Attractivité d'un territoire

L'attractivité d'un territoire est un concept et une mesure multidisciplinaire au carrefour de l'économie du développement, de l'économie financière, du droit comparé et de la science politique. Cette mesure vise à quantifier et comparer l'attrait relatif de différents territoires concurrents pour des flux d'investissements, en les évaluant quantitativement et qualitativement sur une série de variables telles que la croissance du PIB, le taux d'imposition, le rapatriement des capitaux, la qualité de la main d'œuvre et la stabilité politique[1]. L'attractivité territoriale « repose sur trois piliers — le tissu productif, le tissu résidentiel et le tissu touristique — qui sont inégalement valorisés puisque le tourisme est souvent négligé ce qui n'est pas le cas du volet économique et productif[2] ».

Mesure de l'attractivité territoriale modifier

Les critères censés renforcer l'attractivité d'un territoire sont nombreux :

  • des infrastructures modernes, notamment un bon réseau, bien interconnecté (multimodal) de desserte (routes, canaux, voies ferrées, métro, tram, axes piétons, cyclistes...)[3] ;
  • l'offre d'emploi d'une part, et dans certains cas la présence d'une main-d'œuvre qualifiée ou au contraire peu qualifiée mais "bon marché" ;
  • la sécurité des biens et personnes (avec des exceptions quand les migrations sont contraintes) ;
  • une météo clémente (cf héliotropisme) ;
  • la proximité de ressources naturelles accessibles, incluant les aménités (qualité de vie) et les espaces touristiques[4] ;
  • une fiscalité jugée favorable ;
  • la présence et l'accessibilité de nombreux services, sociaux, médicaux, culturels administratifs ;
  • des avantages construits (environnement législatif, stabilité macroéconomique et institutionnelle)[5] ;
  • la densité importante d'établissements d'enseignement supérieur (sauf quand ils ont été "délocalisés" dans des zones périurbaines peu attractives) ;
  • une industrie touristique structurée et concurrentielle[6],[2].

D'autres critères affaiblissent en général l'attractivité d'un territoire ou découlent d'une faible attractivité,

  • les coûts de la main-d'œuvre (pour les entreprises cherchant une main-d'œuvre peu qualifiée) ;
  • l'insécurité (dont insécurité juridique) ;
  • une géographie peu avantageuse ;
  • la présence ou le danger de crise ou conflits ou de manque de ressource (eau en particulier) ;
  • forte proportion de logements anciens ou insalubres (sauf contexte de migration contraintes) ;
  • villes de grande taille (en nombre d'habitants, souvent caractérisées par des migrations contraintes) ;

La perception de l'attractivité territoriale modifier

  • Elle est relative à l'époque considérée. Par exemple un territoire de type Bassin minier pouvait être très attrayant au XIXe siècle, ne plus l'être lors des grandes crises de la sidérurgie et de la carbochimie et le redevenir après requalification et verdissement des friches industrielles.
  • Elle varie selon le type d'acteur économique.
  • Ainsi, pour un industriel, une guerre civile sera un facteur diminuant l'attractivité d'une zone, alors qu'elle sera un facteur augmentant l'attractivité pour un marchand d'armes.

Malgré une certaine part de subjectivité, la plupart des acteurs économiques s'entendent sur les critères de l'attractivité. Certains organismes essayent de classer les pays ou les territoires en fonction d'indicateurs d'attractivité, par exemple en mesurant les investissements directs étrangers sur un territoire. Toutefois, la mesure dépendra ici encore du type d'acteur à qui elle s'adresse.

Les critères d'attractivité sont en fait souvent confondus avec les facteurs de localisation, soit des variables qui agissent habituellement sur les décisions de localisation des entreprises ou des personnes.

Rôle des investisseurs institutionnels modifier

Une étude comparative conduite par le Forum Mondial des Fonds de Pension portant sur 10 pays (dont les États-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne, la France et la Chine) a démontré que bien qu’elle contribue à définir l’attractivité à long terme d’un territoire, la qualité des infrastructures ne suffisait pas, à elle seule, à motiver les choix d’investissement des grands détenteurs d’actifs institutionnels[1].

Les deux facteurs les plus déterminants aux yeux des investisseurs institutionnels semblent être la sécurité juridique (ou « stabilité juridico-politique ») et les perspectives de croissance économique à long terme du territoire considéré (Firzli 2011).

Attractivité relative et compétitivité modifier

Un nombre grandissant d’économistes considèrent qu’une partie des pays d’Europe Occidentale est désormais “à la traîne”, loin derrière les économies les plus dynamiques d’Asie- notamment du fait que ces dernières ont su adopter et mettre en œuvre des politiques de développement ambitieuses plus propices aux investissements à long terme: “les pays qui réussissent comme Singapour, l’Indonésie et la Corée du Sud ont gardé en mémoire les mécanismes d’ajustement macroéconomiques douloureux qui leur ont été imposés abruptement par le FMI et la Banque mondiale pendant la ‘Crise Asiatique’ de 1997-1998 […] Le niveau de développement qu’ils ont atteint au cours des dix dernières années est d’autant plus remarquable qu’ils ont dans une large mesure abandonné le “consensus de Washington” (la perspective néolibérale dominante fondée sur la réduction des salaires, la baisse des cotisations patronales et le gel des investissements en infrastructure) pour investir massivement dans des projets d’infrastructures publiques ambitieux […] Cette approche pragmatique s’est avérée être particulièrement payante”[7]

En France modifier

Une étude[8]publiée en 2010, réalisée par le Crédit foncier de France et de l'Université Paris-Dauphine sur l'attractivité des 100 plus grandes agglomérations françaises, évaluées (pour la période 1995 2006) à partir de leur solde migratoire et d'une série de 200 caractéristiques urbaines confirme la tendance à l'héliotropisme : hormis quelques exceptions, les villes du sud (comme Bordeaux, Toulouse ou Montpellier) et de l'ouest (comme Nantes et Rennes) sont globalement plus attractives que celles du nord de la France, phénomène qui selon certains prospectivistes pourrait changer dans les décennies à venir si le réchauffement climatique et l'occurrence et la gravité des canicules continuent à progresser.

Il faut toutefois distinguer entre différents types d'attractivité, touristique ou résidentielle par exemple, car ils n'ont pas les mêmes cibles et peuvent donc entrer en conflit. Les études de l'économiste français Laurent Davezies (La République et ses territoires. La circulation invisibles des richesses) démontrent bien qu'en voulant attirer trop de touristes en Île-de-France, on risque de faire partir les résidents, l'arrivée massive de touristes induisant une augmentation du coût de la vie, mais pas forcément une amélioration de sa qualité. Outre océan, les travaux de Sharon Zukin sur les effets des politiques culturelles dans le but de rendre une ville attractive, ont montré leurs limites: une standardisation de ces nouveaux espaces dits de consommation(on attire en effet des consommateurs potentiels) et un phénomène de gentrification (départ des populations les plus.modestes) La notion d'offre territoriale (PhilippeThiard) est une garantie pour l'attractivité d'un territoire. Le projet urbain (Patrizia Ingallina) peut aussi être vu comme offre territoriale globale capable de valoriser l'identité d'un territoire à travers la construction d'une image marketing. L'attractivité d'un territoire concerne en effet aussi les espaces de la ville, son patrimoine, ses services, sa vie locale et son ambiance. Son but est d'attirer des flux globaux, de touristes, visiteurs, résidents...La compétitivité d'un territoire quant à elle, liée essentiellement à la capacité de produire d'un territoire, sa productivité, peut se mesurer à plus grande échelle (région, nation) et sa cible sont les flux monétaires. Le plus difficile étant de retenir les présences (entreprises et résidents) qui ne sont pas conditionnées par les mêmes facteurs.

L'attractivité économique de la France par rapport aux autres pays européens est en baisse : en 2006, la France totalise encore 16 % des implantations étrangères. Cette part tombe à 12 % en 2015, son plus bas niveau historique. En nombre d’emplois, la part de l’Hexagone n’est même plus que de 6 %. Demeurant au troisième rang européen en nombre de projets, le pays attire essentiellement des investissements de petite taille (agences commerciales, bureaux de représentation) et « très peu de nouvelles usines ». Selon les auteurs de l'étude, « les décideurs internationaux sont rebutés par nos impôts et charges, sans compter un droit du travail jugé trop lourd. »[9]. Toutefois, de nouvelles études tendent à monter une évolution plus favorable : après plusieurs années de stagnation, l'indice d'attractivité du territoire du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France a progressé de 4 points en 2018, atteignant la note de 64/100[10].

Notes et références modifier

  1. a et b M. Nicolas J. Firzli et Vincent Bazi: « Infrastructures de transport et attractivité nationale » (en anglais) Revue Analyse Financière, N° 48, pp. 67-68, juillet–septembre 2013
  2. a et b Nathalie Fabry, « Clusters de tourisme, compétitivité des acteurs et attractivité des territoires », Revue internationale d'intelligence économique, vol. 1, no 2009,‎ , p. 55-66 (DOI 10.3166/r2ie.1.55-66).
  3. M. Nicolas Firzli & Vincent Bazi, « Infrastructure Investments in an Age of Austerity : The Pension and Sovereign Funds Perspective », Revue Analyse Financière, volume 41, pp. 34-37,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Geoffrey I. Crouch & J. R. Brent Ritchie, « Tourism, competitiveness, and societal prosperity », Journal of Business Research, vol. 44, no 3,‎ , p. 137–152 (DOI 10.1016/S0148-2963(97)00196-3).
  5. (en) Nathalie Fabry & Sylvain Zeghni, « How former communist countries of Europe may attract inward foreign direct investment? A matter of institutions », Communist and Post-Communist Studies, vol. 39, no 2,‎ , p. 201-219.
  6. (en) Larry Dwyer & Chulwon Kim, « Destination Competitiveness: Determinants and Indicators », Current Issues in Tourism, vol. 6, no 5,‎ 369-414, p. 2003 (DOI 10.1080/13683500308667962).
  7. M. Nicolas J. Firzli quoted by Andrew Mortimer, « Country Risk: Asia Trading Places with the West », Euromoney Country Risk, .,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. étude sur l'attractivité des grandes agglomérations française (Batiactu)
  9. Implantations étrangères : la France décroche encore, lemonde.fr, 24 mai 2016
  10. Eurogroup consulting - CNCCEF, Indice d’Attractivité du Territoire - Cinquième édition : avril 2018 (lire en ligne), Page 4

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

  • L'attractivité des territoires : regards Croisés, actes des Séminaires de février- juillet 2007, sous la direction scientifique de Patrizia Ingallina, préface de J.P. Blais, Paris-La Défense, PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture), 2009 [1]
  • Firzli, M. N., & Bazi, V. « Infrastructures de transport et attractivité nationale » (en anglais), in Revue Analyse Financière, N° 48, juillet–septembre 2013
  • Jungyoon Park, Les stratégies et projets urbains pour l'attractivité territoriale : rôle, place et signification des nouveaux espaces de consommation urbaine, thèse de doctorat sous la direction de Patrizia Ingallina, Université Paris Est Créteil, 2008
  • Ingallina, P., Park, J'Y, « City marketing et espaces de consommation. Les nouveaux enjeux de l'attractivité urbaine », in Urbanisme, no 344, septembre-octobre 2005.

Liens externes modifier