Adolfo Kaminsky

résistant et photographe français
Adolfo Kaminsky
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Adolfo Kaminsky ou Adolphe Kaminsky (né le à Buenos Aires et mort le à Paris) est un Résistant français, et photographe, surnommé « le Faussaire de Paris », spécialisé dans la fabrication de faux papiers d'identité. Il poursuivra cette activité clandestine pendant trente ans, pour différents mouvements de libération et pour des personnes opprimées par des dictatures, s'interdisant toujours d'être payé[1].

Biographie modifier

Résistant et faussaire modifier

Adolfo Kaminsky est né le à Buenos Aires[2] de parents juifs russes alors établis en Argentine. Sa famille s'installe en France en 1932 à Paris puis, en 1938 à Vire dans le Calvados. Après une ultime année de scolarisation (durant laquelle il se familiarise avec l'imprimerie), il travaille à la SGE (Société générale d'équipements), vite réquisitionnée par les Allemands après la défaite, puis dans une teinturerie où il se passionne pour la chimie des colorants. Il crée son propre laboratoire grâce à l'aide d'un pharmacien virois. Il parvient à travailler comme stagiaire dans une laiterie comme assistant d’un ingénieur chimiste.

En novembre 1940, sa mère Anna meurt sur la ligne Paris-Granville dans des circonstances suspectes. Comme toutes les familles juives de Vire, les Kaminsky sont recensés par les autorités locales au mois d'. La famille est arrêtée le par les Allemands[3], internée à la prison de la Maladrerie à Caen, puis transférée au camp de Drancy[4] une semaine plus tard. « Je savais ce qui attendait ceux qui allaient être déportés », expliquera-t-il dans un documentaire de treize minutes réalisé par le New York Times, intitulé « The Forger » (« Le Faussaire », 2016)[5]. En , Adolfo, son père Salomon, sa sœur Pauline et ses frères Paul et Angel[6] sont libérés après trois mois d’internement grâce à l'intervention du consulat d'Argentine à Paris, à la suite des lettres qu'ils ont adressées au consul lui demandant secours. Paul, le fils aîné, les distribue ainsi à des cheminots caennais ou les jette du wagon sur le trajet vers Drancy, comme un dernier recours[7],[8].

Âgé alors de 18 ans, il rejoint la résistance (la « Sixième », section de l'EIF), et devient responsable d’un laboratoire clandestin chargé de la fabrication de faux papiers, dirigé par Maurice Cachoud, du MLN. Sous le pseudonyme de Julien Keller[9], il passe le reste de la guerre à fabriquer sans relâche de faux documents, faux certificats de mariage, faux certificats de baptême, fausses cartes d’alimentation. Surnommé « le Faussaire de Paris », il permet ainsi à de nombreux Juifs d’échapper aux persécutions[10] et en particulier de sauver des milliers d’enfants juifs de la déportation. La plus grande demande concerne trois cents enfants, soit neuf cents documents à réaliser en trois jours. « Il fallait que je reste éveillé le plus longtemps possible. Lutter contre le sommeil. Le calcul était simple. En une heure, je fabriquais trente faux papiers. Si je dormais une heure, trente personnes mourraient. Plus que tout, j’avais peur de l’erreur technique », expliquait-il[5]. Sous l'Occupation allemande, les policiers parisiens traquent les résistants spécialisés dans la fabrication de faux papiers. Il s’en faut de peu qu’un jour de 1944, lors d’un contrôle, ils n’attrapent Adolfo Kaminsky qui transportait dans son sac cinquante cartes d’identité, sa plume, son encre, ses tampons et son agrafeuse. « Vous voulez voir mon casse-croûte ? », répond-il aux policiers, qui le laissent repartir.

À la libération de Paris, il est engagé par la Direction générale des études et des recherches - D.G.E.R. (qui est alors le service secret) mais il démissionne au moment des prémices de la guerre d'Indochine, par refus de collaborer à une guerre coloniale.

Une particularité de ce « faussaire politique » est d’avoir continué cette activité clandestine après la Libération. Adolfo Kaminsky enchaîne plusieurs combats pour la liberté de peuples différents, voire opposés. Après 1945, il aide l’émigration juive clandestine vers la Palestine, alors sous mandat britannique (depuis la décision de la Société des Nations en 1922), entre 1946 et 1948.

À la fin des années 1950, il s’engage en faveur de la décolonisation de l'Algérie et rejoint le réseau Jeansonl et l'action d'Henri Curiel qui soutiennent le FLN en France. Enfin, à partir de 1963, il vient en aide aux mouvements de libération des pays d'Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Venezuela, Salvador, Nicaragua, Colombie, Pérou, Uruguay, Chili, Mexique, Saint-Domingue et Haïti), d'Afrique (Guinée-Bissau, Angola et Afrique du Sud pendant l'Apartheid), du Portugal sous le régime de Salazar et des dissidents de Franco en Espagne[11]. Il soutient également les Grecs en lutte contre la dictature militaire « des colonels ». Il fait aussi des faux papiers pour les déserteurs américains qui ne voulaient pas faire la guerre du Viêt Nam. Il accepte aussi de faire des faux papiers en France, en 1968 pour Daniel Cohn-Bendit afin de lui permettre de prendre la parole à un meeting : Adolfo Kaminsky dit aussi que ce furent les faux papiers les plus médiatiques et les moins utiles qu'il eut à faire de toute sa vie mais que c'était une bonne occasion de faire un pied de nez aux autorités et qu'il n'y avait rien de plus poreux qu'une frontière et que les idées, elles, n'en avaient pas[10].

En 1971, il fabrique son dernier faux papier et met un terme définitif à son activité de faussaire.

Photographe modifier

Après la guerre, Adolfo Kaminsky réalise des milliers de photographies de son milieu où se pressent travailleurs, amoureux, brocanteurs, mannequins, barbus… Il travaille aussi pour les studios Harcourt et de grands décorateurs de cinéma[9].

Il est professeur de photographie au centre de formation professionnelle à Salembier, situé à Alger, en 1978[réf. nécessaire].

Une exposition rétrospective, Adolfo Kaminsky, faussaire et photographe, lui est consacrée au musée d'Art et d'Histoire du judaïsme (MAHJ) en 2019[12],[13]. Les photographies en noir et blanc d’Adolfo Kaminsky trouvent notamment leur inspiration dans le Paris populaire des années 1950. Elles montrent des petits métiers voués à disparaître, des scènes de rue empreintes de réalisme poétique et puis, surtout, la nuit parisienne qu’il aimait tant, à l’instar de Brassaï. Quand on l’interrogeait sur l’origine de cette passion secrète, Kaminsky répondait timidement, en chuchotant : « J’avais voulu qu’il existe quelque part un artiste, volontairement refoulé, parce qu’il était important de ne pas être connu, ni reconnu. »[5].

Cinéma modifier

Refusant d’être payé pour ses faux papiers, il exerce le métier de photographe et devient spécialiste de la photo couleur et du grand format, enchaînant reproductions d’œuvres d’art et photos de décors pour le cinéma. Il travaillera, par exemple, en 1950 avec le décorateur Alexandre Trauner sur le tournage d’un film de Marcel Carné, Juliette ou la Clé des songes.

Famille modifier

Il a deux enfants, Serge et Marthe, nés d’une première union.

Puis trois autres enfants sont nés de son union avec la photographe Leïla Kaminsky

Son fils Youcef José Lamine Kaminsky (né en 1977) est un rappeur français connu sous le nom de Rocé.

Sa fille Sarah Kaminsky (née en 1979) est écrivaine et comédienne. En 2009, elle retrace la vie de son père dans un livre intitulé Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire, publié aux éditions Calmann-Lévy.

Mort modifier

Adolfo Kaminsky meurt le 9 janvier 2023 à Paris, à l’âge de 97 ans[14]. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (Paris 20e)[15].

Expositions modifier

Liste non exhaustive

  • Adolfo Kaminsky, faussaire et photographe, Musée Edmond Michelet, Brive, 4 rue champanatier , du 28 novembre 2022 au 27 mai 2023 [9]
  • Adolfo Kaminsky, faussaire et photographe, Musée d'Art et d'Histoire du judaïsme, Paris, du 23 mai 2019 au 19 avril 2020[9]
  • Adolfo Kaminsky, faussaire et photographe, Mairie de Paris, du 2 décembre 2021 au 25 février 2022[16]

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Filmographie modifier

  • Faux et usage de faux : l'histoire vécue dans l'ombre (1942-1982), réalisé par Jacques Falck et produit par Les Films d'ici, 1999
  • The Forger, produit par Samantha Stark, Alexandra Garcia, Pamela Druckerman, Shadow Puppetry, Original Music & Sound design by Manual Cinema. Publié par The New York Times. 2016[17]

Émissions de radio modifier

Liens externes modifier

Notes et références modifier

  1. « Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire | Mars », sur Là-bas si j'y suis (consulté le )
  2. « Adolfo Kaminsky, résistant et photographe, est mort », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Correspondance préfectorale (Archives départementales du Calvados).
  4. « Adolfo KAMINSKY | Mémoire vir(e)tuelle » (consulté le )
  5. a b et c « Adolfo Kaminsky, résistant et photographe, est mort », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. « La famille KAMINSKY | Mémoire vir(e)tuelle » (consulté le )
  7. « La famille KAMINSKY | Mémoire vir(e)tuelle » (consulté le )
  8. « Adolfo Kaminsky, résistant et photographe, est mort », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. a b c et d Yves Jaeglé, « Adolfo Kaminsky, «le faussaire de Paris» qui a sauvé tant de juifs », sur leparisien.fr, (consulté le )
  10. a et b « Sarah Kaminsky : Adolfo, une vie de faussaire »,conférence donnée à Paris le 30 janvier 2010, dans le cadre des conférences TedX (vidéo de 14 min 46 s), sur liberation.fr [vidéo]
  11. « Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire II | Mars », sur Là-bas si j'y suis, (consulté le )
  12. « Adolfo Kaminsky, faussaire et photographe », page 12.
  13. « Adolfo Kaminsky : Résistance, faux papiers », sur France Culture (consulté le )
  14. « Adolfo Kaminsky, la mort après une vie héroïque de faux et de photos », sur Libération (consulté le )
  15. « France: le résistant Adolfo Kaminsky, photographe et roi des faussaires, enterré à Paris », sur RFI, (consulté le )
  16. « Permis de vivre (Sur Adolfo Kaminsky) », sur K. Les Juifs, l’Europe, le XXIe siècle, (consulté le )
  17. (en-US) Samantha Stark, Alexandra Garcia, Pamela Druckerman et Manual Cinema Studios, « Video: Opinion | The Forger », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )