Eugène Disdéri

photographe français, qui déposa le brevet de la photo-carte de visite en 1854

Eugène Disdéri est un photographe français, né le à Paris et mort le dans la même ville.

Eugène Disdéri
Eugène Disdéri, Disdéri par Disdéri,
(entre 1857 et 1865), Paris, musée d'Orsay[1].
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
André Adolphe DisdériVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Conjoint
Autres informations
A travaillé pour
Disdéri & Cie (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
signature d'Eugène Disdéri
Signature

Il dépose le brevet de la photo carte de visite en 1854. Il met également au point un appareil photographique multi-objectifs qui permet de réaliser plusieurs poses simultanément sur un même négatif, lors d'une même séance de prise de vue. Par là-même, il réduit le coût de production de chaque photographie, qui peut donc devenir financièrement plus accessible. Il a ainsi contribué à l'essor de la photographie et l'a rendue plus populaire.

Biographie modifier

Famille modifier

Eugène Disdéri naît en 1819 à Paris, de Jean-André Disdéri et de son épouse Louise-Eugénie. Il est l'aîné d'une fratrie de sept enfants[2]. En 1843, il épouse Geneviève Élisabeth Francart. Leurs deux premières petites filles meurent en bas âge[3].

Débuts modifier

Disdéri est d'abord commis-voyageur, fabricant de lingeries en 1844, et bonnetier à Paris. Après avoir fait faillite, il part pour Brest fin 1846 pour y ouvrir un établissement de photographies avec son épouse Élisabeth Francart-Disdéri, qui poursuit seule l'activité après leur séparation[4].

Après avoir occupé divers emplois, dont dans une entreprise de diorama, il est fiché comme républicain et quitte Brest pour le sud de la France, où il devient photographe à Nîmes. Il travaille alors sur les techniques du collodion et du papier ciré[5].

Un studio à Paris modifier

De retour à Paris en , il ouvre un des plus importants studios de photographie de l'époque. Il invente en effet un nouvel appareil photographique qui utilise la technique du collodion humide et qui peut reproduire six clichés sur la même plaque de verre. C'est le brevet du portrait-carte qu'il dépose en 1854, et dont les avantages sont la réduction du prix de la photographie pour les clients et la reproductibilité des portraits, à l'inverse du procédé du daguerréotype, plus coûteux et qui ne permet qu'un seul exemplaire. Avant lui, un autre photographe, Louis Dodéro, avait produit à Marseille des portraits photographiques au format dit carte-de-visite[6], mais c’est à Disdéri qu’on en doit le développement commercial à grande échelle.

Le portrait photographique entre alors dans l'ère industrielle et fonde son succès sur la représentation du statut social.

 
Signature manuscrite au dos d'une photo. Cette graphie est reprise en imprimerie sur certains dos de photo-carte de visite.

Les photographies obtenues par ce procédé ont un petit format assez proche de la carte de visite. Celles-ci deviennent assez vite à la mode, Disdéri devenant alors le photographe de nombreuses cours d'Europe. Parmi ses clients, on trouve : la princesse de Metternich, épouse de l'ambassadeur d'Autriche, Sosthène II de La Rochefoucauld, duc de Bisaccia, le baron Salomon de Rothschild (en), la comtesse de Hatzfeldt.

Des portraits grandeur nature modifier

Il est photographe officiel de l'Exposition universelle de 1855, et présente de très grands formats (portraits grandeur nature) à Amsterdam.

En 1856, une faillite personnelle et professionnelle le mène en prison[7]. Cependant, il reparaît en 1859 avec un nouvel appareil à quatre objectifs qui lui permet de réaliser huit clichés sur la même plaque.

En cette même année 1859, la légende raconte que Napoléon III, au départ de sa campagne militaire vers l'Italie, se serait arrêté dans la boutique de Disdéri pour s'y faire tirer le portrait. La nouvelle de la venue de l'empereur se serait répandue dans tout Paris et l'engouement fut tel que nombre de studios ouvrirent et se mirent à pratiquer cette technique. Si l'itinéraire du cortège impérial de ce jour-là infirme la légende, Disdéri est cependant bel et bien reconnu photographe officiel de l'empereur, avec Mayer et Pierson[8], et son succès devient considérable. Il est vraisemblable qu'à ce moment-là, faisant partie du cortège, le grand ami de Napoléon III, le comte polonais Xavier Branicki s'est fait photographier[9]. En 1860, il accompagne peut-être l'empereur à Alger : son catalogue Algérie de présente alors pas moins de deux cent cinquante-six photographies « algériennes » : « cartes-photos » ou « vues stéréoscopiques » dont plusieurs vues prises sur le vif de l'escadre impériale dans le port d'Alger et du débarquement de l'empereur.

Entre 1860 et 1862, il fournit les 128 portraits de la Galerie des contemporains publiée par Napoléon Chaix, avec des notices biographiques de Zacharias Dollingen[10].

L'Art de la photographie modifier

En 1862, il publie L'Art de la photographie[11], où il entend prouver que la photographie relève de l'art.

Nadar serait bien mieux placé que lui pour mener à bien la démonstration, mais reconnaîtra l'habileté de son concurrent, concentrant ses critiques acerbes sur Pierre Petit, Mayer et Pierson. Disdéri obtient une médaille d'or à Londres où il tient une succursale, ainsi qu'à Madrid. Son luxueux atelier parisien se trouve alors juste au-dessus du théâtre de Robert-Houdin, au no 8 du boulevard des Italiens. Inauguré en grande pompe, on y trouvait notamment un véritable musée : « Le Louvre du portrait-carte » selon l'expression du Monde illustré du , « avec une collection de personnages et de simples personnes dont les originaux suffiraient à peupler une sous-préfecture de seconde classe ». Il est vrai que l'article rappelle aussi que, dans son premier salon, Disdéri avait d'abord gravé les noms de ses plus illustres clients et la date de leurs visites à ses ateliers : « On y voit à côté des noms de LL MM l'Empereur et l'Impératrice, ceux du Prince Impérial, du prince Jérôme, du prince Napoléon et de la princesse Clotilde, des princes et de la princesse Murat, etc. » À son apogée, Disdéri compte jusqu'à une centaine d'employés. Devenu riche, il fait construire une maison à Rueil-Malmaison, avenue Paul-Doumer, qui existe toujours.

Après l'écrasement de la Commune, il prend de nombreux clichés des corps des fusillés.

Fin de vie modifier

À partir de 1873, son activité décline et ne suffit plus à payer ses dépenses somptuaires. Les appartements puis l'atelier du 8, boulevard des Italiens sont repris par le photographe Émile Tourtin[12],[13],[14]. En 1877, Disdéri est établi à Séville[15],[Note 1]. L'année suivante, il revend un fonds de photographie situé au 6, boulevard des Italiens à Hippolyte Délié, qui le cède deux ans plus tard, pour la somme de 60 000 francs, à Paul Vieux-Rochas, photographe, et Auguste Clément Bannel, ingénieur[16],[17]. Disdéri part pour Nice en 1879, puis revient à Paris pour y mourir, complètement ruiné, le à l'hôpital Sainte-Anne, établissement réservé aux indigents, aux alcooliques et aux malades mentaux[18].

Il est inhumé le dans une tranchée (la 17e) de la 42e division du cimetière parisien de Bagneux[19], réservée aux inhumations gratuites.

Un fonds de 50 000 références modifier

Il laisse 91 albums, avec 12 000 planches et 50 000 références, miraculeusement récupérés par Maurice Levert, le fils d'un ancien préfet de l'Empire, dont les héritiers vendirent le fonds aux enchères le à Drouot Richelieu. La Bibliothèque nationale de France, le musée de l'Armée et la Réunion des musées nationaux, dont le musée d'Orsay, se portèrent acquéreurs d'un peu plus de la moitié des lots environ. Les autres lots furent achetés par quelques collectionneurs et des musées étrangers. La vente généra des prix élevés pour l'époque.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Le jour du mariage de son fils, il est dit « photographe, demeurant à Séville (Espagne) » et donne son consentement par le biais d'un « acte passé par devant le consul de France à Séville ».

Références modifier

  1. « Résultat sur la base du musée avec notice de l'œuvre », sur Musée d'Orsay
  2. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disderi », Prestige de la photographie,‎ , p. 6 (ISSN 0399-1032)
  3. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disderi », Prestige de la photographie,‎ , p. 10 (ISSN 0399-1032)
  4. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disderi », Prestige de la photographie,‎ , p. 14 (ISSN 0399-1032)
  5. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disderi », Prestige de la photographie,‎ , p. 16 (ISSN 0399-1032)
  6. Jean Sagne, L'Atelier du photographe (1840-1940), collection Histoire des hommes, Presses de la Renaissance, 1984 (ISBN 2856162886), p. 57 et 164.
  7. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disderi », Prestige de la photographie,‎ , p. 24 (ISSN 0399-1032).
  8. Société des frères Mayer (Léopold-Ernest Mayer et Louis-Frédéric Mayer) associés à Pierre-Louis Pierson.
  9. Portraits de Xavier Branicki (1859) par Eugène Disdéri, musée d'Orsay.
  10. (BNF 44007558).
  11. André-Adolphe-Eugène Disdéri, L'Art de la photographie, 1862 (disponible sur Internet Archive).
  12. Archives nationales, « Bail pour onze ans et trois mois, par Pierre Étienne Auguste Chocat dit Hamilton, à Émile Barnabé Octave Tourtin, peintre photographe (15 novembre 1873) », Minutes et répertoires du notaire Silvius DU BOYS, 10 avril 1858 - 19 avril 1876 (étude XCIX) (Cote MC/ET/XCIX/1099), sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr (consulté le )
  13. Archives nationales, « Bail pour trois, six ou neuf ans, par Guy Élisabeth Antoine Armand Thibaut de Rohan-Chabot, à Claude Antoine Lumière, industriel (5 novembre 1894 - 31 mai 1901) », Minutes et répertoires du notaire Napoléon DUFOUR, 11 avril 1883 - 22 décembre 1910 (étude XLVIII) (Cote MC/RS//877), sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr (consulté le )
  14. « [Encart publicitaire Émile Tourtin] », sur Gallica, Annuaire de l'Armée française pour l'année ... : publié sur les documents communiqués par le Ministère de la guerre, (consulté le ), p. 117
  15. Acte de mariage de son fils Jules Marie Eugène Disdéri, no 751, , Paris 17e, Archives de Paris
  16. Anne-Marie Garcia, La Photographie avec les arts : Histoire d'une collection, Paris, Beaux-Arts de Paris Éditions, (ISBN 978-2-84056-539-0, lire en ligne), p. 366
  17. « Vente par Hippolyte Délié, photographe, demeurant 6, boulevard des Italiens, d'un fonds de photographie situé même adresse à Paul Henri Adrien Vieux-Rochas (nommé en famille et aux présentes Rochas seulement) photographe, demeurant 6 et 8, rue de la Préfecture à Tours (Indre-et-Loire), et Auguste Clément Bannel, ingénieur, demeurant 64, rue de Rivoli, ayant la signature sociale dans la société en nom collectif Paul Rochas et Bannel, dont le siège se situe 6, boulevard des Italiens. Le prix est fixé à la somme principale de 60 000 francs. À signaler : l'acte comprend les conditions d'acquisition de l'entreprise d'Adolphe Disdéri par Hippolyte Délié, ainsi que les conditions de location et une copie des statuts de la société Paul Rochas et Bannel. », sur FranceArchives (consulté le )
  18. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disdéri », Prestige de la photographie,‎ , p. 46 (ISSN 0399-1032).
  19. « Registre journalier d'inhumation du cimetière parisien de Bagneux en date du (page 3/31) », sur archives.paris.fr.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

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