Astrophotographie

type de photographie spécialisée dans la prise de vue d'objects astronomiques

L'astrophotographie, souvent appelée simplement astrophoto (AP), est une discipline de l'astronomie et de la photographie qui consiste à photographier des objets célestes.

La grande nébuleuse d'Orion est un classique chez les astrophotographes.
La nébuleuse du Cœur (IC1805)

La première photographie connue de la Lune date des années 1840. Il faut toutefois attendre la fin du XIXe siècle pour que les développements des techniques photographiques permettent les photographies d'étoiles.

Outre les planètes et les étoiles proches, l'astrophotographie permet d'obtenir des images d'objets peu ou pas visible à l’œil nu du fait de leur faible magnitude : étoiles peu lumineuses, nébuleuses ou galaxies. De telles photographies nécessitent de longs temps d'exposition, ce qui permet à la surface sensible (film ou capteur) d'accumuler les photons durant une longue période.

L'astrophotographie a révolutionné l'astronomie en permettant de cataloguer des centaines de milliers de nouvelles étoiles invisibles à l’œil nu. Dès les années 1920, la construction de télescopes toujours plus grands et plus puissants a permis de s'en servir comme d'objectifs surdimensionnés à la prise de vue sur plaque photographiques. Au fil du temps, la photographie en lumière visible a laissé la place à des appareils de mesures de plus en plus perfectionnés munis de spectroscopes ciblant des longueurs d'onde allant des ondes radio aux rayons gamma[1].

L'astrophotographie reste une discipline populaire chez les astronomes amateurs dont les photographies ont souvent un but esthétique plutôt que scientifique.

Histoire modifier

XIXe siècle modifier

L'importance de la photographie en matière d'astronomie a été comprise dès l'invention du daguerréotype : en 1839 , François Arago, astronome directeur des observations à l'Observatoire de Paris, propose à la chambre des députés d'acheter le procédé de Louis Daguerre « pour le mettre à disposition de la France et du monde »[2].

La première photographie d'un objet céleste connue est un daguerréotype de la Lune[note 1] prise par John William Draper le . La première photographie stellaire est quant à elle attribuée à Bond et Whipple. Il s'agit également d'un daguerréotype, mais de l'étoile Véga, principale étoile de la constellation de la Lyre. Ce cliché a été réalisé dans la nuit du 16 au avec la lunette de l'observatoire de l'université Harvard.

Le premier objet du ciel profond photographié est la grande nébuleuse d'Orion, prise le par Henry Draper, le fils de John William Draper avec un instrument de 28 cm de diamètre sur une plaque photographique au collodion humide.

Le , des photographies montrant à la fois le noyau et la queue d'une comète (C/1881 K1) sont obtenues pour la première fois, indépendamment au cours de la même nuit, par Henry Draper et par Andrew Ainslie Common[3]. Quelques jours plus tard, le , c'est au tour de Jules Janssen de photographier la même comète depuis l'observatoire de Meudon sur un télescope de 51 cm (f/3) avec une exposition de trente minutes[3].

À la même époque, en Grande-Bretagne, Andrew Ainslie Common réalise aussi une photographie de la nébuleuse le dans son observatoire à Ealing, près de Londres. Celle-ci révélera plus de détails que l'œil humain ne put en percevoir. Ce cliché, résultat d'une pose de 60 minutes, a été fait au foyer d'un télescope de type Newton de 91 cm de diamètre et valut à son propriétaire la médaille d'or de la Royal Astronomical Society en 1884[4].

En France, sous l'élan des frères Paul et Prosper Henry, qui avaient déjà réalisé des clichés du ciel à l'aide d'un instrument de leur fabrication, les 56 membres du congrès international d'astronomie tenu à Paris en avril 1887 décident de créer la Carte du Ciel. Cette entreprise, commencée en 1889, impliquera 18 observatoires situés dans le monde entier. En une soixantaine d'années, le projet couvre quasiment tout le ciel. Il prend fin officiellement en 1970.

À partir du XXe siècle modifier

En 1909, le célèbre télescope de 60 pouces (1,52 m) du mont Wilson est mis en service. Équipé de plaques photographiques révolutionnaires, ces dernières enregistreront des astres cent fois plus faibles qu'auparavant, mais au prix d'une dizaine d'heures de pose réparties sur plusieurs nuits.

En 1918, un autre télescope de 100 pouces (2,54 m) est installé à côté et ces deux instruments, alors les plus puissants du monde, serviront à prouver que les nébuleuses spirales, comme on les nommait à l'époque, sont en fait d'autres galaxies et n'appartiennent pas à notre Voie lactée. C'est le célèbre astronome Edwin Hubble en 1924, qui à l'aide de ces mêmes télescopes prouvera ce fait en découvrant des céphéides dans les nébuleuses M31 (la Galaxie d'Andromède), M33 (la Galaxie du Triangle) et NGC 6822 (la Galaxie de Barnard).

En 1949, au Mont Palomar, l'installation de deux télescopes géants pour l'époque révolutionnera une fois de plus la photographie stellaire en offrant des clichés astronomiques d'une précision si grande qu'ils sont encore utilisés de nos jours. Il s'agit du télescope Hale de 5 mètres de diamètre et d'un télescope de Schmidt de 1,22 m de diamètre célèbre pour avoir réalisé le « Sky Atlas » de 1950 à 1958.

Ces clichés étaient réalisés avec les toutes récentes plaques photographiques Kodak 103a, utilisées jusque dans les années 1980. Ces clichés montraient des étoiles 10 fois plus faibles que celles des clichés réalisés au mont Wilson mais avec seulement 30 min de pose.

Malgré tout, depuis les années 1970 et l'invention du capteur CCD par les laboratoires Bell Telephone en 1969, les plaques photographiques disparurent peu à peu des observatoires professionnels pour plusieurs raisons :

  • absence de réciprocité aux faibles éclairements ;
  • sensibilité accrue ;
  • linéarité photométrique ;
  • facilité de stockage de l'information.

Même si dans les mêmes années, des progrès avaient été faits dans le domaine des émulsions photographiques (hypersensibilisation) et dans les procédés d'amplification de la lumière, les années 1980 ont vu la mort de la photographie dans les observatoires professionnels.
Désormais, les capteurs CCD sont partout et le plus gros capteur CCD (en fait une mosaïque de 12 capteurs CCD élémentaires) est celui équipant le télescope CFHT (Canada France Hawaï Telescope) avec 100 millions de pixels[5].

Dans la course ultime à l'image la plus parfaite, la plus précise et la plus lointaine, il a été décidé de construire un télescope qui serait complètement affranchi des turbulences atmosphériques et des caprices de la météo. Dans cette optique, le Télescope spatial Hubble a été lancé en avril 1990 afin d'étudier les confins de l'univers et d'apporter des réponses aux astronomes sur les galaxies et les quasars lointains.
Muni d'un miroir de 2,40 m de diamètre et opérant hors de l'atmosphère, il est capable d'enregistrer des astres aussi faibles que la magnitude 30 soit 100 fois plus faibles que le 5 m du Mont Palomar en 1949.

Catégories modifier

 
Photographie de la galaxie d'Andromède.
 
Photographie d'une pleine Lune.

On peut distinguer plusieurs catégories d'astrophotographie :

 
Photographie du ciel profond (Nébuleuse de l'Amérique du Nord).
 
Photographie d'une éclipse solaire.

Les trois premières catégories sont généralement en ordre croissant de difficulté de réalisation. Ainsi, photographier la Lune peut se faire avec l'appareil photo seul. La principale difficulté de cette catégorie d'astrophoto est d'éviter la surexposition.

Après la Lune, les planètes sont les objets les plus faciles à repérer et observer. Cependant, en saisir les détails invisibles à l'œil nu est un peu plus difficile. Une mauvaise maîtrise de l'astrophoto planétaire entraîne un disque blanc de la planète en question.

Matériel et techniques modifier

Si l'on peut photographier la pleine Lune à main levée avec un appareil photo reflex muni d'un téléobjectif, la faible luminosité des autres sujets astrophotographiques requiert un matériel et des techniques photographiques spécifiques : optiques à grande ouverture permettant de capter plus de lumière; temps d'expositions très longs afin d'y accumuler les photons; pellicule ou capteur à sensibilité élevées. Il est de plus préférable d'éviter la pollution lumineuse en s'éloignant des zones urbaines pour distinguer les objets les plus ténus qui seraient autrement noyés dans la lumière parasite.

Les longs temps de pose rendent indispensable l'usage d'un trépied ou d'une monture pour éviter le flou de bougé du photographe. Cependant, au delà d'un certain temps d'exposition, c'est le mouvement apparent du ciel (causé par la rotation de la Terre sur elle-même) qui introduira un effet de filé sur les étoiles. Cet effet peut être recherché pour une image avec filé d'étoiles, ou considéré comme indésirable si l'on souhaite obtenir une image nette d'un objet précis du ciel. Dans ce cas, il faut recourir à une monture équatoriale ou azimutale et compenser le mouvement de la Terre pour garder l'objet pointé au même endroit du champ de vision de l'appareil durant toute la prise de vue. Une monture équatoriale doit être mise en station, c'est-à-dire alignée sur l'axe de rotation terrestre. Une fois réglé, le suivi peut être manuel (en suivant une étoile repère dans le viseur) ou automatique à l'aide d'une monture motorisée mécanique ou contrôlée par un ordinateur.

L'optique principale peut être un objectif photographique (grand angle pour les photographies de champ d'étoiles ou de la Voie lactée, longue focale pour la Lune ou les nébuleuses) monté sur un boîtier d'appareil photo ou bien une optique dédiée à l'astronomie : une longue-vue ou un télescope. Dans ce cas, le boîtier peut être monté directement au foyer du télescope à l'aide d'une bague d'adaptation, ou en montage afocal, c'est-à-dire que l'appareil (muni de son propre objectif) prend en photo l'image formée dans l'oculaire du télescope ou de la lunette.

Le choix du temps d'exposition et de la sensibilité de la surface sensible dépendra du sujet, les objets du ciel profond requièrent en général un temps de pose très long, (30 secondes, 60 secondes et plus).

En photographie numérique on peut recourir à l'empilement d'images (ou stacking), un traitement consistant à combiner plusieurs images d'un même sujet prises successivement pour simuler un temps de pose plus long et réduire l'effet du bruit numérique du capteur. Outre les nombreuses images du sujet lui-même, on capture également plusieurs images de calibration prises dans des conditions précises qui sont utilisées pour annuler ou réduire les différentes sources de bruit :

  • images noires ou dark frames : photos prises dans les mêmes conditions que les photos du sujet mais avec un cache sur l'objectif. Le résultat est en théorie uniformément noir, mais les variations de chaque pixel permettent de déduire les caractéristiques du bruit thermique et du bruit à motif fixe (ou « pixels chauds ») ;
  • plages lumineuse uniformes ou flat frames : photos réalisées en photographiant une surface uniformément éclairée, avec les mêmes réglages optiques que pour le sujet (même objectifs, même ouverture et mise au point), avec une exposition moyenne (par exemple en priorité ouverture). Leur analyse permet de révéler le vignettage et les éventuelles taches dans le train optique ;
  • images de biais bias ou offset frames : photos prises avec le temps de pose le plus court disponible sur l'appareil photo numérique. Le résultat est en théorie uniformément noir mais les variations de chaque pixel permettent de déduire les caractéristiques du bruit dû à la lecture des données sur le capteur. Elles sont utilisées en conjonctions avec les dark frames pour réduire toutes les sources de bruit du capteur numérique.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Louis Jacques Mandé Daguerre, inventeur du procédé photographique qui portera son nom, avait fait l'année plus tôt une photographie de la Lune, mais celle-ci n'était qu'une tache floue

Références modifier

Bibliographie modifier

  • Thierry Legault, Les secrets de l'astrophoto : Matériel - Technique - Observation, Paris, Eyrolles, coll. « Secrets de photographes », , 3e éd., 200 p. (ISBN 978-2-212-14428-4, BNF 45102301)

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier

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