Aiguille de Buffon

expérience scientifique

L'aiguille de Buffon est une expérience de probabilité proposée en 1733[1] par Georges-Louis Leclerc de Buffon, un scientifique français du XVIIIe siècle. Cette expérience fournit une approximation du nombre π. Son analyse met en œuvre un cas simple d'espace de probabilités bidimensionnel et continu.

Procédé pratique modifier

 
Représentation graphique de 10 essais de l'expérience.

Il s'agit de lancer un grand nombre de fois une aiguille sur un parquet. Le parquet est composé de planches parallèles de même largeur. On comptabilise le nombre de fois où l'aiguille tombe à cheval sur [au moins] une rainure du parquet (cas "favorable") par rapport au nombre total de lancers. Au fur et à mesure que le nombre de lancers augmente, le quotient se rapproche d'un certain nombre permettant de retrouver π (par exemple, si la longueur de l'aiguille est égale à la largeur d'une planche, ce nombre sera 2π).

Conditions et hypothèses modifier

Pour que l'expérience fonctionne correctement :

  • les lancers successifs doivent être nombreux, indépendants, et on doit considérer une situation d'équiprobabilité (la position de l'aiguille est indifférente, en position et en angle, par rapport au parquet) ;
  • tous les lancers doivent être reproduits dans des conditions identiques ;
  • la longueur de l'aiguille doit être inférieure ou égale à la largeur d'une planche du parquet.

Étude mathématique modifier

 
2 aiguilles de Buffon (noires) sur un parquet.

Soient :

  •   le réel positif correspondant à la largeur d'une latte de parquet ;
  • a le réel positif correspondant à la longueur de l'aiguille ;
  • θ le réel compris entre 0 et π2 correspondant à l'angle géométrique formé avec les rainures du parquet ;
  •   le réel positif correspondant à la distance du centre de l'aiguille à la rainure la plus proche.

D'après les hypothèses, et en utilisant toutes les symétries, on peut considérer que :

  • θ suit une loi uniforme continue sur  
  •   suit une loi uniforme continue sur  

Point de vue géométrique simple modifier

Considérons n lancers (n assez grand) de cette aiguille. On peut considérer alors que toutes les positions différentes de l'aiguille mises bout à bout forment un polygone à   côtés. Plus n est grand plus ce polygone se rapprochera d'un cercle. Le périmètre P de ce cercle vaut alors  . Le diamètre de ce cercle vaudra  . Le problème revient à savoir : combien de rainures parallèles sont coupées par le polygone, ou encore combien y a-t-il de rainures à l'intérieur du cercle ?

Le nombre d'intersections   du cercle avec les rainures est donné par   (  car le cercle est coupé à droite et à gauche); comme   est grand le diamètre du cercle   est grand par rapport à  . Finalement la probabilité que l'aiguille coupe une rainure est donnée par:   et en simplifiant:  

Cas limite

Considérons un lancer isolé. Si l'aiguille touche un point de la rainure avec sa pointe sans la chevaucher, alors on a un triangle rectangle dont l'hypoténuse est la moitié de l'aiguille, un côté est la longueur r, l'autre côté une portion de la rainure. On a alors :

 
Cas défavorable

Par conséquent, si l'aiguille est pleinement sur une planche, on aura :

 
Cas favorable

Si elle chevauche au moins une rainure (la plus proche), on aura :

 

Analyse modifier

Pour a égale ou plus petit que l

On traite ici du cas où l'aiguille est de même longueur ou plus courte que l'écart entre les lames du parquet.

De même que, pour les probabilités discrètes, on forme le quotient des cas "favorables" aux cas "totaux", on aura dans   x   la probabilité pour une aiguille de tomber sur une rainure l'expression :

 

Soit (dessiner l'espace   et la limite) :

 

Après une multitude de lancers, d'après la loi des grands nombres, la valeur pratique tendra à se rapprocher de la valeur théorique  . On peut alors facilement retrouver π en connaissant les données de l'expérience (l et a).

En effet, soit p la proportion qui estime P : alors on a un estimateur pour  

Pour a plus grand que l

On traite ici du cas où l'aiguille est plus longue que l'écart entre les lames du parquet. Le cas « favorable » est encore : « l'aiguille croise [au moins] une lame de parquet ».

Le cas « défavorable » étant plus facile à exprimer mathématiquement, on a (dessiner l'espace   et la limite) :

 
 

On confirme que pour  , on retrouve la formule précédente (établie pour   : une aiguille courte).

La formule permet encore d'estimer   en fonction de    est la proportion qui estime   puisque   a   en facteur.

En posant   et en développant au voisinage de  , on trouve l'expression de la probabilité pour une très longue aiguille (formule approchée) :

 

qui tend vers 1 pour a très grand, comme on l'espérait.

Note et référence modifier

  1. Mémoire sur le jeu du Franc Carreau, présenté à l’Académie des Sciences (avril 1733)

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

Martin Aigner et Günter M. Ziegler (trad. Nicolas Puech), Raisonnements divins : quelques démonstrations mathématiques particulièrement élégantes, Springer Verlag, 2e éd., 2006, 270 p. (ISBN 978-2-287-33845-8)

Liens externes modifier