la pêche près des sites côtiers, comme à SHM-1 (Hergla)[6].

Type humain associé modifier

Anthropologie physique modifier

Sur la base de la morphologie crânienne, les populations capsiennes sont de type proto-méditerranéen, donc différent de celui de l'Homme de Mechta-Afalou associé à la culture ibéromaurusienne (Paléolithique supérieur du Maghreb)[13]. Ce dernier semble morphologiquement plus proche des populations cromagnoïdes européennes du Paléolithique supérieur, alors que les hommes de culture capsienne montreraient des similitudes avec les hommes du Natoufien terminal de Palestine[12].

L'analyse des traits dentaires des fossiles humains du Capsien a montré qu'ils étaient étroitement liés aux populations nord-africaines actuelles habitant le Maghreb, la vallée du Nil, et les îles Canaries.

Les fossiles capsiens paraissent en revanche complètement différents des populations subsahariennes actuelles parlant des langues nigéro-congolaises, nilo-sahariennes ou khoisan, ainsi que des habitants de la période mésolithique du Djebel Sahaba, en Nubie[14].

Langue modifier

Compte tenu de l'horizon temporel et de l'extension géographique du Capsien, certains linguistes ont provisoirement associé cette culture aux premiers locuteurs de langues afro-asiatiques présents en Afrique du Nord[15].

Génétique modifier

Les différentes études génétiques sur les populations nord-africaines, menées depuis 2005, ont produit des résultats partiellement divergents mais qui affinent les anciennes hypothèses.

Ainsi au Paléolithique supérieur, selon une étude de , les Natoufiens, au Levant, et les Ibéromaurusiens, qui précédaient les Capsiens au Maghreb, auraient hérité d'un ADN commun provenant d'une population ayant vécu en Afrique du Nord ou au Proche-Orient il y a plus de 24 000 ans[16].

Et une autre étude de conclut que, plus tard au Néolithique, des fermiers venus de la péninsule ibérique, de l'aire culturelle cardiale, seraient venus en Afrique du Nord, contribuant au trois quarts de l'ascendance locale. Mais, cependant, entre 20 et 50 %du patrimoine génétique des Maghrébins modernes serait encore issu des Ibéromaurusiens[17].

Notes et références modifier

  1. a b et c Danilo Grébénart, « Capsien », Encyclopédie berbère, no 12,‎ , p. 1760–1770 (ISSN 1015-7344, lire en ligne)
  2. Gabriel Camps, « épipaléolithique »,
  3. Ernest-Gustave Gobert, « Recherches sur le Capsien (lre série) », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 7, no 11,‎ , p. 595–604 (DOI 10.3406/bspf.1910.12067, lire en ligne, consulté le )
  4. Mohamed Sahnouni, Le paléolithique en Afrique : l'histoire la plus longue, Artcom', , 259 p. (ISBN 978-2-87772-297-1, lire en ligne), p. 205-226
  5. (en) Noura Rahmani, « Technological and Cultural Change Among the Last Hunter-Gatherers of the Maghreb : The Capsian (10,000–6,000 B.P.) », Journal of World Prehistory, vol. 18, no 1,‎ , p. 57–105 (ISSN 0892-7537 et 1573-7802, DOI 10.1023/B:JOWO.0000038658.50738.eb, lire en ligne)
  6. a et b Simone Mulazzani, Le Capsien De Hergla (Tunisie) : Culture, Environnement Et Economie, Francfort-sur-le-Main, Africa Magna Verlag, , 439 p. (ISBN 978-3-937248-36-3, lire en ligne)
  7. a et b (en) Jacob Morales, Simone Mulazzani, Lotfi Belhouchet, Antoine Zazzo, Laura Berrio, Wassel Eddargach, Angela Cervi, Hamza Hamdi, Mohamed Saïdi, Alfredo Coppa et Leonor Peña-Chocarro, « First preliminary evidence for basketry and nut consumption in the Capsian culture (ca. 10,000–7500 BP) : Archaeobotanical data from new excavations at El Mekta, Tunisia », Journal of Anthropological Archaeology (en), vol. 37,‎ , p. 128-139 (ISSN 0278-4165, DOI 10.1016/j.jaa.2014.12.005).
  8. a et b E.B., G. Camps, J.-P. Morel, G. Hanoteau, A. Letourneux, A. Nouschi, R. Fery, F. Demoulin, M.-C. Chamla, A. Louis, A. Ben Tanfous, S. Ben Baaziz, L. Soussi, D. Champault et M. Gast, « Alimentation », .
  9. (en) David Lubell, Peter Sheppard et Mary Jackes, Continuity in the Epipalaeolithic of northern Africa with an emphasis on the Maghreb, (lire en ligne), p. 143-191.
  10. (en) David Lubell, Prehistoric edible land snails in the circum-Mediterranean: the archaeological evidence, in J-J. Brugal & J. Desse (dir.), Petits Animaux et Sociétés Humaines. Du Complément Alimentaire Aux Ressources Utilitaires, XXIVe rencontres internationales d’archéologie et d’histoire d’Antibes, p. 77-98, Antibes, Éditions APDCA, 2004.
  11. (en) Simone Mulazzani, Lotfi Belhouchet, Laure Salanova, Nabiha Aouadi, Yosra Dridi, Wassel Eddargach, Jacob Morales, Olivier Tombret, Antoine Zazzo, Jamel Zoughlam, « The emergence of the Neolithic in North Africa : A new model for the Eastern Maghreb », Quaternary International,‎ , p. 123-143.
  12. a et b M.-C. Chamla et Denise Ferembach, « Anthropologie (Partie I) », Encyclopédie berbère, no 5,‎ , p. 713–775 (ISSN 1015-7344, DOI 10.4000/encyclopedieberbere.2523, lire en ligne)
  13. Bernard Lugan, Histoire de l'Afrique du Nord : Des origines à nos jours, Editions du Rocher, , 736 p. (ISBN 978-2-268-08535-7, lire en ligne)
  14. Joel D. Irish, « Dental morphological affinities of Late Pleistocene through recent sub-Saharan and north African peoples », Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, vol. 10, no 3,‎ , p. 237-272 (lire en ligne, consulté le )
  15. (en) Language, vol. 61, Linguistic Society of America, (lire en ligne), chap. 3-4, p. 695
  16. (en) Marieke van de Loosdrecht et al., Pleistocene North African genomes link Near Eastern and sub-Saharan African human populations, Science, 4 mai 2018
  17. (en) Rosa Fregel et al., Ancient genomes from North Africa evidence prehistoric migrations to the Maghreb from both the Levant and Europe, PNAS, juin 2018, doi: https://doi.org/10.1073/pnas.1800851115

Bibliographie modifier

  • [Camps 1997] Gabriel Camps, « Escargotières », dans Encyclopédie berbère, Aix-en-Provence, Edisud, (lire en ligne), p. 2683-2691.
  • [Gobert 1910] Ernest-Gustave Gobert, « Recherches sur le Capsien (lre série) », Bulletin de la Société préhistorique de France, vol. 7, no 11,‎ , p. 595-604 (lire en ligne [sur persee]).
  • [Grébénart 1993] Danilo Grébénart, « Capsien », dans Encyclopédie berbère, , sur encyclopedieberbere.revues.org (lire en ligne), chap. 12, p. 1760-1770.
  • [Lacorre & Lacorre 1953] M.T. Lacorre et F. Lacorre, « Les hommes éponymes d'Aïn Métherchem et Combe-Capelle », Bulletin de la Société préhistorique de France, vol. 50, no 4,‎ , p. 258-275 (lire en ligne [PDF] sur persee).
  • [Morgan, Capitan & Baudry 1910] Jacques de Morgan, Louis Capitan et P. Baudry, « Étude sur les stations préhistoriques du Sud Tunisien », Revue mensuelle de l'École d'anthropologie de Paris, vol. 10,‎ , p. 105-136 (lire en ligne [sur gallica]).
  • [Mulazzani 2013] Simone Mulazzani (dir.), Le Capsien de Hergla (Tunisie). Culture, Environnement et économie, Frankfurt-am-Main, éd. Africa Magna, coll. « Reports in African Archaeology » (no 4), , 439 p., sur books.google.fr (ISBN 978-3-937248-36-3, présentation en ligne, lire en ligne).
  • [Belhouchet, Mulazzani & Pelegrin 2013] (en) Lotfi Belhouchet, Simone Mulazzani et Jacques Pelegrin (archéologue), « Evolution of a 9th-8th mill. cal BP Upper Capsien site : the techno-typological study of the bladelet production at SHM-1 (Hergla, Tunisia) », Quaternary International,‎ (DOI 10.1016/j.quaint.2013.05.006).
  • [Rahmani 2004] Noura Rahmani, « Nouvelle interprétation de la chronologie capsienne (Épipaléolithique du Maghreb) », Bulletin de la Société préhistorique de France, vol. 101, no 2,‎ , p. 345-360 (lire en ligne [sur persee]).
  • [Reygasse & Latapie 1912] Maurice Reygasse et M. Latapie, « Note sur les escargotières de la région de Tebessa », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 9, no 3,‎ , p. 166-167 (lire en ligne [sur persee], consulté en ).

Articles connexes modifier