Élections législatives grecques de décembre 1915

Les élections législatives grecques anticipées du (6 décembre a.s.) élurent les membres du parlement grec. Elles furent largement remportées par les « Nationalistes » de Dimítrios Goúnaris (en fait les partisans du roi Constantin). Le parti libéral d'Elefthérios Venizélos boycotta le scrutin. Stéphanos Skouloúdis resta Premier ministre.

Le roi Constantin Ier de Grèce.
Le Premier ministre grec Elefthérios Venizélos.

Fonctionnement du scrutin modifier

Conformément à la constitution de 1864, les élections se déroulèrent au suffrage masculin direct et secret. Depuis 1877, hormis quelques exceptions, tous les hommes de plus de 21 ans étaient électeurs. Les députés étaient répartis en proportion de la population de la province : un député pour 10 000 habitants ; avec un minimum de 150 députés. Une loi de 1862 stipulait de plus que les Grecs « hétérochtones » (vivant hors des frontières du pays, à l'inverse des « autochtones » vivant à l'intérieur) étaient aussi électeurs[1].

Les députés étaient élus à la majorité absolue, au niveau provincial. Chaque électeur disposait d'autant de votes qu'il y avait de candidats. Les électeurs, la plupart analphabètes, ne votaient pas avec des bulletins, mais avec des boules de plomb. Il y avait autant d'urnes qu'il y avait de candidats. L'électeur glissait la main dans l'urne et plaçait sa boule soit à droite (partie blanche, inscrite « oui »), soit à gauche (partie noire, inscrite « non »). Les urnes étaient en acier recouvert de laine pour éviter qu'un bruit quelconque informe de la façon dont l'électeur avait voté. Le député qui avait obtenu la majorité (en principe), mais proportionnellement le plus de voix (dans la réalité) était élu[1].

Contexte modifier

Au début de la Première Guerre mondiale, la Grèce resta neutre, mais les grandes puissances essayaient d'obtenir sa participation au conflit. Le pays traversa alors une grave crise intérieure. La Cour, et surtout le roi Constantin, qui était marié à la sœur de Guillaume II, penchaient plutôt pour les puissances centrales. Elefthérios Venizélos préférait quant à lui l'Entente[2].

Après l'échec de l'expédition des Dardanelles, Venizélos, conforté par sa large victoire électorale aux législatives de mai/juin, autorisa le les forces alliées qui se repliaient depuis les Dardanelles à débarquer à Thessalonique. Après un débat houleux à la chambre le 4, le Premier ministre obtint un vote de confiance. Le lendemain, , il fut convoqué par le roi au palais de Tatoï. Le souverain exigea et obtint sa démission[3]. Un mois plus tard, le , Venizélos suscita un débat sur la question de l'entrée en guerre aux côtés des alliés, depuis que les Bulgares étaient entrés en guerre aux côtés des Allemands et des Autrichiens et que Thessalonique était menacée. S'il réussit à faire tomber le gouvernement d'Alexandros Zaimis, il ne fut pas rappelé au pouvoir[4]. Au contraire, le roi décida la dissolution du parlement et la convocation de nouvelles élections. Les vénizélistes décidèrent de ne pas prendre part à des élections qu'ils considéraient comme illégales[5],[6].

Résultats modifier

Ces élections, comme les suivantes, firent la transition entre la tradition ancienne où les partis étaient identifiés par le nom de leur chef de file et la nouveauté, avec des partis portant un nom sans lien avec leur leader[7].

Il y avait 335 sièges à pourvoir[8],[9]. Il y eut 334 945 suffrages exprimés (moitié moins qu'aux élections de mai/juin)[10]. Les « Nationalistes » de Dimítrios Goúnaris arrivèrent largement en tête avec 256 sièges[8]. Stéphanos Skouloúdis resta Premier ministre[11].

En , la France et le Royaume-Uni obligèrent le roi à partir en exil. Le gouvernement d'Alexandros Zaimis fut poussé à la démission et Venizélos redevint Premier ministre. Il rappela alors le parlement élu en mai/, mettant fin à celui élu en décembre de la même année[12],[13],[14].

Parti Sièges
Nationalistes (Dimítrios Goúnaris) 256
Partisans de Geórgios Theotókis (Nouveau Parti) 21
« Loyalistes » d'Épire du Nord 19
Partisans de Dimítrios Rállis (Parti néohellénique) 18
Indépendants 11
Partisans de Nikólaos Dimitrakópoulos (el) (Parti progressiste) 5
Partisans de Íon Dragoúmis (royalistes) 5
Total 335
Source : Pantelis, Koutsoubinas, Gerapetritis, 2010, p. 856

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • (en) Richard Clogg, A Concise History of Greece, Cambridge, Cambridge U.P., , 257 p. (ISBN 0-521-37830-3)
  • (fr) Édouard Driault et Michel Lhéritier, Histoire diplomatique de la Grèce de 1821 à nos jours : La Grèce et la Grande Guerre. De la révolution turque au traité de Lausanne (1908-1923), t. V, Paris, PUF, , 568 p.
  • (en) Antonis Pantelis, Stephanos Koutsoubinas et George Gerapetritis, « Greece », dans Dieter Nolhen et Philip Stöver (dir.), Elections in Europe : A Data Handbook, Baden-Baden, Nomos, , 2070 p. (ISBN 9783832956097)
  • Apostolos Vacalopoulos, Histoire de la Grèce moderne, Horvath, , 330 p. (ISBN 2-7171-0057-1)
  • (en) John Van der Kiste, Kings of the Hellenes : The Greek Kings, 1863-1974, Sutton Publishing, , 200 p. (ISBN 0-7509-2147-1)

Liens externes modifier

Notes et références modifier

  1. a et b Pantelis, Koutsoubinas et Gerapetritis 2010, p. 814-815.
  2. Vacalopoulos 1975, p. 220-225.
  3. Driault et Lhéritier 1926, p. 204-206.
  4. Driault et Lhéritier 1926, p. 210.
  5. Driault et Lhéritier 1926, p. 228.
  6. Van der Kiste 1999, p. 95.
  7. Pantelis, Koutsoubinas et Gerapetritis 2010, p. 837.
  8. a et b Pantelis, Koutsoubinas et Gerapetritis 2010, p. 856.
  9. Il semblerait que dans le contexte de guerre et de crise politique, le parlement ait été considéré comme très important, qualifié d'Assemblée nationale et le nombre d'élus doublé.
  10. Pantelis, Koutsoubinas et Gerapetritis 2010, p. 831.
  11. Pantelis, Koutsoubinas et Gerapetritis 2010, p. 868.
  12. Clogg 1992, p. 93.
  13. Driault et Lhéritier 1926, p. 310.
  14. Vacalopoulos 1975, p. 220.