Camp d'internement du fort de Queuleu

Les camps d’internements nazis du fort de Queuleu sont une série de camps liés à la répression nazi, ouvert dans le département de la Moselle, durant la Seconde Guerre mondiale, dans un fort situé dans le quartier de Queuleu à Metz. Metz est alors une ville allemande du Gau Westmark, le département de la Moselle ayant été annexé en août 1940.

Camp d’internement
du fort de Queuleu
Fort de Metz Queuleu.jpg
Fort de Queuleu
Présentation
Nom local Stalag, Frontstalag, Gefängnis, Kommando, KZ-Außenkommando, Sonderlager
Type camp d'internement
Gestion
Date de création
Date de fermeture
Victimes
Type de détenus prisonniers de guerre, prisonniers politiques, réfractaires à l'armée allemande, otages
Nombre de détenus Environ 2 000
Géographie
Pays Drapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand
Région Gau Westmark
Localité Metz (Moselle)

Un camp de prisonniers de guerre (Stalag) (1940-1941) modifier

Réinvesti par les troupes allemandes en juin 1940, le fort de Queuleu sert de camp de détention pour prisonniers de guerre. Le Fronstalag 212, en activité du 20 juillet 1940 au 2 décembre 1940 au fort de Queuleu, voit l’internement de prisonniers de guerre belges et français provenant notamment du secteur fortifié de Crusnes (Meurthe-et-Moselle) de la Ligne Maginot. Le 3 décembre 1940, le camp prend la dénomination de Fronstalag XII E. Début 1941, les prisonniers français sont déplacés dans des camps plus orientaux en Allemagne. Ils sont remplacés par des prisonniers yougoslaves affectés à des travaux agricoles puis transférés dans des fermes de la région. Le camp prend alors la dénomination de Kommando 90 du Stalag XII F dont le camp principal se trouve à Forbach.

Une prison provisoire de la Gestapo de Metz (1941) modifier

Au moins entre le 1er octobre et le 14 décembre 1941, une caserne du fort de Queuleu est utilisée en prison provisoire par la Gestapo en raison du surpeuplement de la prison judiciaire de la rue Maurice Barrès de Metz et de l’aménagement d’une nouvelle prison dans les locaux du Grand Séminaire de Metz. Le 1er décembre 1941, on dénombre 33 hommes au fort de Queuleu. Début janvier 1942, ces détenus ont tous intégré la prison du Grand Séminaire de Metz.

Un Kommando de travail de la prison du Grand Séminaire de Metz (1942-1943) modifier

Au moins entre novembre 1942 et octobre 1943, un Kommando de travail de la prison du Grand Séminaire de Metz est affecté aux travaux de construction d’entrepôts pour le magasin d’habillage ou de déblaiement.

Une annexe de camp de concentration (KZ-Außenkommando) (1943-1944) modifier

Entre août 1943 et septembre 1944, le camp de concentration de Natzweiler-Struthof (Bas-Rhin) y installe une de ses annexes (KZ-Außenkommando) au fort de Queuleu. Elle est principalement destinée au service des SS. Une centaine de prisonniers, principalement des Allemands de droit commun et des Polonais y sont rattachés après leur passage dans le camp principal en Alsace. Certains participent à des travaux sur l’aérodrome de Metz-Frescaty ou sont affectés à l’école de transmissions de la SS. Il s’agit d’une des annexes de camp de concentration située le plus à l’ouest du Reich.

Un camp spécial de la Gestapo (Sonderlager) (1943-1944) modifier

Entre le 12 octobre 1943 et le 17 août 1944, un camp spécial (Sonderlager) géré par la Gestapo est installé dans la Casemate A/Caserne II du fort[1]. Il ne s'agit pas d'un camp de concentration mais un camp d’interrogatoire. Les premiers détenus sont des résistants de la vallée de l’Orne. Entre 1500 et 1800 prisonniers (femmes et hommes), principalement des Mosellans, mais aussi des Italiens, Polonais et Luxembourgeois arrêtés en Moselle, y sont interrogés et internés avant d’être envoyés dans des camps de concentration (Natzweiler-Struthof, Dachau…), de redressement (Schirmeck) ou des prisons.

Le camp spécial, surnommé « l’Enfer de Queuleu », voit l’internement de résistants, notamment les membres du groupe communiste Mario, dirigé par Jean Burger[2], saboteurs, distributeurs de tracts, fournisseurs de faux papiers, diffuseurs d'idées anti-nazi, passeurs (accusés de faire passer la frontière à des déserteurs de l'armée allemandes, des prisonniers de guerre évadés ou des personnes recherchées), réfractaires à l'incorporation dans l'armée allemande, otages (souvent des personnes prises en représailles parce qu’un membre de leur famille s’était soustrait à l’incorporation de force comme ce fut le cas pour des otages de Longeville-lès-Saint-Avold) et prisonniers de guerre soviétiques. La plupart d’entre eux sont enfermés dans des cellules collectives surpeuplées, sans possibilité de se laver, sans parler ni bouger sous la féroce surveillance des gardiens SS et du commandant SS Hauptscharführer Georg Hempen[note 1]. Les chefs de la résistance sont isolés dans des cellules individuelles (cachots sombres et humides) auxquelles seul le commandant peut accéder. Les officiers de police « industrialisent » l’interrogatoire et utilisent la torture. Les conditions d’internement sont terribles et la plupart des prisonniers sont parqués les yeux bandés avec les pieds et mains liés.

Trente-six personnes, victimes de maladies, d'interrogatoires ou de sévices, succombent dans le fort et quatre personnes réussissent à s'évader le [3]. Il s'agit de la seule évasion avérée du camp. Après avoir fonctionné dix mois, le fort est évacué le et la plupart des détenus envoyés vers les camps de Natzweiler-Struthof pour les hommes et Schirmeck pour les femmes.

Pour visiter les camps modifier

L'extérieur du fort peut être visité toute l'année.

L'intérieur du fort où se trouvait le Stalag et le Sonderlager fait l'objet de visites guidées le dimanche après-midi ou sur rendez-vous pour des groupes ou des scolaires.

Bibliographie modifier

  • Charles Hoeffel, Helden und Märtyrer der lothringischen Widerstandsbewegung in S.S. Sonderlager Fort Queuleu, Metz, Imprimerie I.C.A.L., Strasbourg-Meinau, Metz, 1946.
  • Dr Léon Burger, Tragédies mosellanes : Le fort de queuleu à Metz, Metz, s.n., , 136 p. (OCLC 461455395).
  • Dr Léon Burger, En Moselle : résistance et tragédies pendant la deuxième guerre mondiale, Metz, L. Hellenbrand, , 178 p. (LCCN 77479290, présentation en ligne).
  • Patrick Schaeffer: Internements et déportations en Moselle (1940-1945) (Compte-rendu sur thèse de Marcel Neigert) in Les Cahiers Lorrains, Société d'histoire et d'archéologie de la Lorraine, no 4, 1977 (p. 121).
  • Marcel Neigert, Internements et déportation en Moselle 1940-1945, Centre de Recherches Relations Internationales de l’Université de Metz, Metz, 1978 (Publications du Centre de recherches Relations internationales de l'Université de Metz, 10).
  • J. M. Moine, Firmin Nicolas, Un camp de concentration en Moselle : le fort de Metz-Queuleu, 1943-1944, C.D.D.P., Metz, 1983.
  • Dr Léon Burger, Le Groupe Mario : une page de la Résistance lorraine, S.l. Metz, Amicale des anciens déportés du Fort de Queuleu et leurs familles Impr. L. Hellenbrand, , 2e éd., 207 p. (ISBN 978-2-9501073-0-5, OCLC 38808572).
  • René Steegmann, Struthof. Le KL-Natzweilleer et ses kommandos : une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin 1941-1945, La Nuée Bleue, Strasbourg, 2005.
  • Philippe Wilmouth, Les camps de prisonniers de guerre en Moselle, 1940-1948, Saint-Cyr-sur-Loire, A. Sutton, coll. « Evocations », , 256 p. (ISBN 978-2-84910-979-3, OCLC 466660825).
  • Uwe Bader, Sonderlager „Feste Goeben“ in Metz, dans : Wolfgang Benz, Barbara Distel, Der Ort des Terrors, CH. Beck, München, 2009, p. 534–547 (Arbeitserziehungslager, Ghettos, Jugendschutzlager, Polizeihaftlager, Sonderlager, Zigeunerlager, Zwangsarbeiterlager, 9).
  • Uwe Bader, Zukunft ungewiss – Die Gedenkstätte „Sonderlager Feste Goeben“ in Metz, Dachauer Hefte, no 25, 2009 (p. 245–254).
  • Philippe Wilmouth et Cédric Neveu, Les camps d'internement du Fort de Metz-Queuleu, 1943-1946, Saint-Cyr-sur-Loire, A. Sutton, coll. « Evocations », , 160 p. (ISBN 978-2-8138-0178-4, OCLC 726820194).
  • Cédric Neveu, La Gestapo en Moselle : une police au cœur de la répression nazie, Metz, Éditions Serpenoise, (réimpr. 2015), 303 p. (ISBN 978-2-87692-921-0, OCLC 820670188).
  • Michaël Landolt, « Les lieux d'internement nazis en Moselle », Archeologia, no 509,‎ , p. 48-53 (lire en ligne, consulté le ).
  • Uwe Bader, Justizgeschichte in Gedenkstätten – die Beispiele der Gedenkstätten in Hinzert und Metz, dans : Albrecht Pohle, Martin Stupperich, Wilfried Wiedemann (dir.), NS-Justiz und Nachkriegsjustiz. Beiträge für Schule und Bildungsarbeit, Wochenschau Verlag, Schwalbach am Taunus, 2014 (p. 201–216).
  • Cédric Neveu, La Résistance en Moselle annexée, Strasbourg, Éditions du Quotidien, , 365 p. (ISBN 978-2-37164-054-2, OCLC 930939328).
  • Cédric Neveu, La Gestapo en Moselle : une police au cœur de la répression nazie, Metz, Éditions du quotidien, , 303 p. (ISBN 978-2-37164-052-8, OCLC 951780374).

Voir aussi modifier

Notes et références modifier

Sites internet modifier

http://www.fort-queuleu.com/fr/

http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/fort-de-queuleu

Notes modifier

  1. L’adjudant-chef Hempen fut condamné à mort par contumace le 10 avril 1951. Retrouvé à Oldenbourg en 1960 où il est officier de police, le « bourreau de Queuleu » sera acquitté de ces crimes par la justice allemande en 1969 et y meurt le 16 juin 1974

Références modifier

  1. Les chemins de la mémoire no 145
  2. « Décision du Conseil municipal de la ville de Metz n° 13-12-19-5 ».
  3. Pierre Ehrmann, René Micheletti, René et Gaston Thill: La seule évasion du Fort de Queuleu sur le site de l'ASCOMEMO