Affaire des fuites au Vatican

L'affaire des fuites au Vatican ou Vatileaks[1],[2] est un scandale touchant le Saint-Siège, qui a été porté au grand jour en mai 2012, à la suite de la diffusion de documents confidentiels révélant l'existence d'un large réseau de corruption, de népotisme et de favoritisme lié à des contrats signés à des prix gonflés avec des partenaires italiens[3].

Paolo Gabrielle, majordome du pape, soupçonné d'être à l'origine de fuites et arrêté en 2012.

Événements modifier

Révélations modifier

Des correspondances entre l'archevêque Carlo Maria Viganò, ancien numéro deux des services administratifs du Vatican, et le pape, sont diffusées par une chaîne italienne de télévision et synthétisés dans un ouvrage de l'auteur Gianluigi Nuzzi[3].

Les courriers montrent que l'archevêque Carlo Maria Viganò se plaint d'avoir été muté comme nonce apostolique (ambassadeur) à Washington pour, selon ses dires, avoir révélé l'existence d'affaires de corruption, népotisme et favoritisme entre le Vatican et des partenaires italiens[3],[4]. D'autres pièces évoquent des conflits internes concernant la supervision de l'Institut pour les œuvres de religion (IOR, la Banque du Vatican), dont le président Ettore Gotti Tedeschi, accusé de « mauvaise gouvernance », a été limogé[5].

Ces documents font par ailleurs état de la situation fiscale de l’Église, des finances des instituts catholiques, de scandales sexuels chez les Légionnaires du Christ ou encore de négociations avec les intégristes[6].

Le , le quotidien italien La Repubblica avance l'hypothèse que la renonciation du pape Benoit XVI serait en partie motivée par l'existence d'un « lobby gay » qu'aurait révélée l'enquête sur les fuites, ordonnée par le pape lui-même[7], ce qu'a vivement démenti le porte-parole du Vatican[8].

Réactions des autorités catholiques et du pape modifier

Les autorités du Vatican qualifient les fuites d'actes « criminels » et font appel à la « collaboration internationale » pour retrouver le ou les auteurs des fuites[9] qui « portent atteinte à la vie privée du pape »[10].

Le , le pape Benoît XVI fait ses premiers commentaires directs sur le scandale à la fin de l'audience générale hebdomadaire. Il déclare : « Des hypothèses tout à fait gratuites se sont multipliées, amplifiées par certains médias, et sont allées bien au-delà des faits, donnant une image du Saint-Siège qui ne correspond pas à la réalité » ; « je désire renouveler ma confiance et mon encouragement à mes plus proches collaborateurs qui m’aident quotidiennement avec fidélité, esprit de sacrifice et dans le silence, à remplir mon ministère », a-t-il ajouté[11].

Le pape appelle le lundi à demeurer fidèle en l'Église et au Saint-Siège[12].

Arrestation(s) et enquêtes modifier

Paolo Gabriele, 46 ans, majordome du pape depuis 6 ans, est arrêté le [13] et incarcéré au Vatican[14]. Il est soupçonné d'être à l'origine des fuites vers Gianluigi Nuzzi car des documents classifiés ont été retrouvés dans son appartement par la police du Vatican.

Une Commission d'enquête sur les fuites de documents confidentiels du Siège apostolique a été instaurée. C'est une commission cardinalice qui a pleine autorité pour mettre au jour la chronologie des évènements qui ont porté à ces fuites. Les cardinaux Julian Herranz (président de la commission[14]), Jozef Tomko et Salvatore De Giorgi en font partie[15].

En parallèle, une enquête pénale a été ouverte par le juge d'instruction Piero Antonio Bonnet (it) et par le promoteur de justice Nicola Picardi. C'est elle qui a mené à l'arrestation du majordome du pape, Paolo Gabriele, le [15].

Le père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, de Radio Vatican et du Centre de Télévision du Vatican, a appelé plusieurs fois les médias à la prudence vis-à-vis des rumeurs qu'ils relayaient ou étaient tentés de relayer[16],[17].

Le , Paolo Gabriele a été libéré et assigné à résidence où il a pu retrouver sa femme et ses trois enfants. Toute personne voulant le rencontrer aura à en demander l'autorisation à la justice vaticane. Le même jour, les avocats du majordome du pape se sont exprimés pour la première fois en public précisant qu'« il n’existe aucun réseau, ni aucun complot à l’intérieur comme à l’extérieur du Vatican » et que « poussé par le désir d’aider, par amour envers le Pape », Paolo Gabriele avait agi en « idéaliste », par « motivation à caractère intérieur ». Ils ont également déclaré que le majordome du pape « se rend bien compte ces derniers jours que ce n’était pas la bonne méthode » et c'est pour cette raison qu'il a collaboré avec la justice dès le début et a demandé pardon au pape Benoît XVI[18].

Paolo Gabriele a été condamné par le Tribunal de la Cité du Vatican à 18 mois d'emprisonnement avec sursis. L'informaticien Claudio Sciarpelletti jugé plus tard écopa de deux mois de prison avec sursis.

Paolo Gabriele a été gracié par le pape Benoît XVI le [19]. En , il s'est vu offrir un emploi au Bambino Gesù (en), le grand hôpital pédiatrique du Vatican[20].

En , le quotidien italien La Repubblica publie un article sensationnaliste intitulé « Sexe et carrière, les chantages au Vatican derrière la renonciation de Benoît XVI[21] » qui avance une thèse pour expliquer la renonciation du pape Benoît XVI. Cet article évoque un rapport issu de la Commission d'enquête sur les fuites de documents confidentiels du Siège apostolique instaurée lors du Vatileaks. Ce rapport qui indiquerait les pressions d'un « lobby gay » faisant chanter certains prélats homosexuels et qui aurait été remis au pape en , aurait renforcé la décision de Benoît XVI de renoncer à sa charge[22].

Références modifier

  1. En référence aux révélations de télégrammes de la diplomatie américaine par WikiLeaks.
  2. « tempsreel.nouvelobs.com/monde/… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  3. a b et c « lci.tf1.fr/monde/institutions/… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  4. Sandro Magister, Viganò, l'intouchable, Chiesa, L'Espresso, 26 janvier 2012.
  5. Le Figaro, « Benoît XVI «affligé» d'avoir été trahi par son majordome », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. L'Obs, « Le majordome du pape officiellement arrêté dans l'affaire des fuites », L'Obs,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. « Un "lobby gay" derrière la démission de Benoît XVI ? » sur tempsreel.nouvelobs.com (consulté le 22 février 2013).
  8. « Vatileaks et "lobby gay" : Le Vatican fustige "médisance" et "calomnie" » sur http://www.liberation.fr (consulté le 23 février 2013).
  9. AFP, « Fuites au Vatican: un "acte criminel" », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. AFP, « Fuites au Vatican : une personne arrêtée », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. « Benoît XVI rassure les cardinaux après l'affaire «Vatileaks» », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. (fr) Le Pape souligne l'importance de la fidélité dans l'Église et au Saint-Siège, dans Radio Vatican le 11/06/2012, [lire en ligne].
  13. « lesechos.fr/entreprises-secteu… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  14. a et b (fr) Fuite de documents confidentiels. La Commission cardinalice veut aller vite, dans Radio Vatican le 26 juin 2012, [lire en ligne].
  15. a et b (fr) Vatileaks : la commission cardinalice reçue par le Pape, dans Radio Vatican le 16 juin 2012, [lire en ligne].
  16. « Vatileaks : le Saint-Siège exhorte les médias à la prudence », Radio Vatican, le 11 juin 2012, [lire en ligne].
  17. « Vatileaks : le père Lombardi sermonne les journalistes », Radio Vatican le 18 juin 2012, [lire en ligne].
  18. « Le majordome du Pape libéré et assigné à résidence », Radio Vatican le 21 juillet 2012, [lire en ligne].
  19. « france24.com/fr/20121222-vatil… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  20. « Vatileaks : le Vatican offre un emploi à l'ex-majordome du Pape », sur BFM TV, .
  21. (it) « Sesso e carriera, i ricatti in Vaticano dietro la rinuncia di Benedetto XVI », sur La Repubblica, .
  22. « Spéculations sur un « lobby gay » au Vatican », sur Le Figaro, .

Article connexe modifier