Épiphyte

organisme qui pousse en se servant d'autres plantes comme support.

Les épiphytes[1] sont des organismes (plantes, champignons lichénisés, algues, bactéries) qui poussent en se servant d'autres plantes comme support (corticole, épiphylle, etc). Il ne s'agit pas de parasites car les organismes impliqués dans cette épibiose ne prélèvent rien au détriment de leur hôte.

Une plante épiphyte (Tillandsia sp.) poussant sur un chêne (Quercus sp), au Mexique.
Arbre (Acer macrophyllum) colonisé par des épiphytes, à Tacoma (USA).
Le bialbero di Casorzo, un cerisier épiphyte d'un mûrier.

Les épiphytes sont des organismes autotrophes photosynthétiques ; ils sont capables d'absorber l'humidité de l'air et trouvent les sels minéraux, partiellement dans l'humus qui peut se former à la base des branches, et pour une autre partie dans les particules et gaz, absorbés ou solubilisés dans l'eau de la pluie et des rosées. Ce type de plantes est particulièrement bien représenté chez les ptéridophytes, les orchidées, les broméliacées, les aracées, les pipéracées et les bégoniacées. Sous l'eau, les organismes vivant en se fixant à la surface de plantes aquatiques forment l'épiphyton. La biomasse d'épiphyton varie selon la teneur de l'eau en nutriments, la luminosité, la profondeur, la disponibilité en plantes support, etc.[2].

On les rencontre surtout dans la zone intertropicale, et plus particulièrement dans les forêts ombrophiles. Certains arbres, à l'écorce lisse ou phytotoxique, ou se desquamant régulièrement, sont exempts ou presque dépourvus d'épiphytes.

En zone tempérée, la présence et la diversité de lichens épiphytes sont considérées comme des bioindicateurs de la qualité de l'air et de l'environnement.

L’épiphytisme désigne l'ensemble des caractères d'un taxon rendant possible sa vie en épiphyte.

Étymologie modifier

Le terme épiphyte vient du grec ἐπί / epí, « sur » et de φυτόν / phutón, « végétal » ; littéralement « à la surface d'un végétal ».

Écosystèmes suspendus modifier

Les plantes et organismes épiphytes contribuent à la complexification naturelle des écotones, multipliant ainsi l'offre en micro-habitats sur un arbre, sur un tronc[3] ou dans l'écosystème.

Plusieurs épiphytes peuvent successivement pousser les uns sur les autres et accumuler de l'eau au point où, dans les forêts tropicales pluvieuses, des branches se brisent, cédant sous le poids de plusieurs tonnes d'eau accumulée dans les mousses et les broméliacées.

Des écosystèmes suspendus complexes se constituent ainsi au fil du temps. Sous les tropiques, certains invertébrés et de nombreux amphibiens peuvent y passer toute leur vie, et pendant plusieurs générations, sans jamais descendre au sol, en buvant et pondant leurs œufs dans l'eau accumulée dans les phytotelmes des broméliacées.

Écosystèmes aquatiques modifier

Sous la mer, des communautés spécifiques d'épiphytes existent sur les frondes d'algues géantes des forêts de kelp, ou encore par exemple sur les feuilles et rhizomes d'herbiers marins[4] mais aussi ou sur les zostères de la zone intertidale[5]. Elles varient selon le degré d'eutrophisation du milieu[4].

Dans les espaces restreints, en aquariophilie notamment, en raison d'une eutrophisation rapide du milieu, les algues et bactéries épiphytes peuvent produire des tapis envahissants sur les plantes aquatiques.

Exemples de plantes épiphytes modifier

 
Orchidées
 
Gui, début du XXe siècle, Henri Bergé, musée de l'Ecole de Nancy.

Remarque: certaines plantes, comme les Moracées, ont une première phase épiphyte, avant d'envoyer vers le sol des tiges aériennes qui s'enracineront ; ce mode de croissance est dit hémi-épiphyte. Il en est de même pour certaines aracées qui germent au sol, puis continuent leur croissance sur un support (tronc, rocher...) pour finir leur vie en épiphyte au sens strict, leur partie terrestre se désagrégeant au profit de leur partie aérienne.

Les épiphytes et les humains modifier

Intérêt historique et patrimonial modifier

Les épiphytes conservés sur des bois ou arbres très anciens utilisés en charpentes de toitures ou conservés depuis l’époque pré-industrielle ont une réelle valeur archéologique et pour l’écologie rétrospective, en particulier les lichens dont certaines espèces (ex : Pertusaria dont Pertusaria leioplaca), ont une croissance très lente et vivent très longtemps (décennies à siècles) puis peuvent avoir été conservés desséchés durant encore des siècles ou décennies[6].

Épiphytes et rendement des arbres cultivés modifier

La plupart des épiphytes ne sont pas une gêne pour les arbres-supports, même s'il existe des parasites comme le gui ou des plantes étrangleuses comme les célèbres figuiers étrangleurs (des hémi-épiphytes en réalité puisque leurs racines finissent par devenir autoportantes).

Ainsi le lierre fait partie de l’écosystème de nombreuses forêts de zone tempérée, et on a récemment montré que les épiphytes n’améliorent ni ne diminuent le rendement des cacaoyers (dont la fève pousse sur le tronc)[7]. En effet l'effet délétère de la captation par le lierre de ressources hydriques et lumineuses[8] est compensé par les effets positifs du tampon thermo-hygrométrique sur le microclimat qui, en dynamisant l'action des pollinisateurs, induit une biodiversité favorable à la résilience des arbres et de la forêt.

Statut de conservation modifier

Menaces modifier

Nombre d'épiphytes semblent pouvoir être menacées par les pesticides ou pollutions acides, et plus directement encore par les coupes rases ou des éclaircies trop « dures »[9], par le rajeunissement excessif des forêts (et généralement conjointement par la raréfaction des très grands arbres anciens dominants et émergents au-dessus de la canopée, y compris en forêt tempérée pluvieuse comme on l'a montré au Chili[10]). La fragmentation forestière, mais aussi le dérèglement climatique sont d'autres facteurs de menace[11] et en particulier quand ils contribuent à assécher le microclimat forestier, par exemple en forêts feuillues sempervirente humides de montagne selon une expérience conduite récemment (publication 2012) dans le sud-ouest de la Chine[12].

Gestion écologique, renaturation modifier

Quelques expériences (dont en chênaies de zone tempérée[13]) ont montré qu'une gestion restauratoire de la forêt par coupe sélective orientée vers la conservation des arbres les plus riches en épiphytes patrimoniaux et/ou menacés permet d'une part d'augmenter dans ces arbres la densité des espèces en question, tant pour les lichens que les bryophytes, et au profit de la conservation, mais aussi de favoriser une recolonisation des autres arbres de la parcelle ou d'arbres proches (à une vitesse qui peut dépasser 60 m en 8 ans)[13].

Notes et références modifier

  1. Nota bene : Épiphyte est masculin.
  2. (en) Sophie Lalonde et John A. Downing, « Epiphyton Biomass is Related to Lake Trophic Status, Depth, and Macrophyte Architecture », Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, vol. 48, no 11,‎ , p. 2285–2291 (ISSN 0706-652X et 1205-7533, DOI 10.1139/f91-268, lire en ligne, consulté le )
  3. LeBlanc, F. 1960. Écologie et phytosociologie des épiphytes corticoles du sud du Québec. Thèse de doctorat. Université de Montréal.
  4. a et b David Balata, Iacopo Bertocci, Luigi Piazzi, Ugo Nesti (2008), Comparison between epiphyte assemblages of leaves and rhizomes of the seagrass Posidonia oceanica subjected to different levels of anthropogenic eutrophication ; Estuarine, Coastal and Shelf Science, Volume 79, Issue 3, 10 September 2008, Pages 533-540.
  5. Benoit Lebreton, Pierre Richard, Gilles Radenac, Monique Bordes, Martine Bréret, Christophe Arnaud, Françoise Mornet, Gérard F. Blanchard (2009), Are epiphytes a significant component of intertidal Zostera noltii beds? ; Aquatic Botany, Volume 91, Issue 2, August 2009, pages 82-90.
  6. (en) Rebecca Yahr, Brian J. Coppins et Christopher J. Ellis, « Preserved epiphytes as an archaeological resource in pre-industrial vernacular buildings », Journal of Archaeological Science, vol. 38, no 6, juin 2011, p. 1191-1198(résumé).
  7. S. Goda Sporn, Merijn M. Bos, S. Robbert Gradstein (2007), Is productivity of cacao impeded by epiphytes? An experimental approach ; Agriculture, Ecosystems & Environment, Volume 122, Issue 4, December 2007, Pages 490-493 (résumé)
  8. Dirk Hölscher, Lars Köhler, Albert I.J.M. van Dijk, L.A.(Sampurno) Bruijnzeel (2004), The importance of epiphytes to total rainfall interception by a tropical montane rain forest in Costa Rica ; Journal of Hydrology, Volume 292, Issues 1–4, 15 June 2004, Pages 308-322 (résumé)
  9. Ursula Hietz-Seifert, Peter Hietz, Sergio Guevara (1996), Epiphyte vegetation and diversity on remnant trees after forest clearance in southern Veracruz, Mexico ; Biological Conservation, Volume 75, Issue 2, 1996, pages 103-111 (résumé)
  10. Iván A. Díaz, Kathryn E. Sieving, Maurice E. Peña-Foxon, Juan Larraín, Juan J. Armesto (2010), Epiphyte diversity and biomass loads of canopy emergent trees in Chilean temperate rain forests : A neglected functional component ; Forest Ecology and Management, Volume 259, Issue 8, 31 March 2010, pages 1490-1501 (résumé)
  11. Christopher J. Ellis, Brian J. Coppins, Terence P. Dawson (2007), Predicted response of the lichen epiphyte Lecanora populicola to climate change scenarios in a clean-air region of Northern Britain ; Biological Conservation, Volume 135, Issue 3, March 2007, pages 396-404 (résumé)
  12. Liang Song, Wen-Yao Liu, Nalini M. Nadkarni (2012), Response of non-vascular epiphytes to simulated climate change in a montane moist evergreen broad-leaved forest in southwest China Original Research Article Biological Conservation, Volume 152, August 2012, Pages 127-135
  13. a et b jörn Nordén, Heidi Paltto, Christina Claesson, Frank Götmark (2012), Partial cutting can enhance epiphyte conservation in temperate oak-rich forests Original Research ArticleForest Ecology and Management, Volume 270, 15 avril 2012, pages 35-44B.

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Bibliographie modifier

  • (en) Victor Johansson, Tord Snäll, Thomas Ranius. (2012) Estimates of connectivity reveal non-equilibrium epiphyte occurrence patterns almost 180 years after habitat decline. Oecologia, en ligne : 30-Oct-2012.
  • (en) Christopher J. Ellis (2012), Lichen epiphyte diversity: A species, community and trait-based Perspectives in Plant Ecology, Evolution and Systematics, Volume 14, Issue 2, 20 April 2012, Pages 131-152
  • (en) Tom M. Fayle, Edgar C. Turner, Jake L. Snaddon, Vun Khen Chey, Arthur Y.C. Chung, Paul Eggleton, William A. Foster (2010), Oil palm expansion into rain forest greatly reduces ant biodiversity in canopy, epiphytes and leaf-litter ; Basic and Applied Ecology, Volume 11, Issue 4, June 2010, Pages 337-345 (résumé)
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  • (en) Christopher J. Ellis, Brian J. Coppins (2009), Quantifying the role of multiple landscape-scale drivers controlling epiphyte composition and richness in a conservation priority habitat (juniper scrub) ; Biological Conservation, Volume 142, Issue 7, July 2009, Pages 1291-1301 (résumé)