Ah ! ça ira

chanson révolutionnaire française

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira est une chanson révolutionnaire, dont le refrain, qui symbolise la Révolution française, fut entendu pour la première fois en mai 1790. Son auteur, un ancien soldat chanteur des rues du nom de Ladré, avait adapté des paroles anodines sur le Carillon national[1], un air de contredanse très populaire dû à Bécourt, violoniste au théâtre des Beaujolais, et que la reine Marie-Antoinette elle-même aimait souvent jouer sur son clavecin[2]. Cet air est notamment utilisé comme thème principal du 4° mouvement de la Symphonie en La majeur du compositeur allemand Friedrich Witt, écrite vers 1790.

Jean-Antoine Bécourt, Ladré.- Ah ! ça ira, musique des fêtes et cérémonies de la Révolution française, 1899
La monarchie et la République française : Ça n’ira pas, ça ira.
Gravure britannique publiée à Londres quatre jours après l'exécution de Louis XVI, le , montrant des démons dans le ciel qui chantent Ça ira au moment où tombe le couperet de la guillotine
Ladré.- Ah ça ira, dictum populaire sur l'air du Carillon national de Jean-Antoine Bécourt, 1790

Le titre et le thème du refrain de cette chanson furent inspirés par l’optimisme imperturbable de Benjamin Franklin, représentant très apprécié par le peuple français du Congrès des 13 colonies d’Amérique à Paris, du au , qui, lorsqu’on lui demandait des nouvelles de la guerre d’Indépendance américaine, répondait invariablement dans son mauvais français : « Ça ira, ça ira ». À la Révolution, le texte fut transformé par les sans-culottes en apostrophes assassines à l’égard de l’aristocratie et du clergé. Le Ça ira survécut à Thermidor et le Directoire ordonna même qu’on le chantât avant chaque spectacle, mais il fut interdit sous le Consulat.

Il existe bien des versions de ce chant, les paroles évoluant de l’optimisme de la fête du (« Ah ça ira, ça ira ! Pierrot et Margot chantent à la ginguette. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Réjouissons nous, le bon temps reviendra ! ») au refrain ultérieur beaucoup plus menaçant (« Ah ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates à la lanterne. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates on les pendra ! »).

Claude Balbastre organiste de Notre-Dame de Paris, alors transformée en temple de la Raison, compose en 1793 une pièce pour orgue sur le Ça ira[3].

Paroles modifier

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Le peuple en ce jour sans cesse répète,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Malgré les mutins tout réussira.
Nos ennemis confus en restent là
Et nous allons chanter « Alléluia ! »
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Quand Boileau jadis du clergé parla
Comme un prophète il a prédit cela.
En chantant ma chansonnette
Avec plaisir on dira :
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Suivant les maximes de l’évangile
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Du législateur tout s’accomplira.
Celui qui s’élève on l’abaissera
Celui qui s’abaisse on l’élèvera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Le vrai catéchisme nous instruira
Et l’affreux fanatisme s’éteindra.
Pour être à la loi docile
Tout Français s’exercera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Pierrette et Margot chantent à la guinguette.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Réjouissons-nous, le bon temps viendra !
Le peuple français jadis à quia,
L’aristocrate dit : « Mea culpa ! »
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Le clergé regrette le bien qu'il a,
Par justice, la nation l’aura.
Par le prudent Lafayette,
Tout le monde s’apaisera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Par les flambeaux de l’auguste assemblée,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Le peuple armé toujours se gardera.
Le vrai d'avec le faux l’on connaîtra,
Le citoyen pour le bien soutiendra.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Quand l’aristocrate protestera,
Le bon citoyen au nez lui rira,
Sans avoir l’âme troublée,
Toujours le plus fort sera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Petits comme grands sont soldats dans l’âme,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Pendant la guerre aucun ne trahira.
Avec cœur tout bon Français combattra,
S’il voit du louche, hardiment parlera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Lafayette dit : « Vienne qui voudra !
Le patriotisme leur répondra ! »
Sans craindre ni feu, ni flamme,
Le Français toujours vaincra !
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira[1] !

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates à la lanterne.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates on les pendra.
Si on n’ les pend pas
On les rompra
Si on n’ les rompt pas
On les brûlera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Nous n’avions plus ni nobles, ni prêtres,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
L’égalité partout régnera.
L’esclave autrichien le suivra,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Et leur infernale clique
Au diable s’envolera.

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Les aristocrates à la lanterne ;
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Les aristocrates on les pendra ;
Et quand on les aura tous pendus,
On leur fichera la paille au c...,
Imbibée de pétrole, vive le son, vive le son,
Imbibée de pétrole, vive le son du canon.


Couplets improvisés dans la matinée au champ-de-Mars, pendant une averse :

Ah ça ira, ça ira, ça ira !
En dépit d'z aristocrat' et d'la pluie,
Ah! ça ira, ça ira, ça ira !
Nous nous mouillerons, mais ça finira.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
On va trop bien l'nouer pour que ça s'délie,
Ah ! ça tiendra ! ça tiendra ! ça tiendra !
Et dans deux mille ans on s'en souviendra[4] !

Postérité modifier

Pierre Dac, figure de la Résistance, en reprend le refrain lors d'une de ses interventions à Radio Londres :

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les collaborateurs à la lanterne.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les collaborateurs on les pendra[5].

De son côté, Edith Piaf en chante une version très élaborée et moderne dans le film de Sacha Guitry Si Versailles m'était conté :

Y'a trois cent ans qu'ils font la guerre
Au son des fifres et des tambours
En nous laissant crever d'misère
Ça n'pouvait pas durer toujours.

Une partie du refrain se voit également reprise en 1997 par Kabal dans un morceau collectif fondateur[réf. nécessaire] du rap français : « 11′30 contre les lois racistes ». Akhenaton, Passi, Stomy Bugsy, Menelik et d'autres artistes du monde du rap collaborent à ce projet.

FRANÇAIS. TU DORS !
C'est la fin, tes politiciens vont trop vite.
Dès lors que des artistes s'unissent contre la fourberie et le vice
La piste suivie n'est plus strictement artistique, mais aussi politique.
Soit les lois passent, quoi ?
Elles sont dissimulées comme de juste,
Dix ans après on s'étonne que les immigrés dégustent.
Soit elles sont appliquées avant d'être votées
Et on s'étonne ensuite que certains
Ne voient plus l'atteinte à leur liberté.
Ah ça ira, ça ira, ça ira, ça fait deux cents ans qu'on attend ça[6].

Par ailleurs, ce chant est entonné dans le jeu vidéo Assassin's Creed Unity (2014), dont l'action se déroule lors de la Révolution Française.

Interprètes modifier

Notes et références modifier

  1. a et b Bécourt, Ah ! ça ira, dictum populaire, air du carillon national, , 2 p. (lire en ligne)
  2. Claude Duneton avec la collaboration d'Emmanuelle Bigot, Histoire de la chanson française. Vol 2. De 1780 à 1860, Paris, Éditions du Seuil, octobre 1998 - Impression Normandie Roto S.A. 61250 Lonrai - no 17286 - (ISBN 978-2-02-017286-8).
  3. (en) « La Marche des Marseillois et lair a ira » [vidéo], sur YouTube (consulté le ).
  4. Champfleury, Histoire des faïences patriotiques sous la Révolution, Paris, E. Dentu, 1867, p. 234.
  5. Pierre Dac, Drôle de guerre, Omnibus
  6. 11'30 contre les lois racistes.

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