École, collège et lycée Saint-François

L’école, collège et lycée Saint-François, dit le Juvénat (et plus simplement le Juvé), est un établissement catholique français, privé sous contrat avec l’État, d’enseignement élémentaire et secondaire. Il est situé sur la frontière franco-suisse à Ville-la-Grand (Haute-Savoie). Il s'agit d'un ancien séminaire créé par les Missionnaires de Saint François de Sales (MSFS) en 1920.

Le Juvénat

Description de cette image, également commentée ci-après
Entrée principale du Juvénat
Identité
Couleurs Bleu
Histoire et statut
Fondation novembre 1920
Type Etablissement privé catholique sous contrat d’association avec l’Etat
Administration
Académie Grenoble
Directeur

Guénaël Morio[1] (Collège et Lycée)

Marie-Cécile Bruguier (Primaire)
Études
Population scolaire

50 élèves en primaire (en 2015)

900 élèves au collège (en 2015)

430 élèves au lycée (en 2015)
Enseignants 87 (en 2015)
Formation

Primaire (CM1 et CM2)

Collège général

Lycée général (S, ES et L : ancienne réforme)
Langues anglais, allemand, espagnol, italien, latin
Localisation
Ville Ville-la-Grand
Pays Drapeau de la France France
Site web http://www.juvenat.com/
Coordonnées 46° 12′ 17″ nord, 6° 14′ 47″ est
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
École, collège et lycée Saint-François
Géolocalisation sur la carte : Haute-Savoie
(Voir situation sur carte : Haute-Savoie)
École, collège et lycée Saint-François

Il accueille notamment les élèves de la primaire (CM1), jusqu'en terminale. Il est classé meilleur lycée de France, par le journal Le Monde en 2016.

Histoire modifier

Avant 1920 modifier

L’aumônerie est l’endroit le plus ancien, on y trouve un pressoir, datant de 1553 et gravé aux armes de la maison de Grailly. En ce qui concerne l’école, les parties plus anciennes se dressent à l’emplacement des communs du château des Grailly, disparut en 1582[2].

Puis, dans la deuxième partie du XVIIIe siècle, une résidence de campagne genevoise fut construite sur une autre partie des communs : c’est l’actuel bâtiment du lycée[3].

Quand la Révolution française éclata, elle s’étendit sur le Duché de Savoie et imposa aux prêtres de lui jurer fidélité. Le curé de Ville-la-Grand (le père Jean-François Perret) s’y refusa et devint alors « prêtre réfractaire ». Il dut donc officier en secret. C’est au Juvénat, appelé alors « Château des Ponts » qu’il célébra la messe dès le [3].

Vers la fin du XIXe siècle, le Château des Ponts devint la propriété des Sœurs de Saint Vincent de Paul. Il fut transformé en orphelinat pour filles. Les sœurs modifièrent l’aspect des bâtiments en créant des dortoirs et en ajoutant une chapelle dédiée à Sainte Crescentienne, dont les reliques enchâssées ornaient l’autel. Cette chapelle est aujourd’hui la salle d’étude du lycée (il n’y a plus ni autel ni reliques)[3].

En 1903, les Missionnaires de Saint François de Sales, revenus en France, cherchèrent une grande bâtisse qui pourrait abriter un petit séminaire. En 1919, la présence d’une chapelle ainsi que de dortoirs, les décida à acquérir la propriété qui devint le Juvénat de Ville-la-Grand[3].

Fondation du Juvénat modifier

Les Missionnaires de Saint François de Sales ouvrirent l’école en avec 34 élèves[4]. Cette école était un juvénat (petit séminaire), préparant les enfants à devenir prêtres et plus spécialement Missionnaires de Saint-François[4]. Sur les 34 premiers élèves, la moitié, soit 17, devinrent prêtres[3]. À son début, l’école n’avait que trois classes : 7e (C.M.2), 6e et 5e. Tous les professeurs étaient des religieux et les élèves étaient internes[3].

Dès l’année suivante, l’école va gagner quelques élèves, en 1954, on comptait 55 élèves[3]. Ils suivaient un « enseignement classique », c’est-à-dire intégrant latin et grec ancien. À côté des enseignements religieux et scolaires, les enfants devaient participer aussi aux travaux des vignes (qui entourent toujours le Juvénat mais ne lui appartiennent plus), du jardin et des prés[3].

Jusqu’en 1967, les Prêtres et les élèves, cohabitaient avec des sœurs de la Croix de Chavanod, qui s’occupaient de la cuisine et du linge pour les religieux et les internes[3].

Pendant la Seconde Guerre mondiale modifier

De par sa position unique, à cheval sur la frontière franco-suisse, et à vingt minutes à pied de la gare d’Annemasse, le Juvénat joua pendant les années d’occupation fasciste, un rôle éminent de lieu de refuge et de passage vers la Suisse neutre. Mais au-delà de sa position, c’est grâce aux Pères Louis Favre et Gilbert Pernoud ainsi qu'au Frère Raymond Boccard, que fut mis en place les passages clandestins de pourchassés[5].

Dès la fin de 1941 et jusqu’à l’occupation de la zone libre, ce sont surtout des Hollandais, la plupart officiers de réserve, qui voulaient rejoindre le consulat de Hollande à Genève. Après l’effondrement de l’occupation italienne en , la période noire commence : à mesure que l’occupation allemande augmente, l’afflux de fugitifs se fit de plus en plus important. La grande majorité de ces fugitifs étaient Juifs, traqués uniquement à cause de leur religion (près de 90 % du total d’après le Père Frontin[3], directeur de l’époque). Le passage en Suisse se faisait par le franchissement du mur d’enceinte du Juvénat, entre deux rondes de douaniers. Le Frère Raymond Boccard servait de guetteur depuis une fenêtre située au Sud (pour signaler les policiers ou miliciens français) et depuis une autre, ouverte à l’ouest pour prévenir des patrouilles de gardes-frontières allemands ou italiens. Lorsque la voie était libre, il retirait son béret. Les clandestins qui attendaient au pied du mur avec le Père Favre ou le Père Pernoud avaient environ deux minutes et demi pour franchir la frontière, avant le retour des patrouilles.

Le jeudi , vers 16h 30, une dizaine de soldats allemands investissent le séminaire pour procéder à l’arrestation de l’un des Pères, qui travaillait pour la Résistance (et non pas pour les activités de passeur de fugitifs). Ils ne savent pas s’il s’agit du Père Favre ou du Père Favrat, les deux noms étant proches[6]. Le Père Favre, étant prévenu trop tard pour passer la frontière, se réfugie dans les toilettes des élèves. Les odeurs troublent les chiens allemands qui ne le trouvent pas. Peu avant 23 heures, il est arrêté. Selon le Père Mercier, élève à l’époque, il se serait rendu de peur que les Allemands mettent le feu à l’école[3]. Mais la version du Père Pernoud est plus vraisemblable : « Affaibli dans sa résistance physique par quatre heures de stationnement en manche de chemise dans un cabinet glacial, dégoûté peut-être de prolonger une lutte qu’il sentait sans issue, peut-être aussi par un motif supérieur de charité pour ses confrères et la maison, le Père Favre, qui était sans doute venu se chauffer au radiateur brûlant de la salle de récréation, n’esquissa même pas un geste de fuite, alors qu’il pouvait entendre depuis un moment les pas et les cris qui se rapprochaient. Et c’est là, debout dans la salle de récréation, que ses assaillants, surpris et rageurs, le découvrirent. »[3].

Il fut emmené avec le Père Favrat. Celui-ci a été rapidement libéré. Après six mois de torture pendant lesquels il ne donne ni nom ni information, le Père Favre est finalement exécuté à Vieugy le , quelques semaines avant la Libération du département. Dès le lendemain de l’arrestation, l’école est vidée et réquisitionnée par les Allemands.

L’aide au franchissement de la frontière a contribué à sauver selon les différentes estimations de « plus d’un millier » à « bien plus de deux milliers » de vies[7]. Le nombre de 2 000 fugitifs secourus a été retenu sur la plaque commémorative apposée sur la façade de l’école en 1987.

Le Père Louis Favre fut élevé au rang de Juste parmi les nations à titre posthume en 1986[8]. Le Père Gilbert Pernoud et le Frère Raymond furent élevés au rang de Juste parmi les nations le [9],[10]. Le Père Frontin fut élevé à ce rang à titre posthume, le [11].

Depuis 1945 modifier

 
Cours Aile Ouest Juvénat
 
Piscine Gymnase Juvénat
 
Self Principal Juvénat

Après la Seconde Guerre mondiale, le Juvénat se transforme. D’abord dans sa finalité : dès 1950, ce n’est plus uniquement un petit séminaire, mais une école où tous les garçons désirant ou non devenir prêtres sont autorisés à entrer. Ensuite dans ses formes : l’établissement est agrandi sur le jardin des prêtres. C’est aussi à cette époque que les Pères firent aménager les combles au-dessus de l’internat, et s’installent au deuxième étage (qu’ils occupent toujours). Vers 1953-55, une ferme est construite, le rez-de-chaussée servait d’étable, et le premier étage de fenil. C’était aux élèves de soigner les bêtes, mais aussi de s’occuper du jardin et des champs[3].

En 1958, un laïc devient enseignant, et en 1960, l’État français passe contrat avec le Juvénat qui devient alors « l’École Secondaire Privée Saint-François de Sales »[4].

Le nombre d’élèves grandissant, un premier préfabriqué s’éleva en 1955 et fut complété d’un deuxième en 1960. La ferme fut réhabilitée en cinq classes en 1963. La nouvelle chapelle fut terminée en 1964, et bénie par Monseigneur Sauvage, évêque d’Annecy. Petit à petit, elle servit aussi de salle de conférence puis de salle de théâtre et de cinéma[12].

En 1967, un nouveau préfabriqué est construit, servant initialement pour les 4e et 3e, puis pour les salles de technologie et d’arts plastiques[4]. Cependant, si le nombre d’élèves ne cesse d’augmenter, toutes les classes ne sont pas assurées : jusqu’en 1966, il n’y avait pas de terminale[3]. En 1967, Le Juvénat devient mixte pour les élèves mais aussi pour les professeurs[4].

En 1972, les bâtiments de 4e/3e et celui de 5e, ainsi que le gymnase et la piscine sont construits[4].

En 1977, pour la première fois, le chef d’établissement n’est plus un religieux : c’est un laïc, M. Maillet qui resta à la direction du Juvénat jusqu’en 1992. Les deux directeurs suivants, André Claret (de 1992 à 2009) et Guénaël Morio (depuis 2009) sont eux aussi des laïcs[4].

Le bâtiment de 6e est construit en 1989. En 1990, le C.D.I. (Centre de Documentation et d’Information) en libre accès, remplace la bibliothèque dont les livres n’étaient accessibles que par l’intermédiaire d’un responsable[3].

En 1993, l’internat ferme ses portes. En 1994-95, une importante étape de rénovation et de démolition commence : le château est rénové et accueille les classes de lycée, les préfabriqués des années 1960 sont démolis et remplacés par un bâtiment de trois étages accueillant au rez-de-chaussée un self, aux premier et deuxième étages, des salles de sciences, et au troisième étage, un C.D.I.[4].

En 2007, le gymnase et la piscine sont rénovés, le stade est construit[4].

En 2009, un étage est ajouté aux bâtiments du collège pour de nouvelles classes et un C.D.I. collège[4].

En 2010-11, quatre nouvelles salles de science sont ajoutées, et le self est rénové[4].

En commença la construction d'un nouveau bâtiment, qui devrait accueillir dès la rentrée 2017 des salles spécialisées (salles de technologie, d'arts plastiques, de musique et d'informatique) ainsi que des salles de classe et un auditorium. Ce bâtiment se trouvera à l'emplacement de la "ferme"[13].

Formations et actions périscolaires modifier

Enseignements dispensés modifier

Le Juvénat est ouvert à tous, mais il attend de chacun le respect de son caractère chrétien, il dispense un enseignement conforme aux programmes de l’Éducation Nationale. Il y a deux classes de C.M.2 (50 élèves), trente-deux classes de collège (900 élèves) et quinze classes de lycée (430 élèves).

  • Collège :
    • Classes bilangues Allemand/Anglais et Espagnol/Anglais, dès la 6e
  • Lycée général

Actions humanitaires modifier

Avec les Missionnaires de Saint François de Sales, le Juvénat contribue à l’association Fides India, afin d'aider les enfants pauvres de l’État de Karnataka (Inde) à accéder à l’éducation[14].

Classement du lycée modifier

En 2016, le lycée Saint-François est classé meilleur lycée de France par Le Monde avec 100 % de réussite aux trois filières générales du bac[15]. Ce classement s’établit sur quatre critères : le taux de réussite au baccalauréat, le taux d’accès de la première au bac, le taux d’accès de la terminale au bac et la « valeur ajoutée » (qui compare le taux de réussite au bac du lycée, par rapport au taux attendu)[Note 1].

Personnalités liées au Juvénat modifier

Enseignants modifier

  • R.P. Louis Favre (1910-1944), ancien élève, devenu professeur, prêtre et résistant. Chevalier de la Légion d’honneur. Juste parmi les nations[8].
  • R.P. Gilbert Pernoud (1901-1978) professeur de lettres et d’allemand, prêtre et résistant. Juste parmi les nations[9].
  • Frère Raymond Boccard (1904-1996) religieux, jardinier et résistant. Juste parmi les nations[10].
  • R.P. Pierre Frontin, directeur pendant la Seconde Guerre mondiale. Juste parmi les nations[11].

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • AMOUDRUZ, Robert et GAVARD, Guy. Annemasse, la frontière et Genève. La Fontaine de Siloé, 2015. 464 p.
  • BUATHIER, Henri. Notice sur les Grailly, seigneurs de Ville-la-Grand. 1981. 30 p.
  • CEFFA, Gilbert. Louis-Adrien Favre – Prêtre et patriote-résistant – Dix-huit messages de captivité. La Salévienne, 2009.
  • Guy Gavard (préf. Paul Guichonnet), Histoire d'Annemasse et des communes voisines : les relations avec Genève de l'époque romaine à l'an 2000, Montmélian, La Fontaine de Siloé, coll. « Les Savoisiennes », , 439 p. (ISBN 978-2-84206-342-9, lire en ligne).
  • GIROUD, Nicole. Mission et calvaire de Louis Favre : la filière franco-suisse. Cabedita, 2012. 260 p.
  • JACQUET, Abel. Ville-la-Grand. Académie Salésienne, 1971. 244 p.
  • MORIO, Guénaël. Les Pères passeurs du Juvénat pendant la Seconde Guerre mondiale. Echos Saléviens, revue d’histoire régionale, 2015, no 22 : La Frontière entre la Haute-Savoie (1939 – 1945).
  • Ville-la-Grand, étape 2000. Mairie de Ville-la-Grand, 2000. 147 p.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Site officiel

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Interview de Guénaël Morio paru dans Le Nouvel Obs[16].

Références modifier

  1. Classement : quels sont les meilleurs lycées de France ? – L’Obs [en ligne]. Le Nouvel Obs consulté le 31 mars 2016. Disponible sur : http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20160330.OBS7366/quels-sont-les-meilleurs-lycees-de-france.html
  2. La Famille [de Grailly] [en ligne]. Consulté le 25 août 2015. Disponible sur : http://histarcachon.free.fr/lafamillegrailly1.htm
  3. a b c d e f g h i j k l m n et o Guénaël Morio, Guy Rouat, Historique. Plaquette de l’école, collège, lycée St François, 2007, p. 4-13.
  4. a b c d e f g h i j et k « Présentation – Lycée St François » [en ligne]. Consulté sur http://www.juvenat.com, le 5 juillet 2015, Lire en ligne.
  5. Vincent Dozol (sous la direction de Vergnon, Gilles), Annemasse, ville frontière 1940-1944, doc.sciencespo-lyon.fr, mémoire soutenu le 21 juin 2010 [consulté le 8 juillet 2015]. p. 42-45. Lire en ligne : [PDF] ici.
  6. Nicole Giroud, Mission et calvaire de Louis Favre : la filière franco-suisse, Cabedita, 2012, p. 13-37.
  7. État de Genève > Archives d'État > 09. Le Juvénat de Ville-la-Grand [en ligne]. Consulté sur http://www.etat.geneve.ch, le 6 juillet 2015. Disponible sur :http://etat.geneve.ch/dt/archives/page_suivante-66-4709-11324.html
  8. a et b Le comité français pour Yad Vashem : Favre Louis [en ligne]. http://www.yadvashem-france.org, [consulté le 8 juillet 2015]. Disponible sur : http://www.yadvashem-france.org/les-justes-parmi-les-nations/les-justes-de-france/dossier-193/
  9. a et b Le comité français pour Yad Vashem : Pernoud Gilbert [en ligne]. http://www.yadvashem-france.org, [consulté le 8 juillet 2015]. Disponible sur : http://www.yadvashem-france.org/les-justes-parmi-les-nations/les-justes-de-france/dossier-3558D/
  10. a et b Le comité français pour Yad Vashem : Boccard Raymond [en ligne]. http://www.yadvashem-france.org, [consulté le 8 juillet 2015]. Disponible sur : http://www.yadvashem-france.org/les-justes-parmi-les-nations/les-justes-de-france/dossier-3601/
  11. a et b Le comité français pour Yad Vashem : Frontin Pierre [en ligne]. http://www.yadvashem-france.org, [consulté le 8 juillet 2015]. Disponible sur : http://www.yadvashem-france.org/les-justes-parmi-les-nations/les-justes-de-france/dossier-11845/
  12. Historique. Plaquette du Juvénat, 2015, p. 4
  13. Guénaël Morio, Éditorial. Plaquette du Juvénat, 2015, p. 1
  14. Yves Carron. Marché de noël 2011 – Lycée St François – Le Juvenat – Accueil [en ligne]. http://www.juvenat.com, publié le 15 décembre 2011 [consulté le 8 juillet 2015]. Disponible sur : http://www.juvenat.com/index.php/le-journal-du-juvenat/articles/marche-de-noel-2011.html
  15. Classement des lycées 2016, sur le site lemonde.fr (Lire en ligne).
  16. E.H. avec AFP, « Classement : quels sont les meilleurs lycées de France ? », Le Nouvel Obs,‎ (lire en ligne).